(RV) Le Pape a reçu ce vendredi matin au Vatican les évêques malgaches pour leur visite
ad limina. L’occasion pour François de souligner la vitalité de l’Eglise locale et
l’important travail de reconstruction du pays, qui vient de connaître une longue crise
politique.
Le compte-rendu de Jean-Baptiste Cocagne
Le Pape François
est parti du constat fait par les évêques malgaches dans leur message de clôture de
l’Année de la Foi, où ils déploraient la perte de la vraie fihavanana, une valeur
typiquement malgache qui favorise la valeur et la solidarité. Face à cette situation,
le Pape encourage les évêques locaux à ne jamais douter du dynamisme de l’Evangile
et à continuer à témoigner de leur foi au quotidien, selon la pensée développée dans
son exhortation apostolique Evangelii Gaudium.
François insiste sur la cohérence
: « le sacerdoce comme la vie consacrée ne sont pas des moyens d’ascension sociale,
prévient-il, mais un service de Dieu et des Hommes ». Le discernement des vocations,
la chasteté et l’obéissance doivent être l’objet d’attentions particulière selon le
Pape, et des vertus vécues sans ambiguïté par le clergé.
Dans son message,
François invite les évêques de Madagascar à interpeller l’ensemble de la société malgache,
en particulier ses responsables politiques, sur la question de la pauvreté, « due
en grande partie à la corruption et à un manque d’attention au bien commun » selon
ses termes. Plus globalement, le Pape demande de maintenir constant le dialogue avec
les autorités, en vue la reconstruction du pays. Une conversation également nécessaire
avec les autres religions : « face aux nouveaux défis dans le domaine interreligieux,
dit le Pape, il me semble urgent de développer, et même parfois d’initier, un dialogue
lucide et constructif, » afin de préserver la paix.
Texte intégral du
Pape François aux évêques malgaches
Chers Frères dans l’épiscopat, C’est
pour moi une joie de vous rencontrer à l’occasion de votre visite ad limina. Je remercie
Son Excellence Monseigneur Désiré Tsarahazana, Président de votre Conférence épiscopale,
pour les aimables paroles qu’il vient de m’adresser en votre nom. À travers vous j’adresse
mon plus cordial salut aux prêtres, aux personnes consacrées, aux catéchistes et à
tous les fidèles laïcs de vos diocèses. Je souhaite que votre pèlerinage aux tombeaux
des Apôtres soit pour vous et pour vos Églises locales l’occasion d’un renouveau spirituel
et missionnaire ainsi qu’une marque de votre communion avec le Successeur de Pierre
et l’Église universelle.
Je veux d’abord rendre grâce avec vous pour la vitalité
de l’Église à Madagascar, et vous remercier pour votre courageux et persévérant travail
d’évangélisation. Savoir que dans cette œuvre, que vous accomplissez dans des circonstances
difficiles, Dieu a toujours l’initiative « nous permet de conserver la joie devant
une mission aussi exigeante » (Evangelii gaudium, n. 12). Cette joie trouve sa source
dans la rencontre personnelle avec le Christ et dans l’accueil de son message de miséricorde.
C’est une exigence première pour les évangélisateurs qui ont pour mission de favoriser
cette rencontre du Seigneur avec les hommes et les femmes auxquels ils sont envoyés.
Chers Frères, votre pays traverse depuis plusieurs années une période difficile,
et il connaît de graves difficultés socio-économiques. Vous avez exhorté l’ensemble
de la société à se reprendre en vue de construire un avenir nouveau. Je ne peux que
vous encourager à prendre toute la place qui est la vôtre dans ce travail de reconstruction,
dans le respect des droits et des devoirs de chacun. Et il est important que vous
mainteniez des relations constructives avec les Autorités de votre pays. La recherche
de l’unité, de la justice et de la paix vous incombe pour mieux servir votre peuple,
en refusant toute implication dans des querelles politiques au détriment du bien commun.
Que votre parole et vos actes manifestent toujours votre communion profonde entre
vous !
Dans cette perspective, je veux saluer l’engagement irremplaçable de
vos diocèses dans les œuvres sociales. En effet, il y a une connexion intime entre
évangélisation et promotion humaine. Celle-ci doit s’exprimer et se développer dans
toute l’action évangélisatrice (cf. Evangelii gaudium, n. 178). Je vous encourage
donc à persévérer dans l’attention que vous portez aux pauvres, en soutenant, matériellement
et spirituellement, tous ceux qui s’y consacrent, en particulier les Congrégations
religieuses que je remercie de grand cœur pour leur dévouement et pour le témoignage
authentique qu’elles rendent à l’amour du Christ pour tous les hommes. Je vous invite
aussi à interpeller sans crainte l’ensemble de la société malgache, et en particulier
ses responsables, sur la question de la pauvreté, qui est due en grande partie à la
corruption et à un manque d’attention au bien commun.
