La France va faire entrer Geneviève de Gaulle-Anthonioz au Panthéon
(RV) Entretiens - François Hollande l’a annoncé vendredi. Germaine Tillion,
Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay entreront en 2015 au
Panthéon, le monument des grands Hommes de l'Histoire de France. Ils rejoindront ainsi
les 74 hommes et femmes qui y reposent déjà.
Deux femmes figurent donc parmi
les quatre personnes choisies, deux illustres figures de la résistance et de la défense
des Droits de l’homme. Parmi elles, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, la nièce du général
Charles de Gaulle. Déportée à Ravensbrück pendant la Seconde Guerre mondiale, elle
a fait de la défense des plus pauvres une priorité. Elle a d’ailleurs été la présidente
d’ATD, e mouvement international de lutte contre la grande pauvreté et l’exclusion
sociale, connu aujourd’hui sous le nom d’ATD-Quart monde.
Marie Jahrling
milite pour ce mouvement. Elle a bien connu Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Quels sont
vos souvenirs de Geneviève de Gaulle-Antnonioz? C’était une femme qui a été
vraiment exemplaire pendant toute sa vie.On l’a côtoyée dans le mouvement ATD Quart
Monde et elle est venue dans le bidonville où moi j’étais gamine. Les première fois
où elle est venue dans le bidonville de Noisy-le-Grand, je devais avoir 14 ou 15 ans.
Ce dont je me souviens d’elle, c’est que jamais elle n'est venue en grande dame ou
pour nous donner des leçons. C’était vraiment très rare à cette époque-là parce que
toutes les personnes bien pensantes et pleines de charité- je ne dis pas le contraire-
c’étaient souvent des personnes qui disaient « il faut faire comme-ci, il faut
faire comme ça ». Et quand on a rien, on fait comment? Puis, on ne les revoyait
plus.
Ensuite, Geneviève est venue , avec toute son humilité. C’était une
femme très humble et je sais que tout de suite, on a ressenti une proximité avec elle,
bien sûr, par rapport à son vécu de prisonnière. Ça, on ne le savait pas tout de suite.
Moi, j’étais trop jeune pour comprendre toutes ces choses. En tout cas, on l’a ressenti
comme quelqu’un en qui on pouvait avoir confiance et qui était comme une proche.
Qu’est-ce
qu’elle a apporté à la cause des personnes en grande souffrance, dans la pauvreté
?
Elle-même, déjà, je trouve que c’est beaucoup. En fait, on a très vite
compris qu’elle venait pour lutter auprès de nous. Quand je dis « auprès de nous
», ce n’est pas à notre place, mais ensemble. Et ça, c’était d’avoir des conversations
en disant « ben oui, ce n’est pas juste » et elle partageait vraiment nos colères.
Elle était vraiment très humble et très douce. Mais en tout cas, elle était ferme
dans ce combat contre les exclusions. Et ça, c’était une chose vraiment très importante
pour nous. Elle était auprès de nous, pour qu’ensemble, on puisse sortir de ces situations-là
de grande pauvreté.
Est-ce que vous avez eu l’occasion de reparler avec
elle, plus tard, de ces engagements qu’elle avait pris ? Écoutez, on l’a suivi
toute notre vie parce que moi aussi, j’étais militante. Je suis devenue militante
et je suis restée très proche du mouvement jusqu’à aujourd’hui. Toute sa vie, elle
a été la même femme. Je me souviens par exemple pour la loi contre les exclusions
a été faite avec des gens qui vivaient la pauvreté. On se réunissait parfois à Paris
pour discuter de certaines questions que l’on vivait et qu’on sentait bien qu’elles
étaient injustes. Et Geneviève participait souvent à ces discussions et même parfois,
on allait en petits groupes aux rencontres avec la Commission des Droits de l’Homme.
On mettait en commun et Geneviève était parmi nous. Geneviève était aussi une femme
de foi . Son combat était surement aussi pour la gloire de Dieu parce que l’humanité
qu’avait Geneviève relevait du divin, par sa personnalité et par ce qu’elle était.
C’était une femme qui était là pour restituer l’humain dans son humanité.
Pierre-Yves
Madignier est le président d’ATD Quart Monde France. Un poste occupé par
Geneviève de Gaulle-Anthonioz pendant presque quarante ans de 1964 à 1998. A l’annonce
de cette nouvelle, il a ressenti comme l’ensemble du mouvement ATD Quart Monde une
grande émotion.
Quels souvenirs
gardez-vous de Geneviève de Gaulle-Anthonioz ? C’était quelqu’un de profondément
humain, de profondément respectueuse des autres, qui vivait aussi de grandes indignations,
notamment par rapport à la dictature de l’argent et qui mettait toujours l’humanité
et en particulier celle des personnes les plus pauvres en avant parce qu’elle reconnaissait
dans les personnes très pauvres, la même force de résistance contre tout ce qui défigure
l’homme.
Est-ce qu’elle pourrait représenter un idéal de sainteté laïque
? En tout cas, c’est quelqu’un qui peut inspirer beaucoup d’engagements au
sein du mouvement ATD Quart Monde. Vous savez , dans le mouvement ATD-Quart-Monde,
il y a des personnes qui sont nées dans la grande pauvreté et qui partagent le combat
avec d’autres pour détruire la misère, ce sont les militants Quart Monde. Il y a les
volontaires permanents qui prennent un engagement pour aller rejoindre les plus pauvres
et à la fin de sa vie, Geneviève Anthonioz-de Gaulle a été un peu une volontaire permanente
du mouvement ATD Quart Monde. Et puis aussi les alliés, c’est-à-dire tous ceux qui
sont un petit peu partout dans la société et qui s’unissent, qui font alliance avec
les plus pauvres pour détruire la misère. Elle a été alliée du mouvement ATD- Quart-Monde
pendant de très nombreuses années. Donc, au sens d’un engagement, oui. Un engagement
qui donne aussi envie de s’engager auprès des plus pauvres, pourquoi pas ?
Qu’est-ce
que son action peut apporter aujourd’hui dans les luttes par exemple, que vous, vous
menez encore ? Je pense qu’il y a des images qui resteront toujours présente.
Celle de son intervention à l’Assemblée Nationale après avoir fait un rapport au Conseil
économique et social pour ce qui allait devenir la loi de lutte contre les exclusions,
la loi de décembre 1998. Cette femme si frêle et si forte dans ses convictions qui
portait le combat de tout le Quart-Monde, ça, c’est quelque chose qui restera comme
une très forte inspiration pour nous et pour beaucoup de personnes qui sont en dehors
du mouvement ATD-Quart-Monde mais qui sont dans ce grand courant du refus de la misère.
Des propos recueillis par Audrey Radondy
Photo: Geneviève de Gaulle-Anthonioz
le 17 octobre 1997, lors de la journée mondiale du refus de la misère