Conversation avec Mgr Podvin sur la plénière à Lourdes
(RV) Entretien - L’assemblée générale plénière de la conférence des évêques
de France s’est ouverte ce mardi matin à Lourdes. Jusqu’à vendredi, l’épiscopat français
va réfléchir sur les nombreux thèmes à l’ordre du jour. Dans son discours d’ouverture,
le président de la conférence épiscopale Mgr Georges Pontier appelle au discernement,
à la rencontre et à l’espérance.
Car la crise, économique, sociale et morale
est profonde. Une réalité à laquelle les évêques ne comptent pas être sourds, ce que
nous confie Mgr Bernard Podvin, le porte-parole de de la conférenceépiscopale
Texte intégral
de l'entretien:
Cette assemblée plénière s'ouvre dans un contexte de crise
économique, morale et sociale ...
Je crois que les évêques venant à Lourdes
vivent cette communion profonde à la population qui aujourd’hui est en désarroi. Et
donc eux-mêmes, dans le partage d’actualité, dans les thèmes qu’ils travaillent durant
cette assemblée, ils ne peuvent pas penser à toute cette recherche et cette crise
profonde. Vous avez tout à fait raison de dire que la crise est non seulement sociétale
mais qu’elle est en même temps une crise de confiance. Aujourd’hui, on sent bien qu’il
y a un élan qui est cherché. Beaucoup de nos contemporains sont en recherche d’un
horizon, d’un souffle nouveau que d’ailleurs le Pape François permet vraiment de retrouver
à travers toute sa popularité, toute la confiance qu’il impulse. Et je pense qu’ici,
en grande communion avec le Saint-Père, les évêques de France sont là. Ils viennent
juste d’arriver et donc, les réponses sont forcément encore très partielles parce
que l’assemblée ne fait que s’ouvrir. Mais le discours de Mgr Pontier est bien là
pour illustrer l’état d’esprit dans lequel les évêques commencent leur travail.
Alors
justement, Mgr Pontier évoque une société qui a parfois peur de l’avenir. Quelles
sont les pistes que vous souhaitez dresser pour retrouver la confiance ?
D’abord,
ce qui est fondamental, c’est que ceux qui ont des responsabilités dans la société
veuillent bien s’arrêter un peu et écouter les mouvements d’opinion qui sont en train
de se dessiner. Mgr. Pontier à juste titre dans son document, dans son discours, vient
de parler par exemple de ces élections municipales : Que révèlent-elles ? Que disent-elles
aujourd’hui d’une crise de confiance, d’une crise de proximité ? Comment réhabiliter
cette confiance ? Comment réhabiliter la responsabilité sur le plan politique ? Comment
éviter de cliver encore davantage la société ? Il faut vraiment éviter de cliver davantage
la société. Aujourd’hui, elle l’est terriblement de par les réformes sociétales. Ca
a été dit clairement dans son discours. Les inquiétudes qui sont à l’horizon sont
celles du respect de la vie, du respect de l’autre, par exemple de la question de
la fin de vie. Elle a aussi été évoquée dans le discours. Comment tout cela va se
vivre dans les semaines qui viennent ? On sent quand même que là, il y a des attentes
considérables de la part de la population et légitimement, de la part des communautés
chrétiennes. Alors, la communauté chrétienne a un rôle à jouer. Les catholiques ont
un rôle à la fois de dialogue avec la société, de débat entre eux parce que tout n’est
pas limpide entre eux-mêmes. C’est aussi à regarder à leur niveau. Et je crois que
ce signe qui est à donner de la part de l’Église catholique, c’est un signe de confiance
et aussi un signe de volonté de s’asseoir et d’aller par exemple vers les élections
européennes en sauvant l’essentiel. Concernant l’Europe, sauver l’essentiel, c’est
à la fois faire preuve de grande lucidité sur cette Europe, sur ses failles, ses défauts,
ses insuffisances mais aussi de voir comment sauver une Europe de valeur, une Europe
capable de traduire l’essentiel, une Europe capable de nous entrainer beaucoup plus
loin dans le respect de tous. Donc là, il y a énormément de chantiers en perspective.
