2014-03-07 16:14:43

Chine-Vatican : La question de la liberté religieuse pas encore tranchée


(RV) Entretien- Les relations entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine sont-elles sur la voie d’une détente ? Le pape François a révélé cette semaine, dans son interview au Corriere della sera, avoir écrit personnellement au président chinois Xi Jinping, qui lui a répondu. La diplomatie du Saint-Siège mène depuis plusieurs décennies un travail de longue haleine pour l’autonomie de l’Eglise et la liberté religieuse en Chine.

Pour en savoir plus, Cyprien Viet a interrogé Régis Anouil, rédacteur en chef d’Eglises d’Asie, l'agence de presse des Missions étrangères de Paris. RealAudioMP3

«Il y a eu des contacts par le passé et la chronique de ces vingt ou trente dernières années indique qu’il y a eu un certain nombre de contacts, y compris à haut niveau entre le Saint-Siège et la Chine mais des contacts qui n’ont jamais pu aboutir et cette chronique a plutôt connu plus de bas que de hauts.

Est-ce que depuis 2012-2013, le changement de chef d’État à la tête de la République populaire de Chine, on a une inflexion positive ou pas sur la question de la liberté religieuse ?

Il est encore très difficile de le dire, il ne semble pas dans la mesure où il y a un élément conjoncturel immédiat, c’est le raidissement de la situation avec les musulmans ouïghours dans le Xinjiang, c’est la difficulté de la gestion du dossier tibétain. Face à ces deux éléments, il y a peu de possibilité de voir la politique religieuse véritablement infléchie de manière générale. Maintenant, il y a néanmoins une réflexion à un plus haut niveau au sein des instances chinoises sur la place des religions et sur le rôle que l’État ou en tous cas le politique doit avoir vis-à-vis du pouvoir religieux. Il y a une réflexion de fond qui se mène actuellement en Chine et qui n’aboutit pas du fait de ces difficultés conjoncturelles liées notamment à la question du Xinjiang, donc de l’extrême-ouest chinois et du Tibet.

On sait que le nouveau secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Parolin est un très bon connaisseur des pays d’Asie, en particulier du Vietnam et aussi de la Chine. Est-ce que vous savez si dans les autorités chinoises, les gens le connaissent bien ?

Oui, les gens le connaissent bien. Encore une fois, au plus haut niveau, il y a eu des contacts donc, les gens se connaissent bien. Personnellement, ils ne se connaissent pas si bien que cela mais ils savent quelles sont les positions des uns et des autres. La Chine sait que le Vatican, effectivement, a une demande extrêmement forte en matière de liberté religieuse, en matière de liberté d’agir pour l’Église qui est en Chine. En face, le Vatican sait bien que la question de la nomination des évêques est une question difficile, sensible mais que l’on peut négocier, de même que la question de Taiwan, de la représentation diplomatique qui est à Taipei et que le Saint-Siège a déjà annoncé à plusieurs reprises qu’elle pouvait être transférée du jour au lendemain ( expression qui a été utilisée’) à Pékin. Chacune des deux parties sait où l’autre veut aller et où ne peut pas aller mais il n’y a pas encore véritablement de volonté politique d’avancer et cela se jouera sans doute au plus haut niveau du bureau politique du parti communiste chinois.

Vous avez parlé du thème très délicat de la nomination des évêques. Aujourd’hui, est-ce qu’on sait combien d’évêques sont en communion avec Rome et quelle est leur répartition territoriale ? Est-ce qu’on en a une idée précise ?

Non, la statistique est un peu difficile à établir. Aujourd’hui, il y a un grand nombre de sièges qui sont vacants, il y a des cas très délicats, très difficiles, même douloureux. Je pense bien sûr à l’évêque officiel de Shanghai qui a été nommé en communion avec le Saint-Père, en accord avec le Pape et qui est empêché d’exercer depuis plus d’un an. Il est dans un état de quasi résidence surveillée. Donc, il y a de véritables difficultés pour le pouvoir chinois à effectivement concevoir une Église qui soit pleinement autonome, qui soit pleinement libre de ses mouvements. Et c’est la question de la liberté religieuse qui n’est bien sûr pas tranchée et qui appelle de la part du Saint-Siège une volonté de voir effectivement cette politique bouger et sinon évoluer en Chine.

