Il y a un an, François donnait le ton de son pontificat
(RV) Il y a un an, solennité de Saint Joseph, le Pape François présidait la messe
d’inauguration de son pontificat en présence de centaines de milliers de personnes.
Une célébration très codifiée, riche en rituels et symboles. Devant six Souverains,
une trentaine de chefs d’Etat, une dizaine de chefs de gouvernement, et les représentants
de 130 nations et organisations internationales, le premier Pape originaire du continent
américain avait donné le ton en appelant les responsables économiques, politiques
et sociaux à ne pas permettre que les signes de destruction et de mort accompagnent
la marche de notre monde, et en invitant tous les catholiques à ne pas avoir peur
de la bonté et de la tendresse. Il avait par ailleurs exhorté au respect des créatures
de Dieu et de l'environnement.
La France était représentée par le premier
ministre Jean-Marc Ayrault, accompagné du ministre des affaires étrangères Laurent
Fabius ; les Etats-Unis par le vice-président Joe Biden, l’Allemagne par la chancelière
Angela Merkel. Le Patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholoméos 1er avait
également fait le déplacement pour assister à la célébration, ainsi que le Métropolite
Hilarion du Patriarcat de Moscou, l’Archevêque anglican de York et le Secrétaire du
Conseil œcuménique des Eglises. Tandis que la délégation juive était composée de seize
personnes.
Debout, très souriant, le nouveau Pape avait sillonné la Place
Saint-Pierre à bord d'une jeep entièrement découverte pour saluer la foule qui l’acclamait,
levant parfois le pouce en signe de connivence ou embrassant des bébés. Il était même
brièvement descendu de son véhicule pour caresser le visage d'un handicapé. Puis,
il avait reçu les emblèmes marquant le début officiel de son ministère pétrinien :
le pallium et l’anneau du Pêcheur en argent doré, représentant l’apôtre Pierre avec
les clefs.
La simplicité de la tenue choisie par le nouveau Pape, la sincérité
de son langage, son aptitude immédiate à toucher les masses, avaient frappé les esprits,
ainsi que son hommage à son prédécesseur Benoît XVI. Une grâce particulière s’était
manifestée dès ces premiers moments, la presse saluant l’émergence spontanée d’un
leader, dans un monde en quête de grandes figures. La ferveur fut tout de suite planétaire.
Le nouvel évêque de Rome avait montré qu’il avait quelque chose à dire, que la dignité
de l’homme est indépendante de sa situation sociale, que l’Eglise demeure, malgré
tout, un pilier de la stabilité du monde actuel.
TEXTE INTEGRAL de
l'HOMELIE du Pape François, le 19 mars 2013 :
Chers frères et sœurs !
Je
remercie le Seigneur de pouvoir célébrer cette Messe de l’inauguration de mon ministère
pétrinien en la solennité de saint Joseph, époux de la Vierge Marie et Patron de l’Église
universelle : c’est une coïncidence très riche de signification, et c’est aussi la
fête de mon vénéré Prédécesseur : nous lui sommes proches par la prière, pleins d’affection
et de reconnaissance.
Je salue avec affection les Frères Cardinaux et Évêques,
les prêtres, les diacres, les religieux et les religieuses et tous les fidèles laïcs.
Je remercie de leur présence les représentants des autres Églises et Communautés ecclésiales,
de même que les représentants de la communauté juive et d’autres communautés religieuses.
J’adresse mon cordial salut aux Chefs d’État et de Gouvernement, aux Délégations officielles
de nombreux pays du monde et au Corps diplomatique.
Nous avons entendu dans
l’Évangile que « Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit
chez lui son épouse » (Mt 1, 24). Dans ces paroles est déjà contenue la mission que
Dieu confie à Joseph, celle d’être custos, gardien. Gardien de qui ? De Marie et de
Jésus ; mais c’est une garde qui s’étend ensuite à l’Église, comme l’a souligné le
bienheureux Jean-Paul II : « Saint Joseph a pris un soin affectueux de Marie et s’est
consacré avec joie à l’éducation de Jésus Christ, de même il est le gardien et le
protecteur de son Corps mystique, l’Église, dont la Vierge sainte est la figure et
le modèle » (Exhort. apost. Redemptoris Custos, n. 1).
Comment Joseph exerce-t-il
cette garde ? Avec discrétion, avec humilité, dans le silence, mais par une présence
constante et une fidélité totale, même quand il ne comprend pas. Depuis son mariage
avec Marie jusqu’à l’épisode de Jésus, enfant de douze ans, dans le Temple de Jérusalem,
il accompagne chaque moment avec prévenance et avec amour. Il est auprès de Marie
son épouse dans les moments sereins et dans les moments difficiles de la vie, dans
le voyage à Bethléem pour le recensement et dans les heures d’anxiété et de joie de
l’enfantement ; au moment dramatique de la fuite en Égypte et dans la recherche inquiète
du fils au Temple ; et ensuite dans le quotidien de la maison de Nazareth, dans l’atelier
où il a enseigné le métier à Jésus.
