« La miséricorde signifie avant tout soigner les blessures »
(RV) « L’Eglise est “un hôpital de campagne”, on a besoin de guérir les blessures
». Lors de sa rencontre jeudi matin avec le clergé romain dans la salle Paul VI
du Vatican, le Pape François, qui s’est largement confié et n’a pas hésité à se souvenir
de certains épisodes de sa vie, est revenu sur la miséricorde en ce temps de Carême.
Il a expliqué ce que signifie la miséricorde pour les prêtres, avant de faire le lien
avec le sacrement de la réconciliation, soulignant qu’il ne s’agissait ni de laxisme,
ni de rigidité. Xavier Sartre
En
ce temps de miséricorde, c’est un Pape qui a demandé pardon, dans un geste inhabituel,
aux curés de Rome. Pardon, non tant en qu’évêque, mais en tant que chef du service
diplomatique du Saint-Siège, dont un des membres a accusé, notamment de pédophilie,
plusieurs prêtres de Rome.
« J’ai été très touché par la douleur de certains
d’entre vous à cause des accusations formulées contre vous. J’ai parlé avec certains
d’entre vous. Une folie ! moi, je suis proche des curés. Les accusés : ce sont tous
les curés. Je veux vous demander pardon à vous, non en tant qu’évêque, mais comme
responsable du service diplomatique du Saint-Siège parce que l’un des accusateurs
appartient au service diplomatique. Mais cela n’a pas été oublié ; on étudie le problème
afin d’éloigner cette personne. C’est un acte grave d’injustice et je vous demande
pardon pour cela, à vous tous. »
Le Pape François a fait référence aux
accusations de pédophilie et de comportements douteux formulées à l’encontre de plusieurs
prêtres du diocèse de Rome par un ex-prêtre, Patrizio Poggi, et relayées et confirmées
par le conseiller de la nonciature, Mgr Luca Lorusso. Les accusés ont alors contacté
le Pape, leur expliquant leur souffrance face à de telles accusations.
Pas
de prêtres "aseptisés"
Le Pape a ainsi demandé à ses prêtres de faire acte
de miséricorde envers lui. Car dans son discours, il a expliqué que le prêtre est
« un homme de miséricorde et de compassion, proche de ses paroissiens et au service
de tous. Il le démontre dans son comportement, dans la manière dont il accueille,
écoute, conseille et absout. »
Le Pape insiste : « si on vit cela en
soi, dans son cœur, on peut aussi le donner aux autres dans son ministère ». Et
de mettre en garde, reprenant l’histoire du bon samaritain : « le coeur fermé se
justifie toujours de ce qu’il ne fait pas. » Cette proximité avec ceux qui souffrent,
est donc nécessaire car la « miséricorde signifie avant tout soigner les blessures
». Nul besoin de prêtre « aseptisés », « de laboratoire ». Au contraire,
l’Eglise étant « un hôpital de campagne », le prêtre se doit de guérir les
gens « blessés par les problèmes matériels, par les scandales, y compris au sein
de l’Eglise ».
Pour cela, le prêtre ne doit être « ni laxiste, ni rigoriste
» : le premier « ne prend pas au sérieux le problème de la conscience, minimisant
le péché » ; le second « cloue la personne à la loi de manière froide et rigide
». Le chemin vers la sainteté se fait, au contraire, « à travers la souffrance
pastorale, une des formes de la miséricorde, c’est-à-dire souffrir pour et avec les
personnes, comme un père et une mère souffrent pour leur enfants ».
Rassurer
les prêtres de Rome
Le Pape a également posé plusieurs questions aux prêtres,
questions qu’il se pose à lui-même, a-t-il précisé. « Fais-tu la prière d’intercession
devant le tabernacle ? Le soir, finis-tu la journée avec le Seigneur ou avec la télévision
? Luttes-tu avec le Seigneur pour ton peuple ? Un prêtre doit le faire comme le faisait
Moïse. Et c’est un combat viril. Moïse avait du caractère », s’est exclamé le
Pape. Et de conclure, exhortant les prêtres à « ne pas avoir honte de la chair
de leur frère ». Surtout s’il est blessé et exclu.
Le Pape François a
également profité de cette rencontre pour rassurer les prêtres de son diocèse qui
ont été plusieurs à lui téléphoner, ou à lui écrire, lui reprochant de donner l’impression
qu’il voulait les « bastonner ». « Non, je n’en ai pas après vous ! »
s’est écrié François.
Cette rencontre fut aussi, pour le Pape, l’occasion
de partager avec tous les prêtres présents quelques souvenirs de l’époque où il officiait
à Buenos Aires. Il est notamment revenu sur la figure d’un vieux prêtre qui confessait
sans arrêt, reconnu par les fidèles pour sa miséricorde. Au moment de son décès, lors
du weekend pascal, le futur Pape a alors pris la croix du rosaire du défunt lui demandant
: « donne-moi ne serait-ce que la moitié de ta miséricorde ». Depuis lors,
le Pape porte sur son cœur, dans une poche en étoffe, cette croix et la touche dès
qu’il a « une mauvaise pensée envers quelqu’un ». « Combien est bon l’exemple
d’un prêtre miséricordieux » a ainsi conclu le Pape.