2014-03-04 18:13:00

Le Darfour de nouveau déchiré par la violence


(RV) Entretien- La violence gangrène à nouveau la région du Darfour, au Soudan. La mission de l’ONU sur place s’est vue refuser l’accès à plusieurs villages, ce qui fait redouter de nouvelles exactions. Des témoins parlent de villages entièrement brûlés. La situation a donc poussé plusieurs milliers d’habitants à quitter leur logement et à venir grossir des camps de réfugiés déjà dans un état sanitaire et humanitaire précaire.

Pour le médecin Jacky Mamou, président du Collectif « Urgence Darfour », ce regain de violences est dû à de nouveaux crimes perpétrés par des miliciens particulièrement violents. RealAudioMP3

Dans les derniers jours du mois de février, il y a eu des attaques très violentes de la part d’anciens miliciens Janjaweed , c’est-à-dire des miliciens essentiellement recrutés par des tribus nomades arabes du Darfour qui ont attaqué plusieurs villages sans qu’on sache bien quel était le but de guerre de ces attaques. Ces attaques ont été très violentes. On ne sait pas exactement le nombre de morts, on parle de plusieurs dizaines de morts . C’est sûr que cela a entrainé des déplacements importants de population. On parle entre 5.000 à 15.000 personnes déplacés. Il semble que plusieurs milliers soient déjà arrivés dans le camp de Kalma qui est à proximité de Nyala, la capitale régionale du Sud Darfour. Ce qu’on sait aussi, c’est qu’il y a plusieurs milliers d’autres personnes, d’autres villageois. Les villages ont carrément été détruits. On sait qu’il y a eu des viols de femmes et que des femmes et des enfants ont été pris , emmenés par ces miliciens.

D’où viennent exactement ces miliciens? Qui sont-ils?

Ce sont des miliciens qui ont été recrutés essentiellement parmi les tribus nomades arabes du Darfour. Vous savez qu’au Darfour, il y a deux types de population, essentiellement des tribus nomades et des paysans. Ces tribus nomades arabes, en général sont assez pauvres, elles n’ont pas ou peu de terre. Donc, ce sont des proies faciles pour être recrutées comme miliciens parmi les jeunes gens qui composent les tribus. Ces miliciens qui ont été employés lors de ces attaques, avaient été déployés initialement dans une autre région du Soudan qui est elle aussi en ébullition, c’est-à-dire le Kordofan. Là, ils se seraient tellement mal conduits avec les populations locales qu’ils ont été rapatriés sur le Darfour dont la plupart des membres de cette force de réaction rapide serait originaire. Donc, ce n’est pas une force militaire traditionnelle. En général, «
ils se paient sur la bête » comme on dit. Malheureusement, ils sont d’une violence inouïe.

Dans l’actualité, il y a aussi le Soudan du Sud, un État qui est né de la partition avec le Soudan. Est-ce que cette création de deux États différents a changé quelque chose au règlement de la situation au Darfour ?

Il y a eu une évolution sur la situation général et donc, indirectement sur la situation au Darfour. La contestation a pris une nouvelle forme depuis quelques années avec la création du Front Révolutionnaire du Soudan, un front qui comporte à la fois les organisations rebelles du Darfour mais aussi l’organisation rebelle qui agit au Sud Kordofan et au Nil Bleu et même des éléments des partis traditionnels d’opposition au gouvernement soudanais. Ça, c’est l’élément nouveau. Il y a maintenant une opposition qui est beaucoup plus unie et qui comporte une opposition avec des secteurs miliaires et des secteurs politiques. Donc, c’est un gouvernement qui est très gêné par cette double situation de fragilité économico-sociale et puis, d’avoir affaire à une opposition beaucoup plus cohérente. Le seul moyen de s’en sortir, c’est de porter la guerre au plus vite et d’essayer de casser cette unité du front révolutionnaire. D’abord, en essayant de négocier avec plus ou moins de crédibilité avec les gens du Sud Kordofan et du Nil Bleu et puis, essayer d’éliminer les groupes rebelles du Darfour qui sont l’autre composante importante de ce front révolutionnaire. Donc, qu’il y ait une intensification de la guerre au Darfour, ça fait partie de la stratégie de desserrement de l’étau du gouvernement de Khartoum.

Photo: Un enfant réfugié dans le sud du Darfour, décembre 2013







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