L’éducation est aussi
pour vous un sujet d’efforts considérables, et je sais tout le bien que fait l’école
catholique aux jeunes et à leurs familles, par son action évangélisatrice. L’apport
intellectuel, culturel et moral qu’en reçoit l’ensemble de la société malgache est
considérable. Il convient aussi d’essayer de faire en sorte que le plus grand nombre
possible d’enfants, y compris des familles les plus modestes, puisse être scolarisé,
alors qu’en raison des difficultés économiques beaucoup de parents n’en ont plus les
moyens. De même, je vous invite à œuvrer pour qu’une présence chrétienne puisse être
assurée dans les établissements publics. Puissent les chrétiens engagés dans le monde
de l’éducation contribuer à former aux valeurs évangéliques et humaines les jeunes
générations qui seront aussi les cadres de la société à venir !
Dans votre
message de clôture de l’Année de la Foi, vous avez regretté la perte de la vraie fihavanana,
cette manière de vivre propre à votre culture, qui favorise l’harmonie et la solidarité
entre Malgaches. Les valeurs que le Créateur a insufflées dans votre culture doivent
continuer à être transmises en les illuminant de l’intérieur par le message évangélique.
Ainsi la dignité de la personne humaine, la culture de la paix, du dialogue et de
la réconciliation pourront retrouver toute leur place dans la société en vue d’un
avenir meilleur.
Vous avez mis en œuvre, dans vos diocèses, un programme de
formation à la vie et à l’amour, ambitieux et très dynamique. Je ne peux que vous
encourager à persévérer dans cette voie, même si cela semble aller à contre courant
de la mentalité actuelle. La préparation au mariage doit, autant qu’il est possible,
être approfondie. Alors que de nombreuses menaces pèsent sur la famille, cellule vitale
de la société et de l’Église, celle-ci « a besoin d’être protégée et défendue, pour
qu’elle rende à la société le service qu’elle attend d’elle, c’est-à-dire lui donner
des hommes et des femmes capables d’édifier un tissu social de paix et d’harmonie
» (Africae munus, n. 42). De plus, les familles ont besoin plus que jamais d’être
soutenues sur leur chemin de foi. Puissent-elles trouver persévérance et force dans
la prière, l’écoute de la sainte Écriture et les sacrements !
Face aux nouveaux
défis dans le domaine interreligieux, il me semble urgent de développer, et même parfois
d’initier, un dialogue lucide et constructif, afin de garder la paix entre communautés
et de favoriser le bien commun. Mais surtout, je vous invite à ne jamais douter du
dynamisme de l’Évangile ni de sa capacité à convertir les cœurs au Christ ressuscité,
et à conduire les personnes sur le chemin du salut qu’elles attendent au plus profond
d’elles-mêmes. Pour cela il est nécessaire que la foi dont témoignent les chrétiens
soit vécue au quotidien. La vie doit être en cohérence avec la foi pour que le témoignage
soit crédible ; aussi je vous invite à susciter dans vos communautés, à tous les niveaux,
un travail d’approfondissement de la foi pour la vivre de manière toujours plus vigoureuse.
Cette invitation s’adresse d’abord au clergé et aux personnes consacrées. Le sacerdoce
comme la vie consacrée ne sont pas des moyens d’ascension sociale, mais un service
de Dieu et des hommes.
Une attention toute particulière doit être portée au
discernement des vocations sacerdotales et religieuses aussi bien dans les diocèses
que dans les divers Instituts de vie consacrée. La chasteté et l’obéissance sont à
considérer avec très grande estime, il vous revient de le rappeler sans cesse ; ces
vertus doivent être présentées et vécues sans ambigüité par les formateurs dans les
séminaires et les noviciats. Il en est de même pour le rapport aux biens temporels
et à la prudence dans leur gestion. Le contre témoignage en ce domaine est particulièrement
désastreux en raison du scandale qu’il provoque, en particulier face à une population
qui vit dans le dénuement.
Vous avez aussi le devoir de vous faire proches
et de porter une grande attention à la vie et à la situation de chacun de vos prêtres,
dont les conditions de vie sont parfois très dures, en raison de la solitude, du manque
de moyens, de l’ampleur de la tâche, et qui se trouvent particulièrement exposés.
Je les assure de mon estime et de mes encouragements dans leur mission, afin qu’ils
soient des pasteurs selon le cœur de Dieu, proches des fidèles et soucieux de leur
annoncer la Parole de vie. Chers Frères Évêques, aimez vos prêtres, aidez-les à vivre
en union intime avec le Christ ! La communion entre vous et votre presbyterium est
une source de joie et de fécondité dans l’annonce de l’Évangile.
Que le Seigneur
continue de répandre sur vous ses grâces de lumière, de courage et de force ! Pour
ma part je vous engage à vivre toujours dans l’espérance qui nous vient de la présence
du Ressuscité et je vous redis mon affection fraternelle. Je confie chacun de vous,
ainsi que tous vos diocésains, à la protection et à l’intercession maternelle de la
Vierge Marie et je vous donne de tout cœur la Bénédiction apostolique.