2014-02-17 08:32:53

Matteo Renzi vise la tête de l'Etat italien


(RV) Entretien - En Italie, le secrétaire du Parti Démocrate (PD), Matteo Renzi, était attendu en milieu de matinée lundi au palais du Quirinal par le président de la République, Giorgio Napolitano. Ce dernier devait le charger officiellement de former le nouveau gouvernement. Celui qui est aussi le maire de Florence devra ensuite former son équipe, construire une coalition allant de la gauche au centre droit. Des manœuvres délicates pour le jeune politicien 39 ans.

Jeudi dernier, il a appelé à former un nouveau gouvernement, jugeant l’action de son prédécesseur, Enrico Letta, trop lente. Son parti s’est rangé derrière son leader, désavouant ainsi le démocrate désigné par la présidence de la République en avril dernier.

La manœuvre est appelée en Italie une staffetta, un relais, le passage du pouvoir d’un chef de gouvernement à un membre du même parti, mais sans passer par les urnes. La victime donc, Enrico Letta. A la manœuvre, le secrétaire pressé du PD.

Mais pour le politologue italien Lucio Caracciolo, éditeur de la revue italienne de géopolitique Limes, de nombreuses inconnues perdurent quant à la capacité de Matteo Renzi à mener à bien les réformes nécessaires pour l’Italie, dans un contexte de grande défiance de la population face aux décideurs politiques. Il est interrogé par Cyprien Viet RealAudioMP3

Je crois que Monsieur Renzi sait très bien qu’il n’y avait pas d’alternative. C’est-à-dire que s’il voulait vraiment passer par des élections, il risquait sérieusement de les perdre. Donc, il a choisi cette voie inédite afin d’éviter le passage électoral.
Malgré son jeune âge, est-ce qu’il est quand même considéré comme un dirigeant fiable par l’opinion publique italienne ?
Fiable, c’est un mot un peu fort parce que pour le moment, il n’a géré que la mairie de Florence. Donc, il peut être génial ou il peut être un peu moins génial mais on ne sait jamais à ce moment là d’une carrière politique, qu’est-ce que ça va produire, un maire qui devient chef de gouvernement en étant même pas député. C’est quelque chose d’inédit en Italie et donc, il faudra voir. Le type est jeune, le type est brillant mais le type n’a jamais passé une épreuve politique assez sérieuse.
Justement, qu’est-ce qu’il a fait dans ces quatre années à la mairie de Florence ? Est-ce qu’il a quand même des éléments politiquement intéressants, peut-être dans la méthode ?
Du point de vue pratique, à mon avis, il n’a pas fait grand-chose. Il a établi un rapport très directe avec son public. Maintenant, il faut voir s’il est capable aussi de le faire à l’échelle nationale. Selon moi, le problème de notre pays n’est pas lié à la personnalité du chef du gouvernement parce que le problème est plus vaste. Je crois que le véritable problème que M.Letta et ses prédécesseurs ont cherché à surmonter, c’est le manque d’efficacité de la technocratie de l’État italien.
Alors, je crois que dans les grands dossiers qui trainent depuis plusieurs années en Italie, il y a la question de la loi électorale. Est-ce que les discussions très directes entreprises entre Matteo Renzi et Silvio Berlusconi pourraient quand même faire un petit peu avancer ce dossier ?
Je crois que ça devient de plus en plus compliqué. D’abord, la raison de fond pour laquelle les parlementaires du parti démocratique ont décidé d’appuyer Monsieur Renzi, c’est parce qu’il leur a promis de ne pas voter. Ils savent très bien que 90% d’entre eux ne seraient jamais réélus. Donc, je crois qu’ils n’ont aucun intérêt à faire des élections rapides. En tous cas, je crois que c’est difficile pour Monsieur Renzi de faire une autre coalition avec Monsieur Alfano, c’est-à-dire avec les anciens députés de Silvio Berlusconi qui l’ont quitté sur la base d’une loi électorale qui ne leur laisserait aucune espérance de réélection après l’approbation de cette loi.
Donc, selon vous, ça va être le statut quo ?
Non, parce que Monsieur Renzi lui-même n’est pas le type qui s’intéresse à garder un statut quo. Ils doit faire, dans les premières semaines de son gouvernement , quelque chose d’assez éclatant, peut-être inventer quelque chose qui puisse aller dans le sens de l’opinion publique italienne. Mais du point de vue pratique, je crois qu’il n’a pas les moyens techniques et politiques pour changer vraiment les choses.
Quand vous dites « faire quelque chose qui aille dans le sens de l’opinion publique italienne », qu’est-ce ça pourrait être, concrètement ?
Par exemple, le fait que la fameuse limite de trois pourcents entre le produit intérieur brut et le déficit publique peut ne pas être considéré comme décisif comme Monsieur Letta et surtout Monsieur Napolitano , le président de la République, l’avait établi avant. « L’Europe avant tout », je ne crois pas que Monsieur Renzi puisse accepter cette idée un peu statique de notre rapport avec l’Europe, avec les traités européens. Je crois qu’il va chercher de réinterpréter les limites de notre politique économique en Europe.



Photo : Matteo Renzi, secrétaire du Parti démocrate italien, probable prochain président du Conseil








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