« Témoins de la radicalité évangélique » c’était le thème du 27° chapitre général
des salésiens qui s’est achevé samedi à Rome après 40 jours de travaux. Un chapitre
marqué entre autres par l’élection du nouveau recteur majeur. Le père Angel Fernández
Artime est le 10° successeur de Don Bosco. Parmi les participants à ce chapitre général,
le Père Jean Claude Ngoy, Provincial d’Afrique centrale nous explique la mission
des salésiens au Congo avec les jeunes des rues.
Texte intégral
de l'entretien :
Les salésiens réalisent beaucoup d’œuvres et s’occupent justement
de la jeunesse. Nous avons des centres professionnels, nous avons des écoles primaires,
des collèges et aussi des écoles professionnelles, techniques et des paroisses. C’est
à travers toutes ces activités que nous donnons la possibilité, la chance à beaucoup
de jeunes de pouvoir étudier et donc, de pouvoir apprendre des métiers pour s’insérer
dignement dans la société. Il y a aussi une autre partie d’œuvres que nous avons :
nous accueillons les enfants de la rue. Et c’est pratiquement là que nous touchons
la sensibilité de la misère au Congo. Comme Don Bosco lui-même nous l’avait dit, il
faut aller vers les jeunes et surtout ceux qui n’ont pas eu de possibilités, ceux
qui ont eu le moins. Nous avons des centres qui s’occupent justement de ces jeunes
de la rue et petit à petit, nous leur donnons la chance d’apprendre des métiers et
donc, la chance de réussir leur vie. Je dois dire que c’est une mission qui n’est
pas très facile pare que ça demande beaucoup de moyens, d’interventions, de patience
et surtout et beaucoup d’amour pour les pauvres et les petits.
Comment faites-vous
? Vous allez à la rencontre dans la rue ? Vous repérez ces jeunes ou bien c’est eux
qui viennent vous voir parce qu’ils ont entendu parler de ce que vous faites ? Comment
cela se passe ? Il y a deux choses, deux moments. Tout d’abord, il y a ce
qu’on appelle la maison d’’accueil. Et là, il y a évidemment des confrères qui s’occupent
et qui cherchent des enfants qui sont dans la rue. Ils font même ce qu’on appelle
« l’apostolat de la nuit ». Ils vont voir là où les enfants, les jeunes traînent et
ils vont les chercher. D’autre part, il y a beaucoup d’enfants qui viennent d’autres
régions, qui apprennent que chez les salésiens, on accueille des enfants de la rue.
Et il y en a qui viennent. Je dirais que plus de 80% viennent d’autres régions. Quand
ils apprennent que là-bas, on est bien, on est bien accueilli, on trouve un endroit
pour dormir et avoir quelque chose à manger, ils arrivent. Nous avons la maison «
Bakanja-ville » qui est un centre, une maison d’accueil. Quand ils passent quelques
temps dans ces structures d’accueil, on les amène à Kanja centre parce que là, ils
sont orientés pour étudier. Il y en a qui n’ont jamais été sur les bancs de l’école.
On leur donne la chance d’apprendre quelque chose, petit à petit, et quand on voit
qu’ils s’intègrent très bien ou ils sont réinsérés dans leurs familles ou bien ils
continuent dans nos centres de formation professionnelle pour apprendre un métier.
Concernant
l’apostolat de la nuit, comment s’adresse t’on à ces jeunes que vous rencontrez dans
les rues ? Très facilement, les enfants viennent vers nous, ils rencontrent
les salésiens sans problèmes et ils parlent. On les invite à venir pour ne pas rester
dans la rue. Évidemment, on leur explique ce que cela comporte comme menace, comme
danger. Quand vous restez dans la rue la nuit, n’importe qui peut venir pour vous
faire du mal. Si vous êtes à la maison ou vous êtes chez nous, vous êtes sécurisés.
On leur donne toutes ces raisons là pour leur donner un peu de confiance et alors,
ils abandonnent la rue.
Tout est basé sur la parole, sur l’échange verbal
? Oui, la première rencontre est basée sur l’échange et la parole.
Quand
vous faites ces rondes de nuit, comment cela se passe ? Vous êtes par deux ou par
trois, vous êtes tout seul ? Vous êtes habillé en prêtre, vous êtes reconnaissable
ou bien vous y aller en laïc ? Non, on y va en laïc et jamais seul parce que
la nuit, on risque. Il faut éviter ces risques. On y va à deux ou à trois pour faire
cet apostolat nocturne.
Un autre participant au chapitre général,
le Père Sylvain Ducange, Provincial d’Haïti, revient sur la situation des jeunes
et leurs formations suite au tremblement de terre de 2010 qui a détruit de nombreuses
écoles et a fait 220 000 morts et 300 000 blessés.
