Chapitre des légionnaires du Christ : le témoignage d'un participant
(RV) - Entretien - Le chapitre général des Légionnaires du Christ se poursuit
jusqu’à la fin du mois de février à Rome, mais une étape importante a été communiquée
mercredi avec l’élection d’un nouveau directeur général : Il s’agit du mexicain Eduardo
Robles Gil. Après trois ans de tutelle du cardinal Velasio de Paolis, la congrégation
retrouve donc un gouvernement autonome.
Les pères du chapitre ont aussi publié
une demande de pardon après les révélations sur « les actions très graves et objectivement
immorales » de leur fondateur et le « silence institutionnel » qui a longtemps été
la seule réponse aux critiques. Souhaitant retisser les liens qui avaient été rompus,
ils disent aussi leur désir de rétablir l’amitié et le dialogue fraternel avec ceux
qui ont quitté la communauté.
Une érosion sensible des vocations s'était en
effet produite depuis les scandales touchant le fondateur. Entre 2010 et 2013, environ
550 séminaristes avaient quitté l'ordre soit un tiers des effectifs, et 84 prêtres
avaient abandonné la Légion pour, dans la plupart des cas, se faire incardiner dans
des diocèses.
Le père Paul Habsburg, de nationalité allemande, est le
responsable de la communauté des Légionnaires du Christ à Paris. Il participe
à ce chapitre général et voit dans cette demande de pardon manifestée par la communauté
l’occasion d’un renouveau spirituel. Il répond aux questions de Cyprien Viet.
Est-ce
que la publication de ce communiqué a constitué une forme de « libération spirituelle
» pour les pères du chapitre ? Oui, je pense que c’était un désir de nous tous,
de pouvoir communiquer d’une façon presque définitive et claire ce que l’on ressent,
ce que l’on pense, notre désir de mettre de la lumière dans l’Histoire, notre désir
de demander pardon à tout le monde, de reconnaître que le passé, c’est le passé. C’était
un très grand désir et pour moi-même, personnellement, c’est un grand soulagement
d’avoir trouvé la bonne façon de le communiquer, je crois.
Est-ce que vous
considérez que vous avez été "sauvés" par le Pape, ou plutôt par les Papes, Benoit
XVI, et François qui s’est inscrit dans la continuité ? Est-ce que vous considérez
que leur action, par la nomination du cardinal de Paolis comme délégué, a permis de
sauver la congrégation ?
Franchement, je crois que oui, parce que l’Église
avait tout le droit de dire « voilà, c’était trop, la blessure est trop forte ». Mais
le Pape Benoît nous connaissait très bien, depuis le début des années 80, parce qu’il
était à Rome et nous aussi. Donc, il y avait une grande amitié. Il savait que le noyau,
le fond, est très positif. Et pour lui-même, c’était une découverte, il n’y croyait
pas au début (ndlr : au passé trouble du fondateur, le P.Maciel). Donc,
lui-même s’est senti appelé à tout changer pour récupérer ce qui vient vraiment de
Dieu ,et pour purifier notre communauté de ce qui ne vient pas de Dieu. Il était très
informé et il voyait clairement qu’il y avait un futur, mais il savait que nous ne
pouvions pas nous en sortir tout seul. Et ce n’était pas seulement le Pape, c’était
toute l’Église. Par exemple, en France, il y a des prêtres et des évêques des paroisses
qui nous ont accueilli, dans ce moment particulier de notre histoire. C’est vraiment
l’Église qui a été une mère pour nous.
Dans le document, on parle d’un
"nombre non-négligeable de départs". A combien s’élèvent-ils précisément ? 84
prêtres sont partis depuis 2010. Cela sur environ 980 prêtres, je pense. Heureusement
la grande majorité de ces prêtres sont restés prêtres mais ils sont devenus diocésains,
d’ailleurs pour la joie de nombreux évêques. Je dirais même que c’est positif ! Parmi
les religieux, sur les cinq dernières années, plusieurs centaines de séminaristes
sont partis. Donc ça, c’est très fort. C’est très douloureux. Mais en même temps,
d'autres sont entrés. En 2010, il y avait 60 prêtres qui ont été ordonnés, l’année
d’après 60 et puis une cinquantaine en 2012. Donc, c’est intéressant. Dans la dernière
homélie que le délégué pontifical a célébré avant Noël pour les ordinations (ndlr
: 31 légionnaires du Christ ont été ordonnés en 2013), il a parlé aux jeunes
prêtres à peine ordonnés, il a dit : « c’est quand même incroyable, dans un moment
de crise, vous vous approchez pour être ordonnés dans une congrégation qui se trouve
dans une telle situation ». Mais donc, il nous a donné un très grand appui comme
délégué du Pape.
