Jean XXIII et Jean-Paul II, Papes du dialogue avec le monde
(RV) Deux papes, deux volontés de dialoguer et s'ouvrir au monde. Jean XXIII, comme
Jean-Paul II ont largement influé sur les relations entre l'Église catholique et les
autres Églises et religions. Le Concile Vatican II, convoqué par Jean XXIII en 1959,
est un tournant majeur pour l’Église catholique, qui ouvre la voie à l'oeucuménisme
et au dialogue interreligieux.
L'itinéraire d'Angelo Roncalli est sans doute
déterminant dans les changements qu'il initiera une fois élu à la tête de l'Église
catholique. Visiteur, puis délégué apostolique en Bulgarie pour son premier poste
en 1925, Roncalli y découvre l’orthodoxie, pour ensuite être nommé en Turquie et en
Grèce. Par la suite, ses interventions pendant la Seconde guerre mondiale permettront
de sauver de nombreux réfugiés juifs. Il enverra notamment une lettre au roi Boris
III de Bulgarie pour qu’il désapprouve la déportation de 25 000 Juifs de Sofia et
obtiendra son aide pour faire sauver par la croix rouge des milliers de juifs slovaques
déportés en Bulgarie. Elu Pape en 1958, il convoque le Concile dès l’année suivante
et crée dans la foulée un Secrétariat pour la promotion de l’unité des chrétiens comme
l’une des commissions préparatoires au Concile. Si Jean XXIII meurt avant la fin des
travaux du Concile, il est bien le Pape qui a impulsé ce renouveau de l’Église catholique.
Un grand patrimoine spirituel commun avec le judaïsme
Parmi
les textes du Concile qui redéfinissent la relation de l’Église catholique avec les
autres Églises et religions, la constitution Lumen Gentium et la déclaration
conciliaire Nostra Ætate sont primordiales. Elles posent les bases de l’oecuménisme
et du dialogue interreligieux. «L'Eglise reconnaît que, à bien des égards, elle
est liée avec ceux qui, étant baptisés, sont honorés du nom chrétien, mais ne professent
pas la foi dans son intégralité ou ne maintiennent pas l'unité de la communion sous
le successeur de Pierre », est-il écrit dans Lumen Gentium. Le texte met
l'accent sur l'égalité entre les membres du « peuple de Dieu» et reconnait le «salut»
pour tous ceux qui reconnaissent le Créateur, incluant les musulmans «qui adorent
avec nous le Dieu unique », et tous ceux qui même ignorant «l'Evangile de
Christ et son Église, mais qui cherchent pourtant Dieu sincèrement ». Viendra
s'ajouter à la Constitution Lumen Gentium, le décret Unitatis Redintegratio
en 1964, qui définit les principes et fondements catholiques de l'oecuménisme, ainsi
que sa pratique.
Quant à la déclaration Nostra Ætate, elle pose les bases
du dialogue, que ce soit avec l’hindouisme, le bouddhisme ou les autres religions,
dans le respect de la foi et des valeurs de chacune de ces religions. Nostra Ætate
va plus loin en reconnaissant des éléments communs avec l’islam, et invite à dépasser
les dissensions historiques entre les deux religions pour défendre et promouvoir la
justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. Surtout, l'Eglise catholique
se propose de repenser son rapport théologique avec le judaïsme. Elle reconnait un
grand patrimoine spirituel commun et ne tient plus le peuple juif pour responsable
de la mort du Christ. Sont ainsi enlevés de la liturgie, et donc de l’enseignement
de l’Église sur les juifs, les termes « juifs perfides».
Première visite
papale à la synagogue de Rome
Si Jean XXIII a été l’initiateur de ce dialogue,
Jean-Paul II a largement contribué durant ses 26 années de pontificat à le développer
et l'enrichir. Il a d'ailleurs, durant le Concile, participé à la rédaction de la
constitution Gaudium et Spes, qui définit les rapports de l'Église avec le
monde.
Tout comme Jean XXIII, peut-être davantage encore, Jean-Paul II a été
très marqué par la Seconde guerre mondiale. La guerre sensibilise Karol Wojtyla au
sort des Juifs et aura certainement beaucoup d'influence dans le rapprochement opéré
ultérieurement entre le Saint-Siège et Israël, outre la politique de protection des
chrétiens menée au proche-Orient. Jean-Paul II expliquera d'ailleurs l'influence de
la guerre, puis du diktat soviétique en Pologne, sur sa vocation et ses convictions
: « C'est dans ce climat spirituel ardent que s'est développée ma mission de prêtre
et d'évêque, raconte-t-il dans «Ma vocation, don et mystère». Les deux systèmes
totalitaires qui ont tragiquement marqué notre siècle -le nazisme d'une part, avec
les horreurs de la guerre et les camps de concentration ; le communisme, d'autre part,
avec son régime d'oppression et de terreurs- j'ai pu les connaître pour ainsi dire,
de l'intérieur ». Jean-Paul II est ainsi le premier Pape à se rendre à la synagogue
de Rome en 1986. Suivront en 1993 l'accord de reconnaissance politique entre le Saint-Siège
et Israël, puis la signature d'un compromis sur les Lieux saints en 1997. Enfin, en
2000, lors de son voyage en Terre Sainte, le Pape se rendra au mur des Lamentations.
