« L'Eglise a besoin de votre courage et de votre compassion »
Un Consistoire ordinaire public présidé par le Pape François pour la création de 19
nouveaux cardinaux s'est déroulé ce samedi matin en la Basilique Saint-Pierre, en
présence du Pape émérite Benoît XVI. L'un des nouveaux cardinaux, l’ancien secrétaire
de Jean XXIII, Loris Capovilla, était absent à cause de son grand âge. Une cérémonie
sera organisée le 1er mars prochain à Sotto il Monte, une église très symbolique puisque
le « bon Pape » en posa la première pierre. Dans la basilique, étaient présentes les
délégations officielles évidemment des 15 nations d’origine des cardinaux, en présence
notamment des présidents du Brésil et d’Haïti, Dilma Rousseff et Michel Martelly.
Durant la cérémonie, chaque nouveau cardinal s'est approché du pape, s'agenouillant
devant lui pour recevoir la barrette (coiffe rouge à quatre bords), l'anneau cardinalice
et son titre, chaque nouvel élu recevant en effet symboliquement la charge d'une des
centaines d'églises de l'agglomération romaine. De Ouagadougou, d'Abidjan, des Cayes
en Haïti, de Cotabato aux Philippines, de Managua, de Castries (Sainte-Lucie) aux
Antilles, de Pérouse au centre de l'Italie, plusieurs des nouveaux cardinaux sont
venus de villes des « périphéries », comme aime à le définir le pape François.
Seize
nouveaux électeurs (moins de 80 ans, en cas de Conclave) entrent au Sacré collège,
et trois autres sont des nouveaux cardinaux émérites sans droit de vote, à l'issue
de ce premier consistoire du pape François, élu le 13 mars dernier. Le Pape François
avait auparavant tenu une très belle homélie sur la mission des cardinaux. En voici
le texte intégral en français:
« Jésus marchait devant eux… » (Mc 10,32). Jésus
marche devant nous aussi, en ce moment. Il est toujours devant nous. Il nous précède
et nous ouvre la voie… Et c’est notre confiance et notre joie : être ses disciples,
demeurer avec lui, marcher derrière lui, le suivre… Quand nous avons célébré
ensemble la première Messe dans la Chapelle Sixtine, « marcher » a été la première
parole que le Seigneur nous a proposée : marcher, et ensuite construire et confesser.
Aujourd’hui
cette parole revient, mais comme un acte, comme l’action de Jésus qui continue : «
Jésus marchait… ». Cela nous frappe dans les Évangiles : Jésus marche beaucoup, il
instruit les siens au long du chemin. C’est important. Jésus n’est pas venu pour enseigner
une philosophie, une idéologie… mais une « voie », une route à parcourir avec lui,
et la route s’apprend en la faisant, en marchant. Oui, chers Frères, voilà notre joie
: marcher avec Jésus. Mais ce n’est pas facile, ce n’est pas confortable,
parce que la route que Jésus choisit est celle de la Croix. Alors qu’ils sont en chemin,
il parle à ses disciples de ce qui va arriver à Jérusalem : il annonce sa passion,
sa mort et sa résurrection. Alors ils sont « stupéfaits » et « remplis de crainte
». Stupéfaits, bien sûr, parce que, pour eux, monter à Jérusalem voulait dire participer
au triomphe du Messie, à sa victoire – on le voit ensuite dans la demande de Jacques
et de Jean ; et remplis de crainte pour ce que Jésus allait devoir subir, et aussi
pour ce que eux risquaient de subir.
A la différence des disciples
d’alors, nous savons que Jésus a vaincu, et nous ne devrions pas avoir peur de la
Croix ; bien plus, dans la Croix nous avons notre espérance. Cependant, nous sommes
nous aussi humains, pécheurs, et nous sommes exposés à la tentation de penser à la
manière des hommes et non de Dieu. Et quand on pense à la manière du monde,
quel est la conséquence ? « Les dix autres se mirent à s’indigner contre Jacques et
Jean » (v. 41). Ils s’indignent. Si la mentalité du monde prend le dessus, surgissent
les rivalités, les jalousies, les factions … Alors, cette parole que le
Seigneur nous adresse aujourd’hui est très salutaire ! Elle nous purifie intérieurement,
elle fait la lumière dans nos consciences, elle nous aide à nous mettre pleinement
en accord avec Jésus, et à le faire ensemble, au moment où le Collège des Cardinaux
s’agrandit par l’entrée de nouveaux membres.
« Jésus les appela près
de lui… » (Mc 10,42). Voici l’autre geste du Seigneur. Le long du chemin, il se rend
compte qu’il y a besoin de parler aux douze, il s’arrête et les appelle à lui. Frères,
laissons le Seigneur Jésus nous appeler à lui ! Laissons-nous convoquer par lui. Et
écoutons-le, dans la joie d’accueillir ensemble sa Parole, de nous laisser instruire
par elle et par le Saint Esprit, pour devenir toujours plus un seul cœur et une seule
âme, autour de lui. Et alors que nous sommes ainsi convoqués, « appelés
près de lui » par notre unique Maître, moi aussi je vous dis ce dont l’Église a besoin
: elle a besoin de vous, de votre collaboration, et plus encore de votre communion,
communion avec moi et entre vous. L’Église a besoin de votre courage, pour annoncer
l’Évangile en toute occasion, opportune ou inopportune, et pour rendre témoignage
à la vérité.
L’Église a besoin de votre prière pour le bon cheminement
du troupeau du Christ, la prière qui, avec l’annonce de la Parole, est la première
tâche de l’Évêque. L’Église a besoin de votre compassion surtout en ce moment de douleur
et de souffrance dans de nombreux pays du monde. Nous voulons exprimer notre proximité
spirituelle à toutes les communautés ecclésiales et à tous les chrétiens qui souffrent
de discriminations et de persécutions. L’Église a besoin de notre prière pour eux,
afin qu’ils soient forts dans la foi et qu’ils sachent réagir au mal par le bien.
Et notre prière s’étend à tout homme et à toute femme qui subit l’injustice à cause
de ses convictions religieuses.
L’Église a besoin de nous aussi pour
que nous soyons des hommes de paix et fassions la paix par nos œuvres, nos désirs,
nos prières : pour cela invoquons la paix et la réconciliation pour les peuples qui
en ces temps sont éprouvés par la violence et par la guerre. Merci, Frères
très chers ! Marchons ensemble derrière le Seigneur, et laissons-nous toujours davantage
convoquer par lui, au milieu du peuple fidèle, de la sainte Mère Église.