La Légion sur le chemin du renouveau - Le Père Robles Gil élu directeur général
Le Chapitre général extraordinaire des Légionnaires du Christ a élu comme directeur
général pour une période de six ans, le Père Eduardo Robles Gil. L'élection, transmise
au Pape François, a été confirmée par le Saint-Siège. Le Père Robles Gil, 62 ans,
est mexicain. Le directeur général de la Légion souligne que ce chapitre général marque
la fin d'une époque et un nouveau commencement. Nous ne pouvons effacer le passé,
a-t-il déclaré, mais nous devons apprendre la leçon, condamner les faits déplorables
qui sont survenus et se confier à la miséricorde de Dieu.
Le chapitre général
extraordinaire des Légionnaires du Christ, réuni à Rome sous la présidence du délégué
pontifical, le cardinal Velasio de Paolis, publie ce jeudi ce communiqué « sur
le chemin de renouveau que nous sommes en train de parcourir ». Un communiqué,
est-il précisé qui s'adresse « à toutes les personnes qui ont suivi attentivement
les évènements récents dans notre congrégation religieuse, en particulier à nos frères
légionnaires du Christ, aux laïcs consacrés, aux consacrées et à tous les autres membres
et amis du Mouvement Regnum Christi. ».
En voici le texte intégral:
C’est la première fois que nous réunissons le Chapitre Général depuis 2005.
Le chapitre étant la plus haute autorité interne qui représente toute la congrégation,
nous avons vu le besoin de nous prononcer sur les évènements significatifs des neuf
dernières années. Nous voulons par là établir définitivement la posture de notre congrégation
sur les comportements du P. Marcial Maciel et sur son rôle de fondateur. Nous nous
inscrivons ainsi dans la continuité des dispositions du Saint Siège et de la déclaration
signée antérieurement par tous les supérieurs majeurs de la Congrégation. De plus,
nous voulons présenter quelques réflexions initiales sur les points les plus importants
du processus de renouveau de notre congrégation. Au cours des semaines prochaines,
nous, les pères du Chapitre, nous continuerons l’analyse des différents thèmes à discuter
et nous donnerons des orientations au nouveau gouvernement de la Légion pour le chemin
qu’il reste à parcourir.
Alors que nous évaluons la gravité du mal et
le scandale causé, nous avons à l’esprit que nous nous trouvons sous le regard miséricordieux
de Dieu, dont la providence continue à guider nos pas. En nous unissant à Jésus-Christ,
nous espérons pouvoir racheter notre histoire douloureuse et vaincre par le bien les
conséquences du mal. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons trouver un sens évangélique
dans ce qui s’est passé et construire notre avenir sur les fondations solides de la
confiance en Dieu, de la fidélité à l’Eglise et de la vérité.
Dans cette
perspective, nous avons considéré les actions très graves et objectivement immorales
du P.Maciel, qui ont mérité les sanctions que la Congrégation pour la Doctrine de
la Foi lui a imposées à l’époque. Notre fondateur est mort en 2008 et nous implorons
pour lui la miséricorde de Dieu. En même temps, nous voulons exprimer notre profond
regret pour les abus de mineurs séminaristes, les actes immoraux commis avec des hommes
et des femmes adultes, l’usage arbitraire de son autorité et des biens, la consommation
exagérée de médicaments addictifs et l’appropriation d’écrits publiés par des tiers.
L’attitude incohérente de continuer à se présenter pendant des dizaines d’années comme
prêtre et témoin de la foi alors qu’il cachait ces conduites immorales nous apparaît
incompréhensible. Nous réprouvons tout cela avec fermeté. Nous regrettons que de nombreuses
victimes et personnes affectées aient espéré en vain une demande de pardon et de réconciliation
de la part du P. Maciel, et aujourd’hui, nous voulons faire nous-mêmes cette demande,
en exprimant notre solidarité envers elles toutes.
Nous, les pères du
Chapitre, nous avons entendu comment les supérieurs majeurs de la congrégation ont
appris petit à petit ces aspects cachés de la vie de notre fondateur, comment ils
ont tenté de discerner la réponse qu’il fallait donner, en tenant compte des exigences
éthiques et morales, et comment ils ont géré la communication de ces faits. Avec eux,
nous reconnaissons aujourd’hui l’incapacité initiale à croire les témoignages des
personnes qui avaient été victimes du P. Maciel, le long silence institutionnel et,
plus tard, les hésitations et les erreurs de jugement au moment d’informer les membres
de la congrégation et les autres personnes. Nous demandons pardon de ces déficiences
qui ont augmenté la douleur et l’incertitude de beaucoup.
