Le créateur du World Wide Web réclame une charte mondiale pour un Internet libre
Il y a 25 ans, la « petite» invention du World Wide Web, développée par un informaticien
alors inconnu, allait changer la face du monde. Depuis, la révolution Internet a impacté
les modes de consommation, l’économie et aussi bien évidemment la politique. Aujourd’hui,
face aux menaces de surveillance gouvernementale, qui détournent les principes qui
étaient à la base de l’Internet, -l’égalité et l’ouverture-, Tim Berners-Lee, créateur
du World Wide Web, réclame une charte pour un Internet libre, essentiel, selon lui,
pour avoir « un gouvernement libre ».
Quand cet informaticien britannique
imagine dans son laboratoire du CERN, -l’organisation européenne pour la recherche
nucléaire-, un moyen de gérer facilement des documents à partir d’ordinateurs reliés
entre eux, personne n’imagine, même pas lui, la révolution qu’il vient de provoquer.
Ses collègues l’ignorent alors totalement. Ce 12 mars 1989, le chercheur vient pourtant
d’inventer le «world wide web » ou le lien hypertexte, principe de base de l’Internet.
Le logiciel permet de naviguer d’un fichier à un autre, en cliquant sur un simple
lien, à partir de n’importe quel ordinateur connecté au réseau.
Déjà une
démarche de réseau social
Outre la volonté de partager facilement des
informations, et son aspect technique, Tim Berners-Lee souhaite aussi connecter les
membres du laboratoire entre eux. C’est donc, déjà, une démarche de réseau social
qui fonde le World Wide Web. Pour autant, cette innovation n’est pas encore reconnue
comme telle. A l’époque, d’autres technologies, comme CompuServe ou le minitel sont
en lice, mais elles ne sont pas gratuites, contrairement au logiciel de Tim Berners-Lee.
Auparavant,
les militaires américains avaient déjà commencé à étudier l'idée de connecter des
ordinateurs à des réseaux et lancé en 1969 Arpanet, un précurseur de l'internet actuel.
C'est donc sans grande surprise que le coup de pouce décisif pour le World Wide Web,
viendra de… la Maison Blanche. En 1994, le vice-président Al Gore connecte les ministères
américains à travers ce réseau et lance le site Internet de la Maison Blanche.
Des
libertés aujourd'hui vraiment menacées
Le web a tout changé. Mais son caractère
égalitaire et ouvert est aujourd'hui menacé, avertit Jim Dempsey, vice-président chargé
des politiques publiques au Centre pour la démocratie et la technologie. « Le
problème est qu'on peut limiter la capacité des gens à critiquer le gouvernement,
ou créer un internet à plusieurs vitesses dans lequel il est plus difficile aux innovateurs,
aux critiques, ou aux défenseurs des droits de l'Homme d'atteindre un public mondial
» poursuit-il. Aux Etats-Unis, de grands fournisseurs d'accès ont gagné le droit
de traiter de manière préférentielle certaines données qui circulent en ligne. Des
gouvernements tentent de porter atteinte à la protection des données privées en ligne,
d'autres restreignent la liberté du web en en bloquant des portions.
C'est
la raison pour laquelle, le créateur du World Wide Web a choisi aujourd'hui de s'exprimer.
« Nous avons besoin d'une constitution mondiale, une charte », a déclaré Tim
Berners-Lee dans le quotidien britannique The Guardian. « Nous ne pouvons
pas avoir de gouvernement libre, de bonne démocratie sans un Internet libre et neutre
», a-t-il insisté. Tim Berners-Lee a fait cette proposition dans le cadre de la
campagne « le Web qu'on veut », qui appelle les internautes du monde entier à esquisser
une « charte des utilisateurs de l'Internet pour tous ». « Je veux profiter du
25e anniversaire pour que nous fassions tous cela, pour que nous reprenions la main
sur le Web et définissions le Web que nous voulons pour les 25 prochaines années »,
a-t-il déclaré.
« Ce n'est pas naïf de croire qu'on peut avoir cela, mais
c'est naïf de croire qu'on peut rester les bras croisés et l'obtenir », a-t-il
ajouté, précisant que les internautes devenaient complaisants vis-à-vis de leur perte
de liberté. (Avec agences)
Photo : l'inventeur du World Wide Web
Tim Berners-Lee à Genève le 6 avril 2011