(RV) Entretien - Visite historique à Cuba : le chef de la diplomatie française,
Laurent Fabius, s’est entretenu longuement dimanche avec le président Raul Castro.
Il a pu aborder avec lui la question des droits de l’homme. Il a aussi rencontré le
cardinal Ortega, archevêque de La Havane, et des entrepreneurs français installés
sur place.
Cuba s’ouvre timidement aux investissements étrangers, mais la capacité
de l’île à s’ouvrir au commerce reste inégale selon les secteurs. Cette visite était
historique car aucun ministre français n’avait visité cette île communiste depuis
plus de 30 ans.
La France est pourtant plutôt bien perçue par les Cubains,
comme l’explique Christian Girault, chercheur au CNRS et spécialiste de Cuba
Texte intégral
de l'entretien :
La France peut jouer un rôle important. Il y a toujours le
prestige du passé, des grands écrivains, des grands intellectuels français et ça joue
évidemment beaucoup à Cuba sur la fibre révolutionnaire. Utiliser Cuba comme un pont
avec certains pays des Caraïbes ou certains pays de la zone latino-américaine, dans
les deux sens d’ailleurs, ça paraît une diplomatie assez habile et correcte. Ce voyage
était certainement plutôt bienvenu et finalement, il a été assez bien reçu puisqu’il
a quand même été reçu non seulement par le ministre lui-même mais aussi par Raoul
Castro, le chef d’État.
Aujourd’hui, quelle est la situation économique
à Cuba ? Est-ce que le pays est capable de s’ouvrir à des échanges commerciaux ? Il
y a des points positifs et des points difficiles. Sur le plan financier, la situation
n’est pas brillante parce que les cubains essayent de supprimer le double cours du
peso. En fait, il y a un peso qui est plus au moins attaché au dollar, le peso qu’utilisent
les touristes et puis, il y a un peso local. L’idée, ça serait de rétablir une seule
monnaie unique mais la situation financière est très difficile. Le pays a beaucoup
de dettes et peu de partenaires financiers. C’est un point très difficile. Les atouts
du pays, c’est plutôt sa position stratégique qui a toujours été le grand atout de
Cuba puisqu’il est en fait très proche des États-Unis, du Mexique et du canal de Panama.
L’agriculture ne va pas bien du tout et l’industrie est très chancelante. Il y a quelques
points positifs sur la recherche et le développement. En particulier, il y a un secteur
de biotechnologie qui fonctionne bien, qui est reconnu dans le secteur de la recherche.
On a découvert des vaccins et on est en train de mettre au point des vaccins contre
certaines maladies infectieuses, contre l’hépatite b. Il y a un secteur et des investisseurs
français qui sont intéressés par ce secteur de biotechnologie.
Et cette
présence française, c’est un phénomène nouveau ou l’influence française est-elle déjà
bien encrée à Cuba ? Les relations sont quand même assez chaleureuses dans
un certain sens. Ca ne concerne peut-être pas l’ensemble des politiques français mais
par exemple, le président du Sénat français a passé la fin de l’année dernière à la
Havane. Il faut dire qu’il est marié à une cubaine, une dame de Cuba. Donc, ça facilite
les choses. Et puis aussi, les relations culturelles sont assez importantes. On sait
qu’il y a beaucoup d’inscrits à l’alliance française à la Havane. Beaucoup d’étudiants
apprennent le français pour travailler dans le secteur touristique, le secteur des
hôtels. C’est important pour eux. Mais d’une façon générale, ce qui vient de France
est plutôt bien vu.
Laurent Fabius a rencontré l’archevêque de la Havane,
le cardinal Ortega. C’est une rencontre un petit peu étonnante d’un point de vue français.
Quelle est aujourd’hui l’influence de l’Église dans la société cubaine ? L’Église
a un rôle important, d’autant que les observateurs ont remarqué une pratique religieuse
plus importante depuis quelques années, de façon générale à Cuba. Et puis, les évêques
et l’archevêque sont devenus des interlocuteurs. La société civile est presque absente
à Cuba et en réalité, l’Église avec son organisation et ses fidèles représentent un
véritable interlocuteur pour le régime. Et les relations sont très suivies. D’ailleurs,
l’Église cubaine a envoyé un certain nombre de messages au gouvernement à plusieurs
reprises. Le message, c’était de laisser quand même un peu plus de marge à l’expression
politique ou à l’expression citoyenne.
Photo : Laurent Fabius, le ministre
français des Affaires étrangères, à La Havane, ce week-end