(RV) Entretien - Alors qu’en ce 1er mai quelque 100 000 personnes étaient sur
la Place Rouge à Moscou pour une journée très patriotique, comment ne pas parler quelques
jours après sa canonisation de Jean-Paul II. Sa confrontation avec le monde communiste
restera comme l’un des marqueurs forts de son pontificat. Ses années de sacerdoce
et d’épiscopat en Pologne lui avaient permis d’acquérir une fine compréhension des
faiblesses idéologiques du communisme, et de donner à l’Eglise les outils pour accompagner
sans rupture violente les changements survenus en Europe de l’Est à la fin des années
1980.
Si la dislocation de la Yougoslavie s’est faite dans la douleur, la
Tchécoslovaquie, la Pologne ou encore les Etats baltes ont pu vivre une transition
relativement pacifique, en grande partie grâce à l’attitude miséricordieuse de l’Eglise
qui a su encourager l’émancipation de la société civile sans pour autant humilier
les dirigeants sortants, voire en les associant au processus de démocratisation. En
Pologne, le général Jaruzelski lui-même fut reconnaissant envers le Pape de lui avoir
ménagé une sortie honorable et de lui avoir épargné le déshonneur de la prison ou
de l’exil.
L'expérience polonaise a encouragé les catholiques vietnamiens
Loin
de l’Europe, ces bouleversements ont été suivis avec attention dans les autres régimes
communistes, de Cuba à la Chine.
Au Vietnam, après une décennie de persécutions,
le Parti communiste s’est engagé en 1989 dans une politique d’ouverture relative,
reconnaissant à l’Eglise une légitimité comme « porte-parole » des aspirations de
la société civile. L’expérience polonaise a encouragé les catholiques du Vietnam à
s’affirmer sur la scène publique. La minorité catholique, qui ne représente pourtant
que 7% de la population, a ainsi acquis une visibilité sociale étonnante, qui certes
ne se fait pas sans tensions.
L’historienne Claire Tran, maître de conférence
à l’université Paris-Diderot, a travaillé sur la comparaison des politiques religieuses
de la Pologne communiste et du Vietnam. Elle nous explique comment les Vietnamiens,
dès l’indépendance du pays en 1954, ont été attentifs à la situation polonaise.