(RV) Entretien – Abdelaziz Bouteflika, en route pour un quatrième mandat. Celui
qui dirige l’Algérie depuis 1999, se présente une nouvelle fois à l’élection présidentielle
qui aura lieu le 17 avril. Affaibli par un AVC, hospitalisé pendant quatre-vingt jours
en France l’année dernière, le président de 77 ans ne s’est pas exprimé publiquement
depuis des mois. Les doutes sur ses capacités à assumer ses fonctions et sur le bien-fondé
d’une nouvelle candidature se développent en Algérie.
Des manifestations ont
eu lieu ces dernières semaines, notamment à Alger, dès l’annonce de la candidature
d’Abdelaziz Bouteflika. Mais le pouvoir a vite interdit tout rassemblement et le dispositif
policier est tel qu’il est impossible aux opposants de défiler dans les rues. Seule
exception, samedi dernier quand plusieurs centaines de personnes, formant trois cortèges,
ont pu manifester en disant « barakat », « ça suffit » en français. Les forces de
l’ordre ne sont alors pas intervenues.
Barakat, c’est aussi le nom d’un mouvement
qui s’est créé pour représenter une alternative au pouvoir actuel. Jean-Michel
Salgon, spécialiste du Maghreb, revient sur la structure de ce pouvoir algérien,
qui semble figé et en passe de se maintenir une nouvelle fois
« Il y
a le clan présidentiel, autour de la famille d’Abdelaziz Bouteflika, et notamment
de son frère, Saïd. Il y a aussi l’armée et les services de renseignement intérieur.
De l'autre côté, les partis politiques sont véritablement discrédités et n’ont plus
ce rôle qu’ils pouvaient jouer il y a quelques années, » explique le chercheur.
Face à cette alliance qui contrôle et verrouille le pouvoir depuis quinze ans, les
Algériens s’organisent. Barakat, le mouvement qui est parvenu à mobiliser six cents
personnes samedi à Alger, « est transpolitique, puisque les partis politiques n’arrivent
plus à relayer la contestation. »
Bouteflika faute de mieux
Le
vrai problème actuel de l’Algérie, au-delà de la faiblesse des partis, et de l’impossibilité
pour les électeurs de se tourner vers une alternative crédible au président sortant,
c’est « l’absence de consensus au plus haut sommet de l’Etat pour trouver un successeur
à Abdelaziz Bouteflika. Il est reconduit faute de concurrent consensuel. » A cela
s’ajoute le souvenir encore très présent de la guerre civile des années 1990 et de
ses 150 000 morts. « C’est pour cela que la contestation peine à trouver un socle
», reconnait Jean-Michel Salgon.
Les partis islamistes ne parviennent
pas non plus à mobiliser. « Ils ont été laminés et n’ont plus d’assise populaire
» explique le spécialiste du Maghreb. Le seul candidat qui semble pouvoir troubler
un scrutin joué d’avance est l’ancien Premier ministre Ali Benflis, chef du gouvernement
lors de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, et passé à l’opposition. Mais
ses chances semblent bien minces face à la machine électorale du FLN, le parti présidentiel,
et du RND, le Rassemblement national démocratique, du président du Sénat, allié à
Abdelaziz Bouteflika.
Photo : manifestants du mouvement Barakat défilant
contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle du 17 avril.