(RV) Entretien - Il y a un an tous les regards étaient tournés vers le Vatican.
Le monde entier attendait le nom du successeur de Benoît XVI. Le mercredi 13 mardi
2013, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, devenait le nouvel
évêque de Rome et pasteur de l’Eglise universelle. Un Pape « venu du bout du monde
» qui a choisi le nom de François.
Depuis un an, il n’a cessé de surprendre,
d’émouvoir et de susciter un véritable intérêt de la part des croyants mais aussi
des non-croyants. De grandes réformes ont été entreprises notamment au sein de la
curie romaine, des gestes significatifs ont été posés comme le lavement des pieds
le Jeudi Saint dans une prison romaine ou cette visite à Lampedusa. Le Pape François
a désormais imposé son style, à la fois simple et direct, et défini ses priorités
qui apparaissent dans sa première exhortation apostolique Evangelii Gaudium.
Retour
sur cette année écoulée, sur cette présence inédite de deux papes au Vatican et sur
les défis de ce pontificat avec Jean-Louis de la Vaissière, correspondant de l’Agence
France Presse (AFP) au Vatican et auteur de l’ouvrage De Benoît à François,
une révolution tranquille, aux éditions Le Passeur.
Répondre
au défi du monde moderne, c’est le défi que relève le Pape François : être plus réactif,
être plus au courant, être plus concret. Non pas que le Pape Benoît XVI ne savait
pas tout mais il y avait tout de même la Curie qui faisait écran, il y avait un manque
de communication entre ce Pape remarquable intellectuellement et le peuple de Dieu.
Donc, aujourd’hui on a des choses comme ce questionnaire envoyé à toutes les Églises
où on voit bien qu’il y a cette volonté de reprendre contact également avec ce que
le Pape François appelle « les marges existentielles ».
Aujourd’hui, situation
inédite : nous sommes en présence de deux Papes, François et Benoît XVI qui, semble-t-il,
s’estiment et se respectent.Pourtant, nombreux sont ceux, y compris dans la
communauté catholique, qui voudraient les opposer comme s’il fallait faire un choix
: critiquer Benoît XVI pour louer François ou inversement. Comment expliquer cette
attitude ? Je pense qu’il y a une grande rancune de certains catholiques progressistes
contre le Pape Benoît XVI. Il est accusé de tous les problèmes de l’Église et donc,
c’est tout à fait injuste. Je dois dire que tous mes échos montrent qu’effectivement
il y a une coexistence tout à fait pacifique et amicale entre les deux Papes. Le Pape
François respectant beaucoup le Pape Benoît XVI pour sa hauteur théologique et allant
le consulter régulièrement, lui montrant des marques d’estime. Je pense aussi que
le Pape François met en œuvre des grandes orientations du Pape Benoît XVI par exemple
contre le carriérisme, contre une Église mondaine. Benoît XVI l’avait déjà dit mais
ce Pape très énergique que nous avons aujourd’hui a les capacités de le faire et il
remet pas mal de gens sur la juste voie en se faisant aussi, à mon avis, pas mal d’ennemis.
Mais cette attitude qui consiste à être ou pro-Benoît XVI ou pro François
,sous-entendant qu’il y a deux courants très différents ne représente-t-elle pas un
danger pour l’Église, pour les catholiques eux-mêmes ? Oui, certains essayent
de jouer de cette prétendue division mais dans les derniers mois, j’ai observé que
le Pape François a clarifié son message sur pas mal de choses. Il l’a recadré dans
différentes interviews, par divers propos, il était très clair (selon moi il l’a
toujours été) mais il a dit plus clairement que jamais son refus de l’avortement,
sa fidélité doctrinale à l’essentiel. Et ça, ça été très clair dans les dernières
semaines. Je pense que les groupes progressistes de l’Église qui analysaient ces déclarations
devaient se rendre à l’évidence qu’il n’y a pas de rupture doctrinale. Il y a tout
de même de grands changements : cette manière d’aller vers les autres, de les considérer,
de chercher le dialogue à tout prix. Et quelque chose qui est très important, c’est
qu’il ne privilégiait pas la perfection, l’idée d’être parfait tout seul. Son idée,
c’est qu’il vaut mieux être imparfait mais être fraternel que d’être parfait tout
seul. Et sur beaucoup de choses, il est très concret. En effet, l’Église était un
peu crispée sur ces belles idées théologiques. Je ne critique pas du tout le Pape
Benoît XVI mais l’Église dans son ensemble. Avec cette idée de sans-arrêt rappeler
la perfection du dogme. Le Pape ne veut pas abandonner cet idéal de perfection mais
il veut que le Christ soit annoncé par les autres, par les plus pauvres, par ceux
qui souffrent, etc…Que ce message qui réside profondément dans l’Évangile soit réaffirmé.
Pas de rupture, on est bien dans la continuité même s’il y a des changements.
Il y a eu un problème de perception de ce qu’a représenté Benoît XVI et de ce que
représente le Pape François ? Oui, des perceptions très fortes. Il y a toujours
cette ambiguïté, une partie de l’Église serait libérale en Occident attendrait des
mouvements de pendules très importants vers la gauche, d’une certaine manière, qui
n’auront pas lieu. Je pense qu’il y a une prise de conscience au cours de ces six
derniers mois que le Pape n’est pas de gauche. Mais ça été lent parce qu’en France,
notamment certains milieux, ont énormément espéré que la gauche et l’Église seraient
enfin réconciliés. Or, l’Église n’est ni de droite ni de gauche. La beauté de l’Église,
c’est qu’elle a cette variété de tendances et je pense que le Pape François veut faire
travailler ces différentes écoles en son sein pour la redynamiser sans en écraser
aucun.
Peut-on dire également qu’il y a une certaine prise de conscience
que les dossiers importants sur lesquels travaillent actuellement le Pape François
sont ces mêmes dossiers qui ont été ouverts, initiés par Benoît XVI ? Oui,
c’est une perception qui se fait petit à petit mais ce n’est pas évident. Beaucoup
de gens ont une lecture très simpliste et voient effectivement tout comme complètement
nouveau, quelque chose que je récuse totalement. Justement parce que l’importance
de l’héritage du Pape Benoît XVI, c’est d’avoir été celui qui pose des bases saines
après une période où l’Église était dans une grande crise, par exemple sur le thème
de la lutte contre la pédophilie ou d’autres sujets encore. Il a remis l’Église sur
une bonne base doctrinale, solide et pure. Donc, c’est à partir de là que le Pape
François peut travailler.