Les chrétiens palestiniens privés des fêtes de Pâques à Jérusalem
(RV) Entretien - Bientôt le dimanche des Rameaux. Dans chaque paroisse, on
se prépare aux festivités de Pâques, même au Proche-Orient. Mais les fidèles pourront-ils
seulement se rendre à Jérusalem ? Des chrétiens palestiniens réclament une sécurité
allégée pour les fêtes de Pâques. Ils ont déposé une pétition la semaine dernière,
auprès de la Cour Suprême d’Israël, pour convaincre le gouvernement et la police israélienne
de renoncer aux restrictions de circulations. Des restrictions qui empêchent des fidèles
d’accéder à l’église du Saint-Sépulcre et à d’autres sites lors du Samedi saint.
A ce jour, la police a toujours prévu d’installer des barrières et la Cour ne s’est
toujours pas prononcée.
Alors pour avoir une chance d’accéder à ces lieux saints,
les chrétiens palestiniens doivent demander aux Israéliens des permis de circuler.
Le père Shomali, le curé de la paroisse de Beit Jala près de Bethléem, attend
toujours de les recevoir. Il a prévu d’aller avec ses paroissiens à Jérusalem pour
le dimanche des Rameaux. Une situation qui se répète chaque année. Il est interrogé
par Audrey Radondy :
Est-ce
que vous allez aller à Jérusalem pour les fêtes de Pâques ? A chaque fois,
ils nous donnent les permis un ou deux jours avant, comme cela ça sera très difficile
d’organiser la présence de la communauté chrétienne à Jérusalem. Ceci rentre dans
la mentalité israélienne. Donc, l’Église qui se trouve à Jérusalem est seulement une
Église pour les étrangers. Ce qui n’est pas vrai, il y a beaucoup de chrétiens locaux
qui habitent Jérusalem. Il y a aussi des chrétiens palestiniens qui sont dans la zone
de Bethléem.
Est-ce que vous avez remarqué une dégradation ? Le
Samedi saint est toujours une difficulté à Jérusalem. Même lorsque j’étais séminariste
il y a vingt ans, il n’était pas facile de rentrer dans la ville. Cette année, ça
sera encore plus difficile car les Palestiniens chrétiens orthodoxes et catholiques
célébreront en même temps les Pâques. Donc, tout le monde va y aller. En plus, il
y a beaucoup de pèlerins du monde entier qui arrivent pour les fêtes de Pâques et
ils veulent aussi participer. Mais Israël leur donne la priorité et non pas à nous.
Et par exemple, si vous essayez de vous rendre à Jérusalem, comment cela
se passe-t-il ? La vieille ville est complètement fermée. La Patriarcat a demandé
des permis spéciaux pour les séminaristes afin qu'ils puissent entrer avec leurs voitures
dans la vieille ville. Mais ce n’est pas facile du tout pour nos chrétiens d’y entrer.
Cette année, on va quand même essayer de trouver des moyens pour aller à Jérusalem,
mais déjà il faut avoir le permis pour pouvoir passer le barrage. Si on ne l’obtient
pas, cela sera impossible.
Et plus globalement, quelle est l’attitude des
autorités vis-à-vis des chrétiens palestiniens ? Pour les Israéliens, nous
sommes un passeport. Cela veut dire que tu es Palestinien ou que tu n’es pas Palestinien.
Et comme la situation des négociations avec les palestiniens n’a pas abouti, le peuple
palestinien doit donc subir et n’aura pas de permis. Et maintenant que tombent les
fêtes de Pâques des chrétiens, les permis vont être diminués ou ne seront pas octroyés
pour la participation aux fêtes pascales. C’est la réalité à laquelle les Israéliens
nous ont habitués.
Qu’est-ce que ça vous fait à vous et aux paroissiens,
de ne pas pouvoir vous rendre à Jérusalem pour les fêtes de Pâques ? Cela
sera une célébration manquée car tout le monde est habitué à Beit Jala et aux alentours
à y aller après ou pendant les fêtes de Pâques, pour y célébrer quelques messes ou
pour parcourir le chemin de croix. Nous sommes vraiment très tristes de ne pas pouvoir
y aller. C’est contre tous les droits de l’homme et tous les droits signés avec l’État
du Vatican pour le libre accès aux lieux saints. Pour nous les chrétiens palestiniens,
Jérusalem est quelque chose de très spécial où nait notre foi chrétienne. Elle est
née de la Résurrection. C’est vrai que Bethléem est très importante mais Jérusalem
l’est tout autant. Le lieu de la Résurrection est très important pour nous. Donc,
nous voyons tous ceux qui arrivent du monde entier pour venir passer les fêtes de
Pâques à Jérusalem et nous, à 8 kilomètres de là, nous ne pouvons pas arriver là-bas.
C’est vraiment quelque chose qui nous rend très tristes et qui conduit nos fidèles
à aller chercher un autre passeport afin qu’ils puissent vivre en dignité sur leur
terre. Nous qui sommes nés ici, on ne nous laisse pas passer. Donc, il vaut mieux
être étranger chez nous.
Pour terminer, est-ce que vous voulez ajouter
quelque chose ou avez-vous un appel à lancer ? J’appelle le Saint-Père, qui
vient nous visiter dans presque un mois, pour qu’il dise une parole de paix et de
justice pour notre Terre Sainte et pour tous les chrétiens du monde qui nous entendent
afin qu’ils connaissent notre histoire. Pour nous la communauté chrétienne, nous sommes
sur le calvaire et nous payons les taxes pour être nés sur cette terre là. Nous subissons
une injustice et nous vous demandons à tous de penser et de prier pour nous car si
le Seigneur lui-même ne change pas la mentalité de nos chefs politiques, rien ne sera
changé. Nous demandons spécialement de prier pour nous, en ce moment difficile pour
la communauté chrétienne qui est sur le calvaire avec le Seigneur.
Photo
: des pèlerins chrétiens rassemblés autour du tombeau du Christ dans l'église du Saint-Sépulcre