Une avancée « réelle » entre le Vietnam et le Saint-Siège
(RV) Entretien - Le Pape François a reçu samedi matin le président du Parlement
du Vietnam. Une visite qui s’inscrit dans un climat de relative détente entre le Saint-Siège
et le Vietnam. Sur le terrain la situation de nombreuses communautés reste difficile
mais la communion de la minorité catholique avec Rome est désormais acceptée par les
autorités, notamment à travers les visites d’un nonce apostolique, non résident pour
le moment. Les explications de Régis Anouil,rédacteur en chef de la revue
Eglises d’Asie. Des propos recueillis par Cyprien Viet.
D’après
vous, est-ce qu’on assiste, notamment depuis la nomination du nouveau secrétaire d’État,
le cardinal Parolin, à une détente dans les relations entre le Vietnam et le Saint-Siège
?
Les choses s’améliorent petit à petit. Il y a une dynamique qui est déjà
enclenchée depuis un certain temps qui tient bien sûr à la personne du cardinal Parolin
qui suit les affaires vietnamiennes, qui a négocié avec le gouvernement vietnamien
tout au long de ces dix dernières années. C’est quelqu’un qui connait très bien le
dossier. Outre ce facteur personnel, ce dossier qui était bloqué pendant de longues
années a commencé à avancer puisqu’un représentant non-résident du Saint-Siège a été
nommé par le Vietnam en la personne du nonce apostolique qui est à Singapour. Mgr.
Leopoldo Girelli se rend très régulièrement plusieurs fois par an au Vietnam où il
visite l’ensemble des diocèses les uns après les autres. Si ses premières visites
ont été plus ou moins limitées, aujourd’hui, sa liberté de mouvement est à peu près
entière. Donc, il y a effectivement une réelle avancée sur le front des relations
qu’on ne peut pas encore qualifier de diplomatiques mais de plus en plus établies
entre le Saint-Siège et le Vietnam.
Est-ce que dans ces contours institutionnels,
l’Église est libre ? Est-ce qu’il y a, comme en Chine, une Église clandestine et une
Église officielle ? Est-ce que l’Église du Vietnam est unie ?
Oui, on est
dans un contexte très différent du contexte chinois. L’Église est unie. Il y a eu
des manœuvres, lorsque le pays a été réunifié, pour diviser l’Église. Il y avait eu
un front uni qui a été créé auquel quelques prêtres ont adhéré qui a toujours été
périphérique par rapport à l’Église. Donc, l’Église n’a pas été divisée comme en Chine
et c’est ce qui rend la situation très différente. Aujourd’hui, la situation s’est
beaucoup améliorée mais elle n’est pas satisfaisante pour autant. Le rapport américain
sur la liberté religieuse dans le monde a pointé un certain nombre de limitations
très importantes exercées sur l’ensemble des religions et pas que sur l’Église catholique.
Donc, la situation reste difficile sur l’ensemble des droits de l’homme, même si l’on
est plus dans des persécutions ouvertes.
Quelles sont les limites concrètes,
pratiques à cette activité de l’Église ?
Elles tiennent principalement
à la visibilité, à la place de l’Église dans la société. Aujourd’hui, l’Église peut
vivre et s’organiser de manière autonome et libre, dans la mesure où elle organise
ses séminaires, la vie religieuse et la vie des diocèses. Néanmoins, il est toujours
impossible pour l’Église d’avoir une présence dans le domaine social, éducatif, caritatif
alors que cette Église est assez importante au Vietnam puisqu’elle représente au moins
7% de la population vietnamienne.
De France ou d’Europe, on observe souvent
l’Église du Vietnam avec beaucoup d’étonnement puisqu’il y a un dynamisme vocationnel
très spectaculaire. Comment ça peut s’expliquer ?
La foi des Vietnamiens
et des catholiques vietnamiens est très forte. L’Église est un foyer de résistance,
non pas de la résistance politique mais de résistance intellectuelle, spirituelle
à la mise en place du communisme dans ce pays. Donc, l’Église est en effet extrêmement
soudée et l’appartenance des catholiques à l’Église, leur lien, leur sentiment d’appartenance
est très fort. La pratique religieuse est très importante et de donner un fils ou
une fille pour l’Église, lorsqu’on est dans un pays très confucéen, on est dans le
cadre où ce sont les parents qui donnent en partie un enfant à l’Église même s’il
y a un discernement des vocations sur place. On est dans ce cadre culturel-là. Il
faudra voir si dans les années à venir, les choses ne bougeront pas dans la mesure
où le catholicisme au Vietnam est en train de connaitre une mutation. Elle était très
largement rurale et organisée autour des villages entièrement chrétiens. Aujourd’hui,
du fait de l’exode rural et l’essor urbain, on connait un phénomène d’expansion du
catholicisme dans les villes mais qui doit s’organiser différemment de cet esprit
de résistance qui caractérisait le clocher catholique au Vietnam. Donc, il y a une
nouvelle forme de présence à trouver dans la société, auprès des universités, auprès
de la société civile, auprès de ces ensembles urbains considérables qui se développent
à Saigon, à Ho Chi Minh mais également à Hanoi et dans les autres grandes villes du
pays.
Photo : rencontre samedi 22 mars entre le président du Parlement
vietnamien Nguyen Sinh Hung et le Pape François