2014-04-03 12:55:56

La réconciliation doit être une priorité pour l'Église au Rwanda


(RV) Alors que le Rwanda commémore le génocide de 1994, le Pape François a salué dimanche lors de l'Angélus les efforts de réconciliation menés dans ce pays qui panse encore ses plaies.

« Je désire exprimer au peuple rwandais ma proximité paternelle » a déclaré le Pape. Rappelant que ce lundi 7 avril on commémore « le 20ème anniversaire du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 », le Saint-Père a encouragé le peuple rwandais à « continuer avec détermination et espérance le processus de réconciliation qui a déjà porté des fruits et à poursuivre l’engagement en faveur de la reconstruction humaine et spirituel du pays ».

« N’ayez pas peur » a lancé le Pape aux Rwandais, « construisez votre société sur le rocher de l’Evangile, dans l’amour et la concorde, c’est seulement de cette façon que peut se construire une paix durable ». Le Pape a dit se souvenir avec affection de la visite, cette semaine au Vatican, des évêques rwandais, puis il a récité un « Je vous salue Marie » pour le peuple rwandais, avec les dizaines de milliers de fidèles présents place Saint-Pierre.

Prière pour des communautés « déchirées »


Lors de son message délivré jeudi matin aux évêques rwandais en visite ad limina au Vatican, le Saint-Père disait prier pour les « communautés souvent déchirées, pour les victimes et leurs familles, pour tout le peuple rwandais, sans distinction de religion, d’ethnie ou d’option politique ».

Ce sont les évêques d’un pays meurtri que le Pape François avait rencontré ce jeudi. Un pays, a-t-il souligné, ayant connu un « épouvantable génocide qui a provoqué tant de souffrances et de blessures qui sont encore loin d’être refermées ». 20 ans après, « la réconciliation et la guérison des blessures restent la priorité de l’Église au Rwanda » rappelle le Pape. « Le pardon des offenses et la réconciliation authentique, qui pourraient sembler impossibles à vue humaine après tant de souffrances, sont cependant un don qu’il est possible de recevoir du Christ, par la vie de foi et la prière, même si le chemin est long et demande patience, respect réciproque et dialogue ».

Un dialogue constructif et authentique avec les autorités

Mais pour œuvrer à la reconstruction d’une société rwandaise réconciliée l’Eglise doit, « dépassant les préjugés et les divisions ethniques », parler « d’une seule voix », manifester « son unité et raffermir sa communion avec l’Église universelle et avec le successeur de Pierre ». Une Église unifiée donc mais aussi une Église qui entretient des relations de confiance avec l’État. « Un dialogue constructif et authentique avec les Autorités ne pourra que favoriser l’œuvre commune de réconciliation et de reconstruction de la société autour des valeurs de dignité humaine, de justice et de paix ».

Le Saint-Père encourage ensuite l’Église rwandaise à poursuivre l’œuvre accomplie « dans les domaines de l’éducation et de la santé auprès de tous ceux que la guerre a blessés dans leur âme ou dans le corps » et il rappelle que « l’éducation de la jeunesse est la clé de l’avenir ». « Une vigilance toute particulière » doit également être accordée aux familles, « cellules vitales de la société et de l’Eglise ». Encouragement mais aussi vives recommandations, c’est en quelque sorte une boussole, que le Pape François vient de livrer aux évêques rwandais, chargés d’être en première ligne dans le processus de reconstruction du pays.

Fin d'une visite de deux semaines

Cette rencontre avec le Pape François intervenait au terme de deux semaines passées à Rome durant lesquelles les évêques rwandais ont pu rencontrer plusieurs membres de différents dicastères de la curie romaine. Mgr Smaragde Mbonyintege, Président de la Conférence épiscopale rwandaise s’attarde sur l’accueil qu’il ont reçu au Vatican et sur le contenu de leur entretien avec le Pape. Il évoque également le rôle de l’Eglise dans le pays, 20 ans après le génocide, au micro de Hélène Destombes RealAudioMP3