Texte intégral
de l'entretien :
Nos secteurs d’intervention sont assez vastes. C’est-à-dire
qu’effectivement, comme salésiens, nous pointons surtout l’éducation dans tous ses
aspects. Vous allez trouver chez nous beaucoup d’écoles primaires et actuellement,
la priorité est portée sur les écoles professionnelles. Nous avons dix centres de
formation professionnelle. Après le tremblement de terre, on a du élaborer notre plan
de formation professionnelle pour les cinq ans. Actuellement, on est en train d’implanter
ce plan qui sert non seulement aux salésiens mais à tous le pays puisqu’actuellement,
l’État s’en sert aussi lors de certaines interventions. Après le tremblement de terre,
on travaille actuellement avec les enfants de la rue. Il y a beaucoup d’enfants orphelins
qui sont dans la rue et nous avons trois centres qui les accueillent. Nous avons aussi
des internats qui accueillent des jeunes qui ont des difficultés économiques. Ce sont
surtout des jeunes qui ont déjà terminé un certain cycle d’étude et qui font de la
formation professionnelle, particulièrement les écoles techniques de formation professionnelle,
les écoles techniques agricoles, même une école d’infirmières que nous avons dans
le pays pour pouvoir aider ce pays et les jeunes à émerger.
Comment affronter
ce problème des enfants des rues ? L’objectif final, ce n’est pas seulement
s’occuper des enfants des rues, l’objectif réel, c’est aider ces jeunes non seulement
à sortir de la rue mais de ce cycle de la société et surtout avant tout, une intégration
familiale. C’est pourquoi nous allons les chercher dans la rue, là où ils sont. Nous
avons une première étape qui s’appelle l’amitié. Là où ils sont, on joue avec eux,
on leur parle et on les invite chez nous. Ça, c’est la méthode salésienne. Ça s’appelle
la cour, c’est le lieu où on se retrouve. Donc là, ils commencent à avoir une certaine
base de formation avec nous de façon informelle jusqu’à ce qu’ils veulent faire la
deuxième étape, qui est celle de la maison. Ceux qui veulent, viennent avec nous et
on les accompagne jusqu’à la maison. Et là, pour trois, quatre ou cinq ans, ils apprennent
un métier. On va dans la famille avec eux, il y a une organisation, une intégration
familiale. S’il y a eu des blessures avec la famille, il faut les accompagner psychologiquement
pour qu’ils puissent retourner à la famille. Et même après, leur donner les moyens
ou leur faciliter pour pouvoir se prendre en charge économiquement eux-mêmes. C’est
tout un travail de longue haleine qui dure entre quatre et cinq ans pour pouvoir accompagner
ces enfants et ces jeunes à l’âge adulte pour qu’ils puissent aussi se tenir debout
dans cette société où les problèmes sont grands.
La population est très
majoritairement jeune en Haïti. Vu le défi que cela représente d’un point de vue matériel,
est-ce que vous considérez qu’il y a assez de collaboration, d’entraide et surtout
de moyens mis à disposition pour relever ce défi, aussi bien de la part des associations
et des organisations non gouvernementales que de l’État haïtien ? À ce niveau
là, je pense que c’est quelque chose qui se fait mais il y a beaucoup à faire. Il
faut partir d’un projet global. Le premier qui devrait avoir un projet d’éducation
bien élaboré et systématique, c’est l’État. Ensuite, les organisations viendraient
au secours. Le problème, c’est que certaines organisations veulent travailler toutes
seules. Donc, ils ne veulent rien savoir ni de l’État, ni de l’Église, ni de nos organismes.
Ils proposent les projets eux-mêmes. Tandis que moi je pense qu’il faut partir du
terrain avec les gens du terrain pour pouvoir toucher réellement les vrais besoins,
les vrais défis de cette jeunesse qui ne sont pas des défis ordinaires mais ce sont
des défis réels. Il faut connaître un petit peu le thème, la réalité pour pouvoir
toucher le problème éducatif du droit et amener les jeunes à une croissance. Nous
sommes en train de le faire. Nous avons déjà mis sur pied une structure avant le tremblement
de terre avec notre bureau de planification et de développement qui touche tous ces
points là. On doit travailler avec la jeunesse et pour la jeunesse mais avec une perspective
de croissance intégrale, humaine, spirituelle et sociale, bien sûr. En général, il
y a une volonté que ce soit du côté de l’État ou des organisations mais il faut mettre
les ressources ensemble et dans un projet réel ou global pour pouvoir répondre aux
vrais défis, aux défis réels du pays.
Photo: des jeunes de la Cité
Soleil, à Port-au-Prince