Les
gestes forts de Jean-Paul II envers les musulmans
Les gestes du Pape Jean-Paul
II envers les Musulmans ont été tout aussi forts, et multiples. C'est encore une fois
le premier Souverain Pontife à s'adresser directement aux musulmans le 19 août 1985
au stade de Casablanca au Maroc. Devant 60 000 jeunes Marocains réunis pour les jeux
panarabes, il rappelle que «c'est en Lui que nous croyons, vous, musulmans, nous,
catholiques».
Un discours à l'égard des fidèles de l'islam qu'il réïtérera
en 1989, mais cette fois-ci à propos du Liban, dans une perspective claire de dialogue
islamo-chrétien, alors que le Liban est plongé depuis 14 ans dans une guerre multi-fraticide.
Un pays auquel Jean-Paul II prêtera tout au long de son pontificat une attention particulière
en raison de l'importance de la présence chrétienne dans ce pays et de son statut
de «laboratoire» du dialogue interreligieux. Un synode spécial sur le Liban aura
lieu en 1995 afin d'examiner les nouvelles donnes du Liban d'après-guerre pour les
chrétiens, qui ont perdu de leur représentativité politique avec les accords mettant
fin à la guerre, les accords de Taëf, dans un rééquilibrage en faveur des sunnites.
L'exhortation finale du Synode, qui sera prononcée lors d'un voyage de Jean-Paul II
au Liban en 1997, -aussi première visite du Souverain Pontife au Proche-Orient-, mettra
l'accent sur le « vivre-ensemble », incitant les chrétiens à rester au Liban, à s'y
intégrer et participer à la vie politique et sociale. L'exhortation rencontrera l'assentiment
des différentes communautés religieuses au Liban. Et sera considérée par de nombreux
experts comme une relance du dialogue islamo-chrétien au Liban.
Assise,
Journée interreligieuse pour la paix
L'année 2000, celle du Jubilé, verra
d'autres visites marquantes du Souverain Pontife au Moyen-Orient. En février, il
se rend au Caire à l'université d'al-Azhar, le plus important centre théologique
de l'islam sunnite, puis en mars, effectue un voyage en Terre sainte et visite l'esplanade
des Mosquées à Jerusalem. « Haram al-Sharif est liée à la mémoire d'Abraham qui
pour tous les croyants est un modéle de foi en Dieu tout puissant », déclare alors
Jean-Paul II, accueilli sur l'esplanade par le mufti de Jerusalem, le Sheikh Ikram
Sabri. En 2001, il se rend à la mosquée des Omeyyades à Damas.
La rencontre
interreligieuse d'Assise, initiée par Jean-Paul II le 27 octobre 1986, est le symbole
par excellence de ce dialogue avec les autres religions. Ce jour-là, pour la première
fois dans l'histoire, quelque 130 responsables religieux du monde entier se retrouvent
dans la ville de saint François d'Assise, pour prier, ensemble, pour la paix. « Le
fait même que, de diverses régions du monde, nous soyons venus à Assise est en soi
un signe de ce chemin commun que l'humanité est appelée à parcourir. Ou bien nous
apprenons à marcher ensemble dans la paix et l'harmonie, ou bien nous partons à la
dérive pour notre ruine et celle des autres», déclare alors Jean-Paul II. Cette
rencontre se répétera dès lors à plusieurs reprises, en 1993, puis 2002, donnant naissance
à ce qui est appelé «l'esprit d'Assise», celui en faveur de la paix et du dialogue.
Ut unum sint
Pour ce qui relève de l'oecuménisme,
des pas très importants ont également été accomplis avec Jean-Paul II, très attaché
à l'héritage du Concile. L'encyclique Ut unum sint de 1995, ouvre ainsi aux
communautés chrétiennes non catholiques la discussion sur les modalités d'exercice
du ministère pontifical, et sera l'un des signes marquants du dialogue oecuménique.
Si
avec les orthodoxes, le dialogue reste complexe en raison notamment de la situation
politique en Russie au début des années 2000, il a connu des ouvertures en Grèce,
en Roumanie ou en Bulgarie. En 1999, Jean-Paul II visite la Roumanie avec les personnalités
locales de l’Église orthodoxe. Il est le premier Pape à visiter uns pays à majorité
orthodoxe depuis le schisme de 1054. Enfin, pour ce qui concerne la relation avec
les Églises luthériennes, la déclaration commune sur la justification par la foi
est signée en 1999, reconnaissant une conception commune de la « justification par
la foi ». Le Saint-Siège et les luthériens parviennent ainsi à un accord sur l'un
des points principaux des divergences issues de la réforme de Luther.