Comment avez-vous été accueillis au Vatican ?
Ce qui nous a frappés moi et mes collègues, c’est l’esprit avec lequel nous avons été reçus. Et nous l’avons dit même au Saint Père, quand nous sommes passés : l’esprit de François est visible, on le voit. C était simple, on allait directement aux questions qui se posent. En arrivant chez le Saint-Père, il nous a très bien reçus, très simplement, fraternellement, assis autour de lui. Pas de discours. Il nous a posé beaucoup de questions. La question du processus de réconciliation, de paix, a été un point très fort, sur lequel nous avons beaucoup échangé en évoquant comment le Pape Jean-Paul II a été très proche de nous dans ces moments par des mots très forts qui nous ont aidé, qui nous ont édifié. A partir de là il nous a encouragé à continuer ce processus de réconciliation. Nous avons parlé aussi de la reconstruction de l’Église, où amener l’Église. Nous avons dit nous faisions un bilan qui sera publié dans deux ou trois semaines quand nous retournerons dans le pays.

Le Pape vous a appelé à être une Église unie. On sait que durant le génocide certains religieux ont été critiqués pour leur part de responsabilité. D’autres au contraire ont été salués pour leur action contre ce drame. Où en êtes-vous aujourd’hui, très concrètement ? Est-ce que vous pouvez déjà nous dévoiler les grandes lignes de ce bilan que vous avez fait ?
Pour nous, le bilan est positif. Les Rwandais vivent en paix. Ils ont vraiment compris les méfaits du malheureux ethnisme. Et je crois que la leçon que nous en avons tirée comme Église et comme peuple est de ne plus jamais retomber dans des erreurs de ce genre. Et le gouvernement actuel, qui pointe sur l’unité nationale, la paix et la justice, nous donne un cadre comme Église catholique au Rwanda. Nous croyons que là où nous allons, avec des progrès économiques qui sont palpables, -ceci ne veut pas dire qu’il n’y a pas de blessures, il y en a, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des pauvres, il y en a, et sur lesquels nous prêtons notre attention-, mais nous croyons que le chemin que nous faisons avec l’expérience que nous avons tirée de ces moments tragiques nous aidera à nous construire comme peuple et comme Église.

Dans quelle mesure l’Église rwandaise aujourd’hui contribue-t-elle à la reconstruction du pays, à la réconciliation ?
C’est toute notre mission, parler d’unité, de paix, de réconciliation. C’est vrai que l’Église a été pointée mais parfois c’est une mauvaise compréhension. Ce qu’on attendait de l’Église, ce n’est pas ce qu’on a trouvé : autrement dit, des chrétiens qui ont sombré dans le génocide. Il y a des chrétiens qui ont sombré dedans. Qu’il y en ait un, dix ou vingt, c’est l’église. Et nous nous disons : non. L’Église perdait ses enfants. Elle a doublement perdu. Elle a perdu parmi les victimes, des innocents ont été tués. Elle a perdu parmi les bourreaux qui ont perdu leur foi, leurs repères chrétiens. Et cela c’est notre souffrance comme Église catholique au Rwanda.

20 ans après le génocide, la France vient de condamner pour la première fois un Rwandais, quelle est la signification pour ce pays de cette condamnation ?
Je n’aime pas qu’on fasse de ce génocide une question politique, où le jeu des intérêts continue. Le génocide a été commis pour le jeu des intérêts. Et même la justice qu’on fait maintenant, c’est pour le jeu des intérêts économiques. Pour nous le problème n’est pas là, le problème c’est l’intérêt de notre pays. Qu’ils fassent justice ou qu’ils ne le fassent pas, pour nous l’essentiel est ce que nous vivons comme peuple rwandais. C’est comme une sorte de dramatisation. Ce n’est pas cela qui nous sauvera. Nous serons sauvés par ce que nous sommes, par ce que nous vivons.

Quels sont aujourd’hui les signes d’espérance dans le pays ?
De l’espérance il y en a, c’est que les gens peuvent vivre ensemble. Après Les Gacaca, les tribunaux populaires, certains ont avoué. ils ont demandé pardon, ou il vivent avec les autres, et malgré les blessures qui sont là. Mais vous voyez qu’ils parviennent à travailler ensemble, à se mettre ensemble pour une activité commune. Cela c’est quand même signe d’espoir. Et puis dans nos Eglises, surtout à partir des communautés ecclésiales de base, nous essayons de mettre tous les chrétiens ensemble pour réfléchir à une vie chrétienne. Ce sont des signes d’espoir.















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