Franciscains International, voix des plus vulnérables auprès de l'ONU
(RV) Entretien - Dans le maquis des organisations non gouvernementales à Genève,
ils sont une voix singulière et méconnue. « Ils », ce sont les franciscains. L’ordre
a en effet une représentation auprès de l'ONU, avec un bureau à Genève et un autre
à New York. Un autre bureau est aussi installé à Bangkok. L’objectif de l’ONG « Franciscains
International » est de faire du plaidoyer auprès des Nations unies à partir des expériences
de terrain de la famille franciscaine dans le monde, pour réduire les injustices en
faveur des plus vulnérables.
Tout a commencé en 1982 quand un frère maltais
et une religieuse américaine écrivent à la communauté franciscaine aux Etats-Unis
pour leur suggérer la possibilité d’être représentés auprès de l’ONU. En 1989, Franciscains
International est officiellement reconnue comme ONG et acquiert en 1995 le statut
d’organisme consultatif auprès des Nations unies. Une phase importante qui permet
à « FI » d’assister aux Assemblées générales et d’être invité à apporter son expertise
sur un domaine précis. L’ONG travaille sur de nombreuses problématiques qui touchent
à la justice sociale, au droit environnemental ou encore à la sauvegarde des populations
indigènes. Francesca Restifo est la directrice du plaidoyer de Franciscan International,
elle est interrogée par Olivier Bonnel :
L’activité
de plaidoyer de Franciscains International consiste en deux lignes principales :
la ligne menée à New York et la ligne menée à Genève. On travaille sur la justice
environnementale et sur les droits de l’homme. Mais la chose principale, c’est qu’on
utilise toujours un « right base approach » , un angle juridique. On essaye d’aborder
les thématiques environnementales sur le plan juridique. On a des focus thématiques,
surtout sur le droit des enfants. Notamment, on est spécialiste dans l’activité de
plaidoyer international, dans l’enregistrement des naissances pour garantir ce qu’on
appelle le « universal birth regristration ». On estime que c’est un pas très important
pour garantir une identité juridique et donc, des droits aux personnes. On a aussi
une niche très spécifique sur la question des mines et des violations des droits humains
liés aux mines dans les régions d’Amérique Latine, en Afrique et en Asie. Ça touche
évidemment également la question des peuples autochtones sur laquelle nous travaillons
également. Notre activité de plaidoyer est surtout basée sur le travail que fait à
la base tout le réseau des franciscains. Cela se base aussi sur la relation que nous
avons avec eux. On essaye vraiment d’être un pont pour donner la voie aux préoccupations
des franciscains sur le terrain, leur donner une voie à l’ONU.
Justement,
c’est peu courant qu’une famille religieuse soit représentée auprès des Nations-Unies.
C’est important de porter ce message de la doctrine sociale de l’Église auprès des
Nations-Unies. Comment vous vous y prenez ? C’est très important de donner
une voie, surtout des franciscains qui sont un groupe de religieux qui travaille vraiment
avec les pauvres d’une façon pauvre. Donc, ils connaissent très bien quels sont, non
seulement les types de violations mais aussi d’injustices sur le terrain. C’est très
important d’amener leurs expériences à l’ONU pour changer, pour vraiment essayer d’avoir
un changement dans la législation internationale mais aussi nationale. D’ailleurs
selon mon expérience, l’ONU et les experts internationaux donnent vraiment beaucoup
d’importance au travail de Franciscains International parce qu’il est basé sur le
travail franciscain sur le terrain. Donc, ça vient vraiment du terrain.
Vous
êtes très apprécié par les différents acteurs avec qui vous travaillez, les acteurs
du monde entier ? Oui, depuis des années, depuis 25 ans, on a bâti une réputation
à l’ONU. On a aussi une expertise sur le plaidoyer international. Souvent, ce sont
vraiment les experts de l’ONU qui nous demandent l’avis sur certaines thématiques
ou certain pays aussi, pour des questions nationales spécifiques.
Est-ce
que vous diriez que votre travail est de plus en plus difficile ? On a l’impression
que les crises se multiplient, des crises liées à des situations de conflit mais aussi
des crises environnementales, des violations de droits humains. Il y a mille et un
théâtres de crise dans le monde entier. Est-ce que c’est plus difficile de travailler
aujourd’hui, plus le temps avance, qu’il y a 15 ou 25 ans ? Je ne crois pas
que cela soit plus difficile aujourd’hui par rapport à il y a 20 ou 25 ans. Je crois
que la situation a changée, surtout au niveau de la pauvreté parce que la richesse
et les modèles vers lesquels on va, créent de nouvelles couches de pauvres. Ce qui
était autrefois la classe moyenne devient de plus en plus pauvre. Et ça, il faut en
tenir compte. C’est un peu le travail que nous faisons à travers le bureau de New
York et à travers l’activité que l’on fait sur le développement durable et surtout,
à travers une de nos thématiques cibles qui est la pauvreté extrême. On essaye de
se détacher d’une approche économique à la pauvreté. Donc, toutes les stratégies pour
réduire la pauvreté qui se basent seulement sur le facteur économique. On essaye vraiment
de regarder plutôt le facteur humain et les droits humains qui sont dans ces types
de stratégie et de politique. La participation du terrain dans la société et dans
les politiques touchent directement les pauvres.