Le Vicaire du Patriarcat Latin de Jérusalem s’exprime sur la question des migrants
africains en Terre Sainte
La question des migrations africaines touche aussi la Terre Sainte. Depuis quelques
semaines, des dizaines de migrants africains protestent devant des institutions israéliennes
pour réclamer le statut de réfugiés ou l’examen de leur dossier ; ils protestent également
contre les brutalités dont ils sont victimes tout au long de leur odyssée pour atteindre
Israël et même une fois parvenue dans ce pays. Les Africains en Israël, environ
53 000, dont la majorité sont des Erythréens ne sont pas des migrants de travail mais
des chercheurs d’asile. C’est ce que nous dit le père jésuite David Neuhaus, Vicaire
du Patriarcat Latin de Jérusalem chargés des catholiques vivant en milieu hébréophone,
interrogé par Honoré Onana Olah :
Quelle est
la situation des migrants en Israël ?
Nous avons premièrement beaucoup
de migrants pour une toute petite église. En Israël la population chrétienne ne représente
que deux pour cent de la population c’est-à-dire à peu près 160 000 chrétiens. Et
environ 150 000 migrants catholiques. « La réalité des migrants chrétiens est
très importante pour l’Eglise locale. » les migrants sont divisés en deux groupes
: les premiers sont les migrants de travail qui viennent de l’Asie avec un grand groupe
de Philippins. Les seconds c’est-à-dire les Africains, ne sont pas migrants de travail
mais des chercheurs d’asile. « Ils ont fuient leur pays à cause de la guerre et de
la répression. » Ils proviennent en grande majorité de l’Erythrée du soudan. On parle
« d’environ 53 000 personnes, tout au plus 40 000 qui sont des ressortissants de l’Erythrée
» et qui viennent suite au manque de liberté et de dignité dans leur pays.
Quelle
est la politique du gouvernement israélien à leur égard ?
Actuellement
« nous vivons des circonstances très difficiles car les autorités israéliennes ont
changé leur politique. « Israël a systématiquement refusé la demande de statut de
réfugiés » c’est-à-dire que le gouvernement a plutôt attribué le statut de chercheur
d’asile et de la protection de groupe et non un processus individuel pour chaque personne.
Les africains pour leur part ont « toujours demandé le droit d’asile d’une façon formelle
pour avoir le statut de réfugiés qui facilite après leur passage vers un autre pays.
Car la grande majorité est venue par le Sinaï en traversant les frontières terrestre
de l’Egypte. Pour quitter Israël ils doivent avoir le statut de réfugiés. »
Ces
dernières semaines, les autorités israéliennes ont annoncé l’ouverture une facilité
de détention dans la région du Néguev avec le plan de déporter dans cette « prison.
» cependant les autorités insistent sur le fait qu’on ne parle pas de prison parce
c’est un lieu ouvert. Les gens qui y vivent peuvent « sortir et entrer librement,
pendant le journée à la condition qu’ils soient là pour être comptés trois fois par
jour. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas s’éloigner. Ils ne peuvent pas travailler
». Les africains qui y vivent affirment que c’est comme une prison. En effet, ce sont
« les autorités des prisons qui dirigent ce lieu. »
Plusieurs manifestations
se sont déroulées récemment à Tel Aviv (capitale d’Israël) où on dénombrait environ
20 000 personnes dont des africains qui sont venus protester en disant : « que nous
ne sommes pas des animaux, nous sommes des gens vivant dans des conditions très très
difficiles nous avons quitté nos pays et nous cherchons ici, le droit de vivre dignement.
»
Quelle est l’apport de l’Eglise locale pour les migrants ?
L’Eglise
actuellement est en face d’une nouvelle réalité jusqu’à présent elle se limitait à
aider dans les grandes villes où il y a avait des concentrations d’Africains. Premièrement
elle apporte une aide dans le domaine de « la vie spirituelle et religieuse ». C’est
dans ce sens qu’un prêtre du rite oriental guèze (rite liturgique principal en Ethiopie
et en Erythrée ) pour le cas des catholiques, car la grande majorité des migrants
est orthodoxe. « Mais en plus nous avons quelques religieuses » dont une religieuse
Erythréenne qui parle la langue et qui apporte une aide notamment comme assistante
sociale, qui suit notamment les migrants qui ont été brutalisés ou subit des violences
durant leur cheminement de l’Erythrée à Israël. Beaucoup dont « des centaines
voire des milliers » d’entre eux malheureusement ont été enterrés dans le Sinaï par
des trafiquants. Lorsqu’ils arrivent en Israël, ils ont besoin d’aide et cette
religieuse aide dans ce sens tout en apportant un soutien dans le cadre de la documentation. Le
rôle de l’Eglise se limitait à ce niveau c’est-à-dire un rôle de conseiller à savoir
quelles sont les conditions et de servir de relais.
Quels apports pour ceux
vivant dans le camp du Néguev au Sud d’Israël ?
Lorsque plusieurs personnes
seront mis dans ce camp (Néguev ), où pour l’instant les autorités israéliennes ont
promis de ne pas y mettre des familles où il y a des enfants qui sont scolarisés dans
les écoles du gouvernement et qui très vite deviennent hébraïophones. Devant cette
réalité, l’Eglise doit penser comment servir ces gens qui ne peuvent pas quitter ce
camp et cela reste un grand défi… Actuellement dans les villes où résident aussi
bien les migrants de travail que les chercheurs d’asile nous entrevoyons ouvrir un
centre pastorale pour être au milieu de ce monde, là où ils vivent là où il n’y avait
jamais une Eglise avant. « Parce que c’est une ville construite dans la modernité
pour les juifs qui aujourd’hui attire un grand nombre de catholiques… » Dans ce
centre nous pensons envoyer des prêtres des religieuses pour être être proches de
ceux qui vivent dans ce camp au Sud du pays…
Que peut-on attendre de la
visite du Pape François en Terre Sainte ?
« Je pense que tous les chrétiens
attendent le Pape : les chrétiens palestiniens qui vivent dans des situations difficiles
de l’occupation, de la discrimination. Les chrétiens hébraïophones qui essayent
de préserver leur foi au milieu de la société juive. Les migrants de travail et les
chercheurs d’asile, qui attendent la visite du Pape pour qu’il porte un message d’espoir.
» Il faudrait également « souligner le souci du Pape pour ses brebis ». Nous espérons
qu’il y aura des occasions où le Pape rencontrera le monde de la migration… « Nous
espérons beaucoup que le voyage du Pape portera un message spirituel, de la joie et
de l’espoir et que lui puisse parler à notre voix comme il a toujours fait depuis
qu’il est devenu Pape. Il peut conscientiser le monde du destin des migrants, spécialement
les plus pauvres, ceux qui souffrent ceux qui sont kidnappés ceux qui sont torturés
ceux qui font de ce que lui a appelé le nouvel esclavage. »