Donc maintenant, vous redevenez une congrégation normale.
Sur le plan canonique, vous revenez sous la tutelle de la Congrégation pour les religieux,
comme toute communauté ? Exactement. Au cours de ces trois ans et demi, nous
étions sous la direction directe du Saint-Père à travers son délégué. Il était très
proche, il a fait ce chemin avec nous. C’est un homme d’une grande expérience, il
a une grande connaissance du droit canonique. Et ensuite il y avait une équipe, avec
un grand expert de la vie religieuse, et un très grand expert sur le droit canonique,
sur la question des constitutions. Franchement, nous étions extrêmement bien accompagnés
pour rendre normal tout ce qui n’était pas encore mûr, pour remettre de l’ordre dans
tout cela.
Ce qui a souvent été reproché aux légionnaires du Christ, que
ce soit en France ou en Amérique du Sud, c’était le manque d’insertion dans les structures
paroissiales et diocésaines qui leur préexistaient. Avec cette nouvelle orientation
fixée au chapitre, est-ce que vous allez retisser les liens qui ont parfois été un
peu abimés par des conflits locaux ? Effectivement, je pense que ça a été
un des points les plus importants. Nous avons grandi dans une certaine idée, dans
une certaine culture. La Légion vient du Mexique, et les structures paroissiales au
Mexique n’étaient pas tellement fortes par le passé. Ici, en Europe, tout est, depuis
toujours, beaucoup plus organisé. Nous sommes un peu venus comme des missionnaires,
sans grandes idées. Là, il y avait un vrai trou dans notre formation, sur la réalité
du droit canonique, de l’Église diocésaine, de l’Église locale. Et c’est vrai qu’au
cours de ces 15 dernières années, nous l’avons de plus en plus découvert. Le délégué
pontifical nous a aussi beaucoup aidé dans les diocèses ou l’on travaille, à découvrir
cela, parce que c’était un manque, dans une communauté qui a grandi un peu sauvagement.
Aujourd’hui, la réalité, c’est que dans tous les diocèses où l’on travaille, nous
avons des liens très forts avec l’évêque, nous l’informons tout le temps. Mais je
pense que ça va encore grandir. Nous sommes en train de réfléchir avec les évêques
pour pouvoir prendre des paroisses pour servir l’Église sur place. Dans les pays comme
l’Amérique du Sud, surtout le Mexique, il y a relativement peu de structures ecclésiastiques.
Donc, nous sommes en train d’établir tout cela. En Europe, par contre, tout cela existe
déjà, donc on est en train d’apprendre à aller chez les évêques, avec notre charisme,
et à dire aux évêques : « Écoutez, ça, c’est notre chemin, c’est ce qu’on sent que
le Seigneur donne à notre communauté, surtout au niveau de la formation » et comment
est-ce qu’on peut servir les diocèses avec ce charisme. Et ça, c’est nouveau pour
nous parce qu’avant, on allait un petit peu partout, on n’avait pas cette formation.
Maintenant, dans les dernières cinq à dix années, nous avons découvert cela grâce
à l’Église et aussi grâce au délégué pontifical. Par exemple, pour notre mission à
Paris, nous sommes quatre prêtres, nous habitons dans une paroisse où nous avons été
accueillis. Et dans la paroisse, nous collaborons aux messes, à l’aumônerie, dans
différentes écoles. Dans le futur, nous allons avoir notre propre paroisse. C’est
un processus qui, je pense, va dans le bon chemin.
Photo : ouverture du
chapitre général des Légionnaires du Christ