A titre personnel, est-ce que le Pape François a suscité une curiosité, une sympathie en Chine parmi la population et parmi les autorités ?

Il est un peu difficile de le dire parce que les médias officiels ne participent pas de la popularité du Pape François à travers le monde. En revanche, sur les réseaux internet, cela circule bien. Les catholiques sont tout à fait conscients de la nouveauté que représente ce Pape, du dynamisme qu’il introduit. Il y aurait-il un facteur personnel ? On peut le penser, on peut l’espérer puisque le Pape viendra au mois d’août prochain en Corée du Sud, donc aux portes de la Chine. Il vient pour les journées asiatiques de la jeunesse. On peut espérer qu’un grand nombre de jeunes catholiques de Hong Kong, de Taiwan mais également peut-être de la Chine populaire seront en Corée du Sud et rapporteront ensuite, de retour chez eux, ce dynamisme qu’insuffle le Pape François à l’ensemble de l’Église.

Justement, vous avez évoqué le cas de Hong Kong. En vertu du principe « un pays, deux systèmes », est-ce qu’aujourd’hui à Hong Kong, la liberté religieuse est la même qu’à l’époque britannique ?

Oui, la liberté religieuse reste pleine et entière à Hong Kong. Il y a une véritable liberté d’agir pour les Églises et elles ne se privent pas d’utiliser cette liberté dans la mesure où on les entend, on entend la voix de l’évêque de Hong Kong sur la scène locale. Néanmoins il y a un petit bémol dans la mesure où il y a une certaine érosion, non pas de la liberté religieuse mais par une volonté de prise de contrôle du pouvoir en place sur un certain nombre de domaines. Il y a des tensions et la société civile réagit très vigoureusement. Je pense en particulier à la question de l’enseignement. On le sait, l’Église catholique, les Églises catholiques de manière générale sont très présentes dans le domaine de l’enseignement à Hong Kong. Elles contrôlent, elles gèrent, elles animent environ un tiers des écoles. Ces derniers temps, il y a eu des tentatives de réformer les programmes scolaires pour les faire évoluer dans un sens favorable aux intérêts de Pékin. Et là, la réaction des Églises mais également de la société civile a été très forte . Il y a donc une situation très différente entre ce qui se passe à Hong Kong, ce qu’il est possible d'y faire et ce qu’il n’est pas encore possible de faire en Chine continentale où l’expression des libertés est beaucoup plus contenue.

Est-ce qu’on pourrait imaginer que Hong Kong soit une sorte de laboratoire de ce que pourrait être la Chine de l’avenir ?

On peut l’espérer, on peut prier pour cela. On voit plutôt actuellement un processus d’absorption progressive de Hong Kong par le continent, ce qui est naturel et normal étant donné les masses en matière de populations, en matière de richesses économiques qui sont en jeu. Mais néanmoins, on peut aussi penser qu’en retour, la société civile ou les aspirations de la société civile qui se font jour et qui sont très réelles à Hong Kong pourront déborder, pourront faire tache d’huile sur l’ensemble du reste de la Chine. Et là encore, c’est du domaine de l’espérance.

Est-ce qu’une étape du Pape François à Hong Kong sur le chemin de la Corée du Sud fait partie d’un scénario de science-fiction ou est-ce que cela serait envisageable ?

Non, c’est une rumeur qui court. Effectivement, il pourrait faire escale mais, à titre personnel, cela me semble un petit peu improbable. Cela nécessiterait bien sûr que Pékin donne son accord, qu’elle invite même le Saint-Père. Il me semble qu’au jour d’aujourd’hui, nous ne sommes pas du tout dans cette configuration de confiance ou de relations à ce point étroites pour que l’on puisse envisager une telle visite. Mais j’espère me tromper.»







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