Avec ces faits
et situations, notre congrégation religieuse aurait pu disparaître si nous n’avions
pas été accompagnés par la miséricorde de Dieu et la sollicitude maternelle de l’Eglise,
exprimée à travers les interventions décidées de Sa Sainteté Benoît XVI. Le Pape a
considéré que la Légion du Christ, de manière générale, était une communauté saine,
mais qu’il fallait faire des corrections. L’aide du Saint-Siège a été indispensable
pour découvrir comment la personnalité et la façon d’agir du P. Maciel affectaient
notre congrégation religieuse. D’ailleurs, la Visite Apostolique - réalisée par mandat
du Pape entre 2009 et 2010 - a prouvé que « la conduite du P. Maciel a causé de sérieuses
conséquences dans la vie et dans la structure de la Légion, au point de rendre nécessaire
un chemin de profonde révision ». Les évêques qui ont mené la Visite Apostolique
ont signalé surtout trois domaines : la redéfinition du charisme, l’exercice de l’autorité
et la formation adéquate. Le Pape a voulu « accompagner, soutenir et orienter ce chemin
» par l’intermédiaire d’un Délégué, « en lui conférant la charge de gouverner en son
(mon) nom cet Institut Religieux durant le temps nécessaire pour achever le chemin
de renouveau et le mener à la tenue d’un Chapitre Général Extraordinaire, dont le
but principal sera de conclure la révision des Constitutions »
Nous,
les pères du Chapitre, nous avons écouté les rapports du Délégué Pontifical et de
notre Directeur Général en fonctions sur le travail réalisé au cours de ces trois
ans et demi. Nous voulons partager de façon synthétique l’analyse de quelques aspects
concernant ce que la Visite Apostolique avait détecté et recommandé. Nous savons que
c’est le début d’un chemin et qu’il nous reste beaucoup à faire. Nous sommes décidés
à poursuivre avec humilité ce processus de renouveau et de conversion.
a.
Dans le domaine de la révision de notre charisme, le Délégué Pontifical nous a guidés
en premier lieu vers une compréhension appropriée du rôle du P. Maciel par rapport
à la Légion. La congrégation a expliqué par le passé qu’elle ne peut pas proposer
le P. Maciel comme modèle, ni ses écrits personnels comme guide de vie spirituelle.
Nous reconnaissons sa condition de fondateur. Cependant, une congrégation religieuse
et ses traits essentiels ne tirent pas leur origine de la personne du fondateur. Ce
sont un don de Dieu que l’Eglise accueille et approuve et qui vit ensuite dans l’institut
et dans ses membres. Une compréhension inadaptée du concept de fondateur,
l’exaltation excessive et la vision acritique de la personne du P. Maciel nous ont
souvent conduits à donner une valeur universelle à ses indications et à trop nous
y accrocher. C’est pourquoi, dans la révision des constitutions actuelles, une des
tâches principales a été de séparer ce qui exprimait réellement le patrimoine charismatique
de notre congrégation d’autres éléments secondaires. En outre, nous avons assuré la
conformité de tout notre droit propre avec les normes universelles de l’Église.
Les
trois ans du processus de révision ont été comme un examen de conscience communautaire
prolongé, pour découvrir et purifier ce qui, dans notre comportement personnel et
institutionnel, n’était pas de l’ordre de la vie religieuse. Nous avons constaté certaines
tendances qui nous ont empêché de bien comprendre notre charisme, entre autres : le
manque d’insertion dans l’Église locale, ainsi que l’insistance démesurée sur notre
propre effort, l’efficacité humaine, le prestige extérieur, l’accomplissement de normes
minutieuses. Tout cela demande non seulement un changement des textes législatifs,
mais encore une conversion constante de l’esprit et du coeur. Tout au long
de ces années, nous sommes aussi arrivés à mieux comprendre notre insertion dans le
mouvement Regnum Christi, ainsi qu’à estimer et respecter la vocation et l’autonomie
des autres membres, particulièrement les hommes et femmes consacrées. Nous avons entamé
avec eux une réflexion commune sur le rôle de chaque branche du Mouvement, sur notre
charisme commun et sur la manière de mener à bien notre apostolat. Les nombreux laïcs
de Regnum Christi représentent une très belle dimension de notre réalité ecclésiale
; nous voulons encourager encore davantage la communion et la soutenir par notre ministère
sacerdotal.
