(RV) Entretien - En associant Jean XXIII et Jean-Paul II dans une même cérémonie
de canonisation, le Pape François a mis en évidence le concile Vatican II dans ses
intuitions fondatrices et dans ses conséquences pastorales. A Rome, la double canonisation
du 27 avril a d’ailleurs été précédée d’un congrès de deux jours sur l’Eglise en Afrique,
depuis le Concile Vatican jusqu’au troisième millénaire.
Réunis à l’université
pontificale urbanienne, des évêques, prêtres, théologiens, étudiants et personnalités
de la culture africaine ont dressé un bilan de l’application du Concile Vatican II
qui a marqué un tournant majeur pour l’Eglise catholique sur ce continent. Nous avons
recueilli les impressions de l’un des participants, le cardinal Adrien Sarr, archevêque
de Dakar
Le
Concile Vatican II a été important pour l’Afrique dès son départ. Dans le sens que
l’objectif du Concile Vatican II est de faire en sorte que l’Église catholique puisse
prendre un tournant pour pouvoir mieux s’adapter aux conditions du monde de l’époque
et au contexte plutôt mondial de l’époque, le contexte culturel social et économique.
Cela convenait très bien à l’Afrique parce que d’une part, à ce moment-là, beaucoup
de pays d’Afrique entrait dans l’indépendance (donc, dans la gestion des nations par
elles-mêmes) mais également les Églises d’Afrique commençaient elles-mêmes à avoir
une hiérarchie locale. Donc, c’est vraiment un moment où l’Afrique se prenait en charge
au niveau politique, au niveau social et au niveau ecclésial. Le Concile Vatican II
arrive pour inciter l’Église à donner davantage d’attention aux réalités actuelles
de l’époque et deuxièmement, aux cultures des peuples. Cela a permis que l’Église
soit entrée d’emblée avec le Concile Vatican II dans une étape majeure de sa croissance
: Une prise de conscience de ses richesses culturelles plus grandes et surtout prise
de conscience de son statut ecclésial pour voir comment mieux intégrer, assumer et
accueillir la foi chrétienne avec ses richesses culturelles et exprimer la même foi
chrétienne ave ses richesses culturelles.
Pendant les 50 ans qui suivent
le Concile à aujourd’hui, deux synodes des évêques se sont déroulés pour l’Afrique,
des synodes des évêques africains. De quelle façon cette assemblée a recueilli l’hérédité
du Concile et quelles indications nouvelles a-t-elle donné à l’Afrique ? Lors
du premier synode, je me souviens très bien comment les pères synodaux ont insisté
pour dire qu’il faudrait qu’en Afrique, nous privilégions l’image de la famille pour
désigner l’Église en nous appuyant à la fois sur la place de la famille dans les peuples
africains, dans les sociétés africaines, dans nos cultures et sur l’importance de
la famille afin qu’à partir de ces réalités africaines que nous connaissons bien,
nous puissions nous tourner vers l’Église et appréhender l’Église comme une famille,
vivre l’Église comme une famille. Donc, c’était un moment très important d’inculturation,
c’est-à-dire regarder l’Église comme une famille et bâtir l’Église en Afrique comme
une famille pour que les membres africains de l’Église puissent vraiment s’intégrer,
s’impliquer pleinement dans la vie de l’Église, dans la construction de l’Église comme
Église famille de Dieu et également dans la mission de l’Église de devoir annoncer
la bonne nouvelle du salut.
Et en ce qui concerne le deuxième synode des
évêques ? Alors, le deuxième synode, c’est le synode sur l’Église en Afrique
au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Cela permettait que
l’Église, après avoir pris conscience et après avoir voulu se bâtir en Afrique comme
l’Église de Dieu, comme la famille de Dieu, apprenne justement à se réconcilier en
son sein avec elle-même. Par exemple, l’Afrique qui se réconcilie avec ses cultures.
L’Afrique qui se réconcilie avec son passé. Et voir maintenant, comment, à partir
de cette réconciliation, l’Église en Afrique elle-même aide les peuples africains
à vivre la réconciliation, à se réconcilier avec leurs cultures, avec eux-mêmes pour
bâtir un présent et un avenir meilleur. Donc, à ce moment-là, l’Église en Afrique
en tant que famille de Dieu va consolider son être-famille et consolider sa vie familiale
pour pouvoir mieux accomplir l’annonce de l’Évangile comme promotrice de la paix pour
les hommes à travers l’application d’une plus grande justice.
Vous avez
cité la justice, la paix et la réconciliation. Ce sont certains défis que l’Afrique
doit affronter pendant ces années mais l’Afrique est aussi protagoniste d’une transformation.
L’Afrique se transforme. Comment les indications du Concile peuvent-elles aider l’Afrique
dans cette transformation et quel rôle l’Église peut jouer dans cette transformation
? Si je pars de la réconciliation, cette transformation doit amener les peuples
africains à dépasser toutes leurs luttes, tous leurs combats internes, toutes leurs
difficultés internes afin qu’en se réconciliant, les peuples africains, chacun avec
son voisin et les peuples entre eux, les peuples à l’interne deviennent vraiment une
véritable entité, un véritable peuple, une véritable famille et pouvoir marcher vers
la construction de la paix en Afrique pour le développement des peuples à travers
l’application de la justice. Vous voyez, ces trois thèmes sont très bien choisis :
réconciliation, justice et paix pour que les Églises africaines, vivant la réconciliation
en leur sein, puissent aider les peuples africains à vraiment vivre la réconciliation.
Donc, pour dépasser tous ces conflits qui mobilisent les énergies pour qu’elles puissent
être utilisées au développement de l’Afrique. Ensuite, on espère que cette réconciliation
grandisse, que les peuples seront vraiment des peuples réunis, unifiés et forts comme
des familles vraiment cohérentes, unis. A ce moment là, toutes les forces africaines
seront mises dans l’application de la justice pour tous et ainsi, la construction
de la paix.
Un entretien signé Davide Maggiore
Photo: le cardinal
Adrien Sarr, archevêque de Dakar