2014-02-11 07:15:55

Journée du malade : des « maisons partagées » pour vivre avec le handicap


(RV) La 22e Journée mondiale du Malade, ce mardi 11 février, a cette année pour thème « Foi et charité : ‘nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères’ ». Cette phrase tirée de l’Evangile selon Saint Jean a une résonnance particulière pour l’association Simon de Cyrène.

Cette association a lancé le concept de maisons partagées, où des personnes frappées par le handicap au cours de leur vie (à la suite d’un accident cardiovasculaire ou d’un traumatisme grave) vivent avec des personnes valides. Grâce aux progrès de la médecine, les victimes de ces traumatismes restent en vie mais après le coma, le handicap pose la question du nouveau sens à donner à leur existence. L’idée des maisons partagées est donc de briser la solitude et de créer une « famille d’amis ».

Laurent de Cherisey, directeur général de l’association Simon de Cyrène, explique à Jean-Baptiste Cocagne ce projet centré sur le « vivre ensemble », inspiré par l’esprit de l'Arche de Jean Vanier. RealAudioMP3

La convivialité et la gratuité du partage

Dans la Bible, Simon de Cyrène est un passant réquisitionné par un soldat romain pour aider le Christ à porter sa croix au moment de la Passion. Sans l’avoir prévu, il se retrouve donc directement confronté à la souffrance et découvre le Christ. C’est cet esprit qui anime l’association qui porte désormais son nom.

Grâce au film Intouchables, deuxième plus grand succès de l’histoire du box-office français avec 19,44 millions d’entrées en 2011, l’association Simon de Cyrène a touché 5 centimes par place vendue. De quoi financer la construction d’une nouvelle maison partagée. Ce versement avait été négocié par Philippe Pozzo di Borgo, ancien patron devenu tétraplégique après un accident de parapente et dont la vie a inspiré le film. Il est aujourd’hui président d’honneur de l’association Simon de Cyrène.

La Journée mondiale du Malade

Depuis 1992, le 11 février, mémoire liturgique de Notre-Dame de Lourdes, l’Eglise célèbre tous les ans, la Journée mondiale du Malade. L’accompagnement des personnes souffrantes est une priorité évangélique. Sous l’inspiration de Jean-Paul II, cette journée rappelle la dignité de toute personne, malade ou âgée. Elle est dédiée autant aux malades qu’aux personnes qui les assistent au quotidien : parents, amis, personnel médical.



Pouvez-vous nous présenter votre association ?
L’association Simon de Cyrène a ouvert une première maison il y a maintenant quatre ans pour répondre à une demande extrêmement forte, de personnes qui ont basculé dans le handicap en cours de vie avec des accidents de voiture, des accidents vasculaires cérébraux,… un peu toutes les conséquences de la vie moderne avec sa vitesse et son stress. Grâce aux progrès de la médecine d’urgence, ils demeurent en vie et se réveillent après 6-8 mois de coma avec une bonne mémoire de leur vie d’ avant et le constat qu’ils sont bloqués dans leur projets économiques, affectifs et beaucoup d’autres projets de vie à cause du handicap physique, psychique et cognitif qui résulte de leur handicap et des lésions cérébrales sévères acquises.
Face à cela, dans une société post-moderne qui nous dit que notre vie n’est efficace que s’il on est rentable et performant, la grande question, pour des personnes qui basculent dans une grande dépendance comme cela, est « quel est le sens de me garder en vie ? ». Le cheminement qu’on a eu depuis une dizaine d’années vient certainement des hommes et des femmes handicapés valides qui ont pris goût, qui ont pris plaisir à reconstruire un projet de vie qui est fondé sur l’amitié, sur le goût de l’autre, sur le goût de préparer un repas ensemble, sur le goût de se retrouver, nourri par l’expérience des communautés de l’Arche de Jean Vanier et par d’autres expériences pilotes qu’on a vues en Europe. On a créé une approche très innovante où on regroupe de l’habitat social et on fait cohabiter dans de grandes maisons partagées des personnes handicapées et valides. On a des tables d’hôtes, on invite les gens seuls et on recrée vraiment un art du vivre-ensemble.

Comment s’organise la vie au quotidien dans ces maisons partagées ? À quoi ressemble les activités qu’on peut y faire ? Quelles sont les personnes qui y vivent ?
C’est tout simple, c’est comme une grande famille. Ce sont des maisons qui font à peu près 500 m², comme une très grande maison familiale. Il y a 11 logements : chacun a son studio avec sa kitchenette, sa salle de bain. Donc on n’est pas obligé de la vie communautaire. En revanche, au milieu de la maison, il y a 50 m² avec salon, salle à manger, cuisine, c’est très chaleureux ! Les 11 résidents choisissent de préparer le repas ensemble, de faire la fête, d’inviter des amis, etc. Sur les 11 résidents, il y en a 6 qui ont eu un accident et qui sont handicapés et il y en a 4 qui sont des assistants : soit des salariés, soit des jeunes qui viennent passer une année comme volontaire et qui découvrent cet art du vivre-ensemble, qui découvrent le dépassement de la peur de la fragilité et qui construisent vraiment cette société humaine à laquelle on aspire tous.

Cette 22° journée mondiale des malades a pour thème « Foi et charité : nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères ». C’est le message retenu par le Pape François. Est-ce que ça fait écho à votre association ?
Ça fait profondément écho à l’appel évangélique. Lorsque l’Évangile nous parle de l’option préférentielle des pauvres, on a souvent une mauvaise compréhension ou on a l’impression qu’il faut faire un effort difficile pour aller vers les plus pauvres, se pencher vers eux. Mais en fait, toute l’expérience lumineuse de la foi et de la charité dans le sens profond dans lequel le Christ nous invite, c’est de se rendre compte que le plus petit, le plus pauvre, on peut en avoir peur parce qu’il est fragile, parce qu’il est différent, parce que son corps peut être abimé mais quand on le rencontre, il nous invite à tomber notre propre peur, à tomber les masques et il nous fait goûter ce chemin de la grande joie, ce chemin du grand bonheur qui est ce chemin de cette relation gratuite, le chemin de la fraternité. C’est profondément l’appel du Christ à ses disciples. Cette option préférentielle qui fait que le plus pauvre nous emmène au Christ, c’est ce que disait Saint Vincent de Paul.

Pourquoi avoir donné « Simon de Cyrène » comme nom à votre association ?
Simon de Cyrène est cet homme réquisitionné par un soldat romain pour aider le Christ à porter sa croix sur le Golgotha. Ce choix de nom pour notre association est venu d’une personne handicapée, Marianne, qui disait « Mais moi, avec mon handicap, je porte une croix que je n’ai pas choisie ». C’est vrai que souvent, dans la vie, on a envie de choisir mais il y a beaucoup de choses qu’on ne choisit pas. Le mystère chrétien, c’est que je crois que Dieu nous appelle, nous invite à consentir pour nous permettre de passer par la croix pour aller vers la Résurrection. C’est toute l’espérance chrétienne. Dans la promesse de Simon de Cyrène, il y a le fait que lorsqu’on partage la croix, elle est plus légère et elle nous permet de cheminer vers la Résurrection.









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