b. Dans l’exercice de l’autorité, l’accompagnement du Délégué
Pontifical a été une leçon constante et efficace pour mettre en pratique tout ce que
l’Église indique sur le gouvernement des instituts de vie religieuse. Nous avons cherché
à introduire une séparation claire entre le domaine de la conscience (la direction
spirituelle et la confession), le for interne et le for externe (la direction du supérieur
et les règles de vie religieuse), pour mieux garantir la liberté et l’intimité de
chaque religieux. Avec un plus grand roulement des personnes qui occupent les différents
postes de gouvernement et avec l’accompagnement, dans l’exercice de leur autorité,
d’un conseil qui se réunit régulièrement pour analyser les affaires les plus importantes,
nous avons essayé de prévenir les actes arbitraires et les abus. Le Délégué Pontifical et quelques-uns de ses conseillers personnels ont
participé presque toutes les semaines aux réunions du conseil général et ont apporté
leurs connaissances et leur expérience. Petit à petit, on a éliminé la fragmentation
de l’autorité, venue de la multiplication des assistants et auxiliaires des supérieurs
et des compétences qui leur étaient attribuées. On a institué des consultations formelles
auprès des membres de la congrégation avant de procéder aux nominations de supérieurs.
En outre, pour un changement de communauté ou de mission apostolique, on essaie de
faire participer l’intéressé pour mieux discerner la volonté de Dieu. Enfin, avec
la suppression d’un de nos deux voeux particuliers et avec les nombreuses réunions
communautaires pour la révision du texte constitutionnel, nous apprenons progressivement
à partager et discuter librement avec nos frères les réflexions et suggestions sur
tous les sujets qui touchent à la vie et à la mission de la congrégation.
c.
Dans la formation de nos religieux, on a surtout vérifié le besoin d’améliorer l’accompagnement vocationnel
pour que les novices et les religieux fassent mûrir leur décision personnelle devant
Dieu avant d’émettre leur profession religieuse. Les rapports ont mis en évidence
que, ces quatre dernières années, un nombre non négligeable de prêtres et beaucoup
de nos frères (ndt : séminaristes en formation) ont quitté la congrégation. Dans certains
cas, la cause a été sans doute l’impact négatif en rapport aux révélations sur le
fondateur et la manière dont elles ont été communiquées, mais nous avons aussi vérifié
des carences dans le programme de formation et dans notre style de vie. Entre autres,
nous devons promouvoir une pratique plus profonde des conseils évangéliques, du discernement
spirituel et de la vie fraternelle. La formation et la vie religieuse continuent
à faire l’objet de la réflexion de ce Chapitre et elles seront une des priorités du
prochain gouvernement général.
Dans les premiers jours du Chapitre,
nous avons également entendu le rapport de deux commissions que le Délégué Pontifical
avait institué :
a. La « Commission de recours » s’est occupée des personnes
qui ont demandé une action de la part de la Légion du Christ pour des faits qui sont
en rapport direct ou indirect avec le P. Marcial Maciel. Le Président de la commission,
Mgr Mario Marchesi, nous a informés des douze cas qui se sont présentés. La commission
a terminé son travail et aucun cas qui est de sa compétence ne reste ouvert. La congrégation
a agi dans chaque cas selon les propositions de la commission. L’écoute et l’aide
matérielle offerte aux victimes a contribué, dans la mesure de ce qui est humainement
possible, à soulager leurs blessures et à promouvoir la réconciliation. Nous
remercions tous les légionnaires qui font l’effort de s’approcher aussi d’autres personnes
affectées et de les rencontrer personnellement. Nous demandons au nouveau gouvernement
de maintenir cet engagement de continuer à rechercher la réconciliation.
b.
