2014-03-31 08:15:29

Bouteflika malgré tout


(RV) Entretien - Le 17 avril, le président algérien Abdelaziz Bouteflika va remettre en jeu son mandat. A la tête du pays depuis 1999, il devrait remporter le scrutin haut la main malgré une contestation grandissante dans la rue mais qui peine à se concrétiser au niveau politique. Aucun adversaire ne semble en mesure de lui contester la victoire. Le mouvement Barakat, apparu il y a quelques semaines, apparait, quant à lui, trop récent pour influer sur le scrutin.

Pourtant, Abdelaziz Bouteflika est affaibli physiquement et mène campagne par procuration. Dans un pays où l’armée et les services de renseignement sont aussi puissants, la candidature du président, âgé de 77 ans, pourrait apparaitre comme un pis-aller. Mais ce n’est pas le cas selon Kader Abderrahim, maître de conférence à Sciences Po Paris et chercheur à l’IRIS, joint par Xavier Sartre RealAudioMP3

« Ce n’est pas un candidat par défaut, c’est un candidat qui a choisi. Mais on se demande bien aujourd’hui qu’elle est la préoccupation principale de Bouteflika, est-ce réellement l’Algérie ou est-ce l’intérêt d’un clan, d’une famille ou d’une tribu ? » s’interroge le chercheur qui porte un jugement sévère sur cette candidature. « Un homme qui n’est pas capable physiquement d’assumer les charges de sa fonction, qui se présente à sa propre succession, cela défie l’entendement et on ne voit pas bien comment il pourrait faire fonctionner l’Algérie si demain il est réélu. »

Malgré son état de santé chancelant, et un bilan mitigé, Abdelaziz Bouteflika est en passe de se maintenir au pouvoir. Les Algériens, de nouveau, vont voter pour lui. Est-ce par dépit, ou faute d’alternative ? En tout cas, selon Kader Abderrahim, il n’est pas question de parler de résignation. « Cela fait plusieurs années que les Algériens sont détournés de la politique et qu’ils ne vont pas voter parce qu’ils savent comment fonctionne le système et qu’ils savent que leur voix n’a pas beaucoup d’importance. »

Un pays schizophrène

« La question est plutôt de savoir comment ils se battent pour changer leurs conditions de vie et leur sort », souligne le chercheur. « Tous les jours il y a des manifestations, des protestations, des affrontements ». Via des associations et des organisations, ils se mobilisent pour « tenter d’apporter un peu de mieux à leur vie quotidienne ». N’attendant rien de la politique, « ils attendent simplement que quelqu’un vienne leur parler. Personne ne connait la réalité profonde de ce pays » assène le spécialiste de l’Algérie.

Depuis vingt-cinq ans, selon Kader Abderrahim, l’Algérie est « un pays schizophrène ». La cohabitation entre le pouvoir tel qu’il est exercé depuis une quinzaine d’années et la société devient « de plus en plus difficile ». De plus, « l’Algérie est un pays qui n’a jamais connu la démocratie réelle. » Tous les médiateurs qui pouvaient auparavant exister entre la base et l’Etat ont été « broyés par l’appareil d’Etat » notamment pendant la guerre civile des années 1990.

Autre facteur aggravant, l’argent du pétrole. « On a corrompu dans l’esprit les Algériens. Or derrière tout cela, il n’y a pas de projet, pas de vision, pas de politique. L’argent ne fait pas tout. »









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