Alors, hasard du calendrier, Mgr. Podvin, cette assemblée s’ouvre le jour
où le nouveau premier ministre, Manuel Valls va prononcer son discours de politique
général, un discours très important pour les citoyens français et très important aussi
pour les catholiques. J’imagine que les évêques vont avoir une oreille de ce qui se
passe à Paris.
Bien sûr, c’est tout à fait normal qu’il y ait une oreille
attentive. D’abord parce que tout citoyen se doit d’écouter ce qu’un projet gouvernemental
veut exprimer. Donc bien évidemment, les évêques, en tant que pasteurs de leurs diocèses,
sont attentifs aux orientations avec une écoute de fond, une écoute vigilante quant
à cet avenir qui va se dessiner dans ce discours. Donc là, il y a forcément à en reparler
dès que le discours sera prononcé. Je dirais aussi que le discours d’une politique
gouvernementale, quelle qu’elle soit, est quand même soumise à des contingences électorales,
des contingences de mandat, de quinquennat. La Parole de l’Église est libre. L’Église
n’est pas soumise à un quinquennat. Et donc, l’Église catholique, quelque part, bénéficie
d’un statut de liberté, de prophétisme qu’elle peut vraiment incarner dans une société.
Qu’un gouvernement s’exprime, c’est une chose : on l’écoutera bien sûr, quel qu’il
soit. Mais il y a cette liberté de l’Église, indépendamment de toute étiquette, de
toute appartenance et qu’il est très important, ici aussi à Lourdes, de bien cultiver.
Mgr Podvin, ces derniers mois ont souvent révélé des lignes de fracture
au sein des catholiques français. On l’a vu autour des questions liées au mariage
pour tous. Plus récemment, il y a eu l’affaire de l’annulation de cette conférence
à Tours. Il y a eu une délégation qui est partie en Russie, etc.On a beaucoup parlé
dans les médias de ces tensions, des tensions qui existent au sein des catholiques
français et qui peuvent se ressentir même au sein de l’épiscopat. Comment allez-vous
aborder ces questions là ?
Dès l’instant où il y a des tensions dans la
société, il n’est pas surprenant qu’il y ait des tensions dans la communauté des catholiques.
Ça serait d’ailleurs surprenant que ces tensions de société ne viennent pas aussi
marquer les tensions auxquelles vous faites allusion. Donc, ce serait être langue
de bois, ce serait être totalement dans l’irréalité que d’ignorer que les catholiques
eux-mêmes sont différents, peuvent avoir des vues différentes. Tout le travail épiscopal,
ici, à Lourdes est d’aller vers cet essentiel, de cultiver cette juste estime entre
catholiques. Tout en ayant des points de vue différents, comment peut-on retrouver
une juste estime mutuelle entre catholiques de même communauté ? Comment peut-on aller
vers cet essentiel ? Comment peut on aussi chercher l’anthropologie commune qui nous
réunit ? Qu’il y ait des différences sur les méthodes, sur des options de manifestation
ou pas, il y a bien une anthropologie commune. Le christianisme nous appelle à une
anthropologie commune. Et c’est quand même ça aussi qu’il faut savoir redire clairement.
Ici, à Lourdes, il y a un épiscopat capable de débattre. Je puis en témoigner pour
l’entendre depuis ce matin. Il a sa capacité de débat et en même temps, il est unit
sur l’essentiel.
Mgr Podvin, est-ce que cette assemblée sera aussi l’occasion
de réfléchir à la collégialité ? On sait que c’est une notion très chère au cœur du
Pape François ?