La « Commission pour l’étude et la révision de la situation économique de la Congrégation
des Légionnaires du Christ » avait pour objectif d’analyser la gestion économique
et la situation financière de la congrégation. Le rapport présenté au Chapitre
par Mgr Mario Marchesi, membre de la commission, souligne que l’on n’a pas trouvé
de malversations d’argent ni d’autre irrégularité dans les exercices fiscaux examinés.
Le premier aspect urgent dont il faut s’occuper dans ce domaine est la réduction de
la dette bancaire qui a résulté de plusieurs facteurs : l’expansion trop rapide des
oeuvres de la congrégation, la crise immobilière mondiale et la chute des dons. Dans
certains pays, la dette s’élève à une somme élevée, mais elle est encore gérable avec
les recettes et les biens de la congrégation. D’autre part, la Commission a signalé
le besoin - et cela incombera au prochain gouvernement général - d'ajuster et de simplifier
la structure administrative pour promouvoir la responsabilité propre des supérieurs
territoriaux, des supérieurs locaux, des deux branches des membres consacrés de Regnum
Christi et des directeurs des oeuvres d’apostolat. Le Chapitre Général,
en tant qu’autorité suprême de la congrégation, a aussi eu à sa disposition la documentation
ample et détaillée préparée par l’administrateur général et le rapport des audits
internes et externes des opérations financières de la congrégation dans le monde entier.
La
considération de tous ces thèmes nous a fait conclure que le chemin d’un « renouveau
authentique et profond », confirmé par le Pape François, a progressé, mais n’est pas
encore terminé. Les évènements de ces années marqueront l’identité et la vie de notre
congrégation. A la lumière de la Providence divine, nous pouvons les accueillir, les
affronter et les transformer en maillons pour une nouvelle étape de notre histoire.
Au
cours des prochaines semaines des réunions du Chapitre, nous conclurons la révision
de nos constitutions pour les soumettre à l’approbation du Saint-Siège et nous établirons
des priorités et des orientations pour poursuivre d’une espérance renouvelée le chemin
que l’Eglise nous a indiqué, sous le soin attentif des autorités compétentes.
Nous
concluons ce message par un remerciement à Dieu pour son amour miséricordieux, à l’Eglise
qui nous a guidés en la personne du Successeur de Pierre, à son Eminence le Cardinal
Velasio De Paolis et à ses quatre conseillers personnels, son Excellence Mgr Brian
Farrell LC, le P. Gianfranco Ghirlanda SJ, Mgr Mario Marchesi et le P. Agostino Montan
CSI, pour leur présence ferme et respectueuse parmi nous.
En même temps,
nous remercions tous les légionnaires du Christ pour leur témoignage de foi, de don
d’euxmêmes et de charité fraternelle qui nous unit au-delà de toutes les différences.
De manière spéciale, nous pensons aux prêtres âgés qui, pendant si longtemps, nous
ont offert un exemple d’authenticité et d’abandon à la mission. Nous ne pouvons pas
« perdre de vue que notre (leur) vocation, née de l’appel du Christ et vivifiée par
l’idéal de rendre témoignage de son amour dans le monde, est un authentique don de
Dieu, une richesse pour l’Eglise, la fondation indestructible sur laquelle construire
notre (leur) avenir personnel et celui de la Légion »
Finalement, nous
remercions tous les membres du Regnum Christi et les si nombreuses personnes qui nous
ont accompagnés pendant ces années par leur prière et leur charité. A tous
nos frères, religieux et prêtres, qui ont quitté la congrégation durant cette période,
nous voulons leur exprimer notre regret de ne plus les avoir parmi nous. Nous leur
demandons sincèrement pardon si nous ne les avons pas entendus et accompagnés de façon
évangélique et nous voudrions maintenir l’amitié et le dialogue fraternel.
Nous
voulons demander pardon et réitérer notre effort de réconciliation envers tous ceux
qui, d’une façon ou d’une autre, ont été blessés par les tristes évènements de ces
années et par nos déficiences. Marie, Notre-Dame des Douleurs, a été témoin du pouvoir
rédempteur du Christ qui vainc le mal et le péché. C’est à elle, notre mère, que nous
remettons avec confiance notre avenir.
(Ce texte a été approuvé
lors de la réunion plénière du Chapitre Général du 20 janvier 2014.)