Terre Sainte : le combat du curé de Beit Jala contre le mur de séparation
(RV) Témoignage - Un sursis de six mois pour la vallée de Crémisan, près de
Bethléem. La Cour suprême israélienne a une fois encore reporté la validation du tracé
du mur de séparation qui mutilerait la vallée agricole, couperait en deux les propriétés
des Salésiens et délogerait 58 familles chrétiennes, en les déracinant de leurs terres
ancestrales en Cisjordanie occupée. Lundi, les juges ont demandé au Procureur général
d’expliquer avant le 10 avril 2014, pour quelles raisons l’itinéraire ne pourrait
pas être modifié et pourquoi les autorités israéliennes insistent tant pour construire
le mur à cet emplacement.
Une nouvelle audience est prévue le 30 juillet 2014.
Pour éviter de voir un jour ce mur au milieu de leurs terres, les chrétiens de Beit
Jala et des environs ont organisé des messes en plein air. Des messes célébrées par
le curé de Beit Jala, le père Ibrahim al-Shomali. Propos recueillis par Audrey
Radondy.
Qu’est-ce que vous inspire la décision de la Cour suprême ? Ça
veut dire qu’ils ne sont pas convaincus par le tracé actuel du mur de séparation,
comme il est proposé par l’armée israélienne. Ça nous donne beaucoup d’espoir et nous
espérons que la Cour va choisir l’une des alternatives, pour que les chrétiens restent
dans la vallée de Crémisan. Donc nous avons de l’espoir pour la prochaine audience,
le 30 juillet prochain.
Qu’est-ce que ça signifie pour les habitants de
la vallée de Crémisan ? Que tout le travail qu’ils ont fait a servi à quelque
chose. Notre prière, chaque dimanche, chaque vendredi, a servi pour que non seulement
le Seigneur illumine le cœur de la Cour israélienne et de tout le monde, et enfin,
pour mettre la pression sur Israël. Mais nous avons aussi un peu peur, car la lettre
que doit présenter Israël, c’est le 10 avril et la nouvelle audience sera le 30 juillet,
donc peut-être qu’ils ont peur de la visite du Saint-Père, qui est toujours avec la
justice et avec la cause de Crémisan et la cause du peuple palestinien. Nous espérons
que sa visite ne soit pas juste un prétexte pour retarder la décision finale.
Et
justement que représente la visite du Pape François en Terre Sainte ? Le Saint-Père
est le papa de tout le monde, donc c’est lui qui connait les besoins de sa communauté.
On a beaucoup parlé au Saint-Père de notre situation et moi-même je lui ai donné une
lettre, lors d’une messe à Sainte Marthe, sur la situation chrétienne de la Palestine
et spécialement sur les terrains qui pourraient être perdus, si la Cour israélienne
le décide. Il est toujours avec nous, il connait très bien notre histoire et il est
d’un grand soutien, peut-être pas directement pour le moment, mais je sais très bien,
indirectement, qu’il a parlé avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu
et aussi avec le président palestinien. Et je suis sûr que lorsqu’il rendra visite
fin mai, à la communauté chrétienne de la Terre Sainte, il dira à ce moment-là quelque
chose et qu’il fera quelque chose pour cette communauté.
Pour dénoncer ce
projet, vous avez célébré des messes dans la vallée, qu’est-ce que vous comptez faire
jusqu’à la nouvelle audience ? Nous allons continuer avec les paroissiens à
aller sous les oliviers pour prier le Seigneur, pour qu’il nous entende, pour qu’il
nous écoute, il l’a déjà fait, mais on va continuer notre prière, jusqu’à la fin de
la décision de la Cour suprême. Et on va continuer à parler aussi avec les autorités
religieuses et les autorités civiles, pour qu’ils mettent encore la pression sur Israël.
Car notre question est une question politique et non pas une question judiciaire.
On est convaincu que le juge va suivre ce que va dire l’armée, mais aujourd’hui avec
cette décision, on a l’espoir qu’il va peut-être prendre choisir une décision générale
pour la paix, pour une communauté qui travaille pour la paix, même avec l’armée israélienne.
Et qu’est-ce qui va se passer si la Cour suprême valide le tracé du Mur
de séparation ? On espère qu’on n'arrivera pas à cette décision. Mais si ça
arrive, tous leurs enfants et leurs petits-enfants, vont devoir laisser le pays et
aller habiter en Europe ou en Amérique. Quoi qu’il arrive, ils ne pourront pas rester
en Terre Sainte. Car la zone de Bethléem, où vit la majorité des chrétiens, c’est
16 km2. Avec cette surface, vous ne pouvez pas cultiver votre terrain ou même construire
des maisons, car le Mur de séparation entoure toutes les maisons des chrétiens ou
les musulmans qui habitent dans la zone de Bethléem. Donc nous n’aurons plus de futur
en Terre Sainte et elle sera vide de ses habitants.
Est-ce que selon vous,
ce cas de la vallée de Crémisan montre combien c’est difficile pour les chrétiens
de vivre ici ? Pour nous, nous sommes des citoyens en Palestine, des citoyens
à 100% palestiniens et on vit bien avec la communauté musulmane ici en Terre Sainte.
Il y a des problèmes c’est vrai, mais notre grand problème, c’est l’occupation. Par
exemple, moi je suis prêtre et je ne peux pas aller à Jérusalem avec ma voiture. Lundi
et mardi, nous avions une retraite spirituelle à Jérusalem et trois prêtres n’ont
pas pu y aller car l’armée israélienne ne leur a pas permis. Donc nos difficultés
dérivent de l’occupation israélienne qui limite notre liberté, notre accès à Jérusalem
et aux lieux saints et même pour travailler à Jérusalem, on doit trouver du travail
à Bethléem. Mais c’est difficile d’y trouver un travail et si on arrive à en trouver
un, le salaire est très bas. Donc la communauté a toujours besoin de l’aide de l’Église
et de la Caritas diocésaine. Donc si ce Mur est construit, la situation de la communauté
sera de plus en plus difficile et s’ils traitent comme ça les curés, imaginez comment
ils traitent les laïques et tous les autres.
Photo : le père Ibrahim
al-Shomali a célébré des messes en plein air. Un moyen pacifique, pour mener à bien
leur combat