Bien sûr, le Pape François dans son exhortation redit
à quel point il a une estime profonde des conférences épiscopales. Il le redit en
disant à quel point lui-même, souvent, aime se référer à ce que disent les conférences
épiscopales, à les écouter dans ce qu’elles peuvent dire. Je puis vous dire que Mgr.
Pontier a beaucoup apprécié l’accueil qu’il lui a été réservé en janvier dernier quand
Mgr. Pontier était venu auprès du Saint-Père pour donner le retour de l’assemblée
plénière de novembre dernier. Il y a effectivement tout un travail du côté des conférences
épiscopales qui est très important. Cette collégialité, il ne faut pas que ce soit
simplement une sorte de parole un peu pieuse ou que ce soit un simple slogan. Il faut
que ça soit quelque chose d’effectif et d’affectif. Il y a un esprit collégial. C’est
un exercice permanent, c’est une conversion permanente. Nous sommes en plein Carême.
Les évêques, les premiers, reconnaissent qu’ils ont eux-mêmes à vif cette conversion
permanente à la collégialité, toujours dans la profonde communion et dans le profond
respect du ministère du Saint-Père. Et c’est bien dans cette communion que le Saint-Père
impulse et à cette collégialité entre évêques qu’il y a vraiment à travailler. Et
je pense que le signe donné ici à Lourdes est vraiment un signe de recherche très
exigeante, parce que la collégialité, c’est exigeant mais en même temps, c’est fructueux.
Si le Seigneur nous y appelle, je pense que ce signe là de la collégialité ne peut
que porter fruit dans les communautés qui elles-mêmes sont en besoin de se former
davantage au débat. On n’arrête pas de dire le débat mais qu’est-ce que ça veut dire
le débat ? Si le débat n’est pas empreint de cet esprit de fraternité et de recherche
d’une vision commune au nom de la foi en Jésus-Christ et marquée par une anthropologie
commune, ça ne sert à rien.
Un dernier mot. Mgr Podvin, vous allez accueillir
un invité exceptionnel, Jean Vanier, au cours de cette assemblée. Jean Vanier, fondateur
de l’Arche, qui est un symbole très fort de cette mise en avant de la fragilité comme
force aussi. Je crois que c’est le message que vous souhaitez faire passer.
C’est
fondamental. Le Pape François vient de recevoir également Jean Vanier et de savoir
que le Pape l’a reçu et qu’il viendra à la rencontre des évêques, ça a quelque chose
de très émouvant et de très symbolique parce que finalement, tous les débats auxquels
nous faisons allusion depuis de cette interview nous appelle à beaucoup d’humilité
quand on rencontre l’appel à servir nos frères les plus fragiles. Et Jean Vanier incarne
vraiment merveilleusement ce rapport entre la force et la fragilité. Aujourd’hui,
qui est fort et qui est faible ? Jean Vanier a reçu un charisme. Dieu l’a appelé à
vraiment être au service des plus fragiles pour montrer qu’au nom du Christ, quand
on ne prend pas soin du plus fragile, tous les débats deviennent vains et toutes les
paroles deviennent creuses. Et je crois que le fait que Jean Vanier viennent le rappeler
dans l’hémicycle, c’est fondamental aussi en plein contexte de Carême et la parole
de Jean Vanier ira bien au-delà de cet hémicycle de Lourdes parce qu’elle rejoindra
toutes les communautés catholiques qui ont toujours besoin d’accueillir le plus faible.
L’anniversaire de l’Arche qui est en train de se célébrer, ça doit être un très grand
moment pour toute l’Église de se rappeler que tout ce qui sera fait pour le plus petit
dans la société sera toujours au bénéfice du bien de cette société. Et c’est pour
cela que je me permets de rappeler l’importance du débat qui va venir sur la fin de
vie parce que si nous regardons avec vigilance ce débat, nous honorons cette fragilité
envers nos frères qui sont en train de vivre l’étape ultime de leur existence. Jean
Vanier va nous rappeler tout cela de façon fondamentale.