Le bec-de-lièvre, un problème de santé publique au Burkina-Faso
Au Burkina Faso comme ailleurs en Afrique, naître avec un bec-de-lièvre est une tare
que les enfants et leurs proches portent leur vie durant. On les traite de sorciers,
leurs parents les cachent, quand ils ne sont pas expulsés de leur village: les nourrissons
naissant avec un bec-de-lièvre en Afrique sont souvent condamnés à une vie de paria
s'ils ne sont pas rapidement opérés. Le Bec-de-lièvre est une malformation de
la bouche qui est due à un défaut de fusion du bourgeon nasal interne et du massif
maxillaire supérieur à la 5e semaine de vie intra-utérine. Il peut être
partiel et ne touche que la lèvre ou total et touche la gencive et le palais. Il peut
être unilatéral souvent à gauche ou bilatéral, symétrique ou asymétrique, total ou
partiel. Et les filles sont deux fois plus touchées que les garçons. La fréquence
est 35 fois plus grande lorsque les parents ou un membre de la fratrie en présente
également un (transmission héréditaire familiale multi-factorielle). Le bec-de-lièvre
fait parfois partie d'un syndrome pluri-malformatif non chromosomique ou d'une anomalie
telle que la trisomie 13 mais le plus souvent, il est isolé. La fente palatine est
souvent associée au bec de lièvre. L'anomalie se met en place à la 6e semaine
de vie intra-utérine. Elle peut toucher tout le palais osseux, le voile uniquement
ou seulement la luette. Un bilan de l'audition doit être fait car l'hypoacousie est
parfois associée.
Le calvaire d’une mère pour avoir mis au monde un enfant
maudit
Loïc Koffi, un assistant social de la clinique Suka de Ouagadougou,
affirme que la plupart des familles pensent qu'elles sont victimes d'une malédiction.
Si en ville parents et enfants réussissent à surmonter ce handicap, les petits sont
traités de sorciers en milieu rural, où ils provoquent des divorces, quand ils ne
sont pas bannis des villages avec leurs mamans. Un bénévole, qui fait office de traducteur
entre les patients burkinabè, souvent pauvres et ne maîtrisant pas le français, et
le personnel médical québécois, raconte le calvaire d'une mère récemment chassée du
village avec sa progéniture pour avoir mis au monde un enfant maudit. La rangée
de fillettes et garçonnets défigurés, aux lèvres supérieures fendues et aux incisives
apparentes, quand un trou ne sépare pas tout simplement le bout de leur nez de leur
menton, fait peine à voir dans le hall d'attente de la clinique Suka de Ouagadougou.
Certains dorment, d'autres sont assis sagement, leur tête posée contre une épaule
parentale. Personne ne parle ou presque. La crispation est manifeste. Habibatou
Saaba, dont le fils Zidan, âgé de 18 mois, vient d'être confié aux bistouris des chirurgiens
de l'ONG canadienne "Mission sourire d'Afrique", fait les cent pas. Le futur de son
enfant, dont elle veut faire un infirmier, est en jeu, explique-t-elle. "Jusqu'ici,
elle cachait son fils", raconte sa belle-sœur qui l'accompagne. "Je lui ai demandé
pourquoi. Elle m'a dit qu'on lui posait trop de questions. Que parfois les adultes
se pressaient pour le dévisager."
Une intervention qui peut être réglé
en 45 minutes pour un cout de 250 dollars
Pourtant, dans de telles circonstances,
corriger un bec-de-lièvre, une intervention rapide et sans risque en Occident, prend
une importance considérable sur le continent noir. "Cette difformité provoque de nombreux
stigmates. Les enfants ont des problèmes psychologiques. Ils ne peuvent pas socialiser,
aller à l'école, se marier, travailler", déplore Nkeiruka Obi, en charge du programme
Smile train (le train du sourire) en Afrique de l'Ouest. "Pourtant, ce problème
peut être réglé en 45 minutes, pour un coût de 250 dollars et changer la vie d'un
enfant pour toujours", souligne Mme Obi, dont l'ONG basée aux Etats-Unis a réparé
selon elle "près d'un million de sourires" aux quatre coins du globe, dont 127.000
en 2013.
Une opération difficile à faire mais le résultat est saisissant
Smile
train, fondée en 1999, accorde 400 dollars par opération aux médecins, qui en échange
soignent les patients gratuitement. L'ONG aide également à la formation de chirurgiens
locaux et au développement d'infrastructures. La quinzaine d'infirmières, anesthésistes
et médecins de "Mission sourire d'Afrique", tous venus bénévolement, s'inscrit dans
cette démarche.
A Ouagadougou, deux équipes travaillent en flux tendu dans
le même bloc opératoire, aux normes sanitaires conformes aux standards occidentaux
grâce à du matériel rapporté de Montréal. "C'est une opération difficile à faire parfaitement.
Mais tous les tissus sont là. Il s'agit simplement de les mettre en place", explique
le docteur Jean-Martin Laberge en réparant la bouche de la petite Safiatou, 6 ans. A
ses côtés, sa femme Louise, également chirurgien, forme une consœur nigérienne. Comme
pour les 65 autres enfants ayant été opérés, dont certains avaient également le palais
fendu, le résultat est saisissant. Le visage de Safiatou est d'une beauté éclatante.
De fait, les mamans, souvent jeunes, rayonnent en contemplant leur progéniture endormie
en salle post-opératoire. Dans une petite pochette, une photo prise avant l'intervention
permet de garder en mémoire l'image d'un passé chaotique désormais révolu. L'avenir
sera plus limpide, pour les mamans et leurs enfants.