(RV) Entretien - Le 17 avril, le président algérien Abdelaziz Bouteflika va
remettre en jeu son mandat. A la tête du pays depuis 1999, il devrait remporter le
scrutin haut la main malgré une contestation grandissante dans la rue mais qui peine
à se concrétiser au niveau politique. Aucun adversaire ne semble en mesure de lui
contester la victoire. Le mouvement Barakat, apparu il y a quelques semaines, apparait,
quant à lui, trop récent pour influer sur le scrutin.
Pourtant, Abdelaziz
Bouteflika est affaibli physiquement et mène campagne par procuration. Dans un pays
où l’armée et les services de renseignement sont aussi puissants, la candidature du
président, âgé de 77 ans, pourrait apparaitre comme un pis-aller. Mais ce n’est pas
le cas selon Kader Abderrahim, maître de conférence à Sciences Po Paris et chercheur
à l’IRIS, joint par Xavier Sartre
«
Ce n’est pas un candidat par défaut, c’est un candidat qui a choisi. Mais on se demande
bien aujourd’hui qu’elle est la préoccupation principale de Bouteflika, est-ce réellement
l’Algérie ou est-ce l’intérêt d’un clan, d’une famille ou d’une tribu ? » s’interroge
le chercheur qui porte un jugement sévère sur cette candidature. « Un homme qui
n’est pas capable physiquement d’assumer les charges de sa fonction, qui se présente
à sa propre succession, cela défie l’entendement et on ne voit pas bien comment il
pourrait faire fonctionner l’Algérie si demain il est réélu. »
Malgré son
état de santé chancelant, et un bilan mitigé, Abdelaziz Bouteflika est en passe de
se maintenir au pouvoir. Les Algériens, de nouveau, vont voter pour lui. Est-ce par
dépit, ou faute d’alternative ? En tout cas, selon Kader Abderrahim, il n’est pas
question de parler de résignation. « Cela fait plusieurs années que les Algériens
sont détournés de la politique et qu’ils ne vont pas voter parce qu’ils savent comment
fonctionne le système et qu’ils savent que leur voix n’a pas beaucoup d’importance.
»
Un pays schizophrène
« La question est plutôt de savoir
comment ils se battent pour changer leurs conditions de vie et leur sort », souligne
le chercheur. « Tous les jours il y a des manifestations, des protestations, des
affrontements ». Via des associations et des organisations, ils se mobilisent
pour « tenter d’apporter un peu de mieux à leur vie quotidienne ». N’attendant
rien de la politique, « ils attendent simplement que quelqu’un vienne leur parler.
Personne ne connait la réalité profonde de ce pays » assène le spécialiste de
l’Algérie.
Depuis vingt-cinq ans, selon Kader Abderrahim, l’Algérie est «
un pays schizophrène ». La cohabitation entre le pouvoir tel qu’il est exercé
depuis une quinzaine d’années et la société devient « de plus en plus difficile
». De plus, « l’Algérie est un pays qui n’a jamais connu la démocratie réelle.
» Tous les médiateurs qui pouvaient auparavant exister entre la base et l’Etat
ont été « broyés par l’appareil d’Etat » notamment pendant la guerre civile
des années 1990.
Autre facteur aggravant, l’argent du pétrole. « On a corrompu
dans l’esprit les Algériens. Or derrière tout cela, il n’y a pas de projet, pas de
vision, pas de politique. L’argent ne fait pas tout. »