Comment Joseph vit-il sa vocation de gardien
de Marie, de Jésus, de l’Église ? Dans la constante attention à Dieu, ouvert à ses
signes, disponible à son projet, non pas tant au sien propre ; et c’est cela que Dieu
demande à David, comme nous l’avons entendu dans la première Lecture : Dieu ne désire
pas une maison construite par l’homme, mais il désire la fidélité à sa Parole, à son
dessein ; c’est Dieu lui-même qui construit la maison, mais de pierres vivantes marquées
de son Esprit. Et Joseph est « gardien », parce qu’il sait écouter Dieu, il se laisse
guider par sa volonté, et justement pour cela il est encore plus sensible aux personnes
qui lui sont confiées, il sait lire avec réalisme les événements, il est attentif
à ce qui l’entoure, et il sait prendre les décisions les plus sages. En lui, chers
amis, nous voyons comment on répond à la vocation de Dieu, avec disponibilité, avec
promptitude, mais nous voyons aussi quel est le centre de la vocation chrétienne :
le Christ ! Nous gardons le Christ dans notre vie, pour garder les autres, pour garder
la création !
La vocation de garder, cependant, ne nous concerne pas seulement
nous les chrétiens, elle a une dimension qui précède et qui est simplement humaine,
elle concerne tout le monde. C’est le fait de garder la création tout entière, la
beauté de la création, comme il nous est dit dans le Livre de la Genèse et comme nous
l’a montré saint François d’Assise : c’est le fait d’avoir du respect pour toute créature
de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons. C’est le fait de garder les
gens, d’avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants,
des personnes âgées, de celles qui sont plus fragiles et qui souvent sont dans la
périphérie de notre cœur. C’est d’avoir soin l’un de l’autre dans la famille : les
époux se gardent réciproquement, puis comme parents ils prennent soin des enfants
et avec le temps aussi les enfants deviennent gardiens des parents. C’est le fait
de vivre avec sincérité les amitiés, qui sont une garde réciproque dans la confiance,
dans le respect et dans le bien. Au fond, tout est confié à la garde de l’homme, et
c’est une responsabilité qui nous concerne tous. Soyez des gardiens des dons de Dieu
!
Et quand l’homme manque à cette responsabilité, quand nous ne prenons pas
soin de la création et des frères, alors la destruction trouve une place et le cœur
s’endurcit. À chaque époque de l’histoire, malheureusement, il y a des « Hérode »
qui trament des desseins de mort, détruisent et défigurent le visage de l’homme et
de la femme.
Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui occupent
des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous
les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes « gardiens » de la
création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement
; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche
de notre monde ! Mais pour « garder » nous devons aussi avoir soin de nous-mêmes !
Rappelons-nous que la haine, l’envie, l’orgueil souillent la vie ! Garder veut dire
alors veiller sur nos sentiments, sur notre cœur, parce que c’est de là que sortent
les intentions bonnes et mauvaises : celles qui construisent et celles qui détruisent
! Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même pas non plus de la tendresse
!
Et ici j’ajoute alors une remarque supplémentaire : le fait de prendre soin,
de garder, demande bonté, demande d’être vécu avec tendresse. Dans les Évangiles,
saint Joseph apparaît comme un homme fort, courageux, travailleur, mais dans son âme
émerge une grande tendresse, qui n’est pas la vertu du faible, mais au contraire,
dénote une force d’âme et une capacité d’attention, de compassion, de vraie ouverture
à l’autre, d’amour. Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse !
Aujourd’hui,
en même temps que la fête de saint Joseph, nous célébrons l’inauguration du ministère
du nouvel Évêque de Rome, Successeur de Pierre, qui comporte aussi un pouvoir. Certes,
Jésus Christ a donné un pouvoir à Pierre, mais de quel pouvoir s’agit-il ? À la triple
question de Jésus à Pierre sur l’amour, suit une triple invitation : sois le pasteur
de mes agneaux, sois le pasteur de mes brebis. N’oublions jamais que le vrai pouvoir
est le service et que le Pape aussi pour exercer le pouvoir doit entrer toujours plus
dans ce service qui a son sommet lumineux sur la Croix ; il doit regarder vers le
service humble, concret, riche de foi, de saint Joseph et comme lui, ouvrir les bras
pour garder tout le Peuple de Dieu et accueillir avec affection et tendresse l’humanité
tout entière, spécialement les plus pauvres, les plus faibles, les plus petits, ceux
que Matthieu décrit dans le jugement final sur la charité : celui qui a faim, soif,
est étranger, nu, malade, en prison (cf. Mt 25, 31-46). Seul celui qui sert avec amour
sait garder !
Dans la deuxième Lecture, saint Paul parle d’Abraham, qui « espérant
contre toute espérance, a cru » (Rm 4, 18). Espérant contre toute espérance ! Aujourd’hui
encore devant tant de traits de ciel gris, nous avons besoin de voir la lumière de
l’espérance et de donner nous-mêmes espérance. Garder la création, tout homme et toute
femme, avec un regard de tendresse et d’amour, c’est ouvrir l’horizon de l’espérance,
c’est ouvrir une trouée de lumière au milieu de tant de nuages, c’est porter la chaleur
de l’espérance ! Et pour le croyant, pour nous chrétiens, comme Abraham, comme saint
Joseph, l’espérance que nous portons a l’horizon de Dieu qui nous a été ouvert dans
le Christ, est fondée sur le rocher qui est Dieu.
Garder Jésus et Marie, garder
la création tout entière, garder chaque personne, spécialement la plus pauvre, nous
garder nous-mêmes : voici un service que l’Évêque de Rome est appelé à accomplir,
mais auquel nous sommes tous appelés pour faire resplendir l’étoile de l’espérance
: gardons avec amour ce que Dieu nous a donné !
Je demande l’intercession de
la Vierge Marie, de saint Joseph, des saints Pierre et Paul, de saint François, afin
que l’Esprit Saint accompagne mon ministère et je vous dis à tous : priez pour moi
! Amen.