61e Journée Mondiale des Lépreux : 230 000 nouveaux cas dans le monde
La 61e Journée Mondiale des Lépreux s’est célébrée les 24, 25 et 26 janvier 2014. Une
tache sur la peau, banale et indolore. Voilà comment débute la lèpre, une maladie
infectieuse facile à combattre mais qui continue pourtant d'handicaper et d'exclure
des millions de personnes dans le monde, et particulièrement en Afrique. L’Organisation
Mondiale de la Santé a classé la lèpre dans le groupe dit des maladies tropicales
négligées, qu’il vaut mieux appeler « maladies à ne pas oublier ». Comme elles, la
lèpre affecte des populations rurales pauvres et sans voix, et génère d’importantes
souffrances. Le bacille de Hansen, Mycobacterium leprae, est la bactérie
responsable de la lèpre chez l’homme. Il a été mis en évidence en 1893 par le médecin
norvégien Gerhard Armauer Hansen. La lèpre touche indifféremment les hommes, les femmes
et les enfants. Elle n’est pas héréditaire.
Elle se transmet par les voies
respiratoires ou parfois par contact cutané. Son incubation est très longue, plusieurs
années. Le premier symptôme visible se traduit d’abord par des tâches, insensibles,
sur la peau puis, si le traitement arrive trop tard, par l’atteinte des nerfs, entraînant
paralysies et infirmités définitives.
La transmission de la lèpre est favorisée
par la promiscuité et le manque d'hygiène
Pour le Professeur Stewart Cole,
Président de la Commission Médicale et Scientifique de la Fondation Raoul Follereau
: Nous avons réalisé beaucoup de progrès sur les connaissances des bactéries à l’origine
de la lèpre. Néanmoins, un de ses grands mystères, c’est le fait qu’après avoir réussi
à guérir plus de 14 millions de malades, nous sommes toujours devant un nombre de
nouveaux cas relativement constant. On dénombre environ 230 000 nouveaux cas dans
le monde tous les ans dont plus de 70 % de forme multibacillaire, la plus contagieuse.
Contrairement aux prévisions des épidémiologistes, qui prédisaient l’élimination progressive
de la maladie. La situation reste malheureusement stable. Nous devons explorer de
nouvelles pistes pour combattre cette maladie. Plus que jamais, affirme le professeur,
la mobilisation s’impose. Le Docteur Charles Kinkpé, médecin-chef du Centre hospitalier
de l'Ordre de Malte, à Dakar, au Sénégal, pour sa part, affirme que la transmission
de la lèpre est favorisée par la promiscuité et le manque d'hygiène, et touche généralement
les plus pauvres, les plus vulnérables. Les malades attendent souvent la dernière
minute pour consulter, regrette ce chirurgien orthopédique.
Plusieurs symptômes
accompagnent la maladie
Or, cette maladie peut être guérie avant qu'elle
ne provoque de graves séquelles. Depuis les années 1980, la polychimiothérapie, un
traitement composé de trois antibiotiques et mis à disposition gratuitement par l'Organisation
mondiale de la santé, soigne en quelques mois et définitivement le patient. Mais
souvent, les lépreux ne savent pas repérer les signes qui se développent insidieusement.
Les nerfs sont attaqués, entraînant une insensibilité à la douleur. Ils se brûlent
en tenant une poêle chaude ou se blessent au niveau des pieds en marchant sur du verre,
par exemple, et ne s'en rendent pas compte. Les blessures s'infectent et atteignent
les os, conduisant à des amputations. Stigmatisées, les victimes sont mis au ban de
la société. La lèpre, associée aux préjugés
Celui qui a la lèpre,
est souvent isolé, éloigné, on ne le touche pas. On dit que tu es maudit, affirme
Mas Diemg, un enseignant soigné depuis près de deux ans. Les femmes lépreuses cachent
parfois leur maladie, de crainte d'être répudiées par leurs maris. Pour casser
les préjugés, les associations doivent redoubler de pédagogie et répéter que la lèpre
n'est ni héréditaire, ni le signe d'une malédiction divine, et qu'elle est peu contagieuse. L'un
de ceux qui font marcher de nouveau les lépreux est lui-même un ancien malade. Soigné
en 1976, et guéri définitivement, Moustapha Seck, , est resté au Centre hospitalier
de l'Ordre de Malte au Sénégal, et confectionne désormais des chaussures orthopédiques
destinées aux mutilés. Quand ils les mettent, d'abord ils marchent, ensuite ils
dansent de joie, affirme-t-il. Au Sénégal, entre 200 et 300 nouveaux cas de lèpre
sont recensés chaque année, mais les médecins estiment que seule une petite partie
des malades sont détectés. Si rien n'est fait on peut s'attendre à une augmentation
de la prévalence, alerte le Pr Charles Badiane, du Centre hospitalier de l'Ordre de
Malte. Si d'énormes progrès ont été faits contre la lèpre, elle reste toutefois
présente dans plus de 100 pays en Afrique, Amérique, Asie et Pacifique. En 2012, plus
de 200.000 nouveaux cas ont été dépistés. Il existe néanmoins des lueurs d’espoir,
la maladie peut être définitivement éradiquée, ont rappelé les associations lors de
la journée mondiale des lépreux. En effet, depuis le début des années 1980, un
traitement efficace associant trois antibiotiques permet de tuer le bacille et de
guérir le malade en 6 à 12 mois selon la forme de lèpre contractée.
Les
léproseries sont devenues des villages de reclassement social
A MBalling,
une localité située à environ 80 km au sud de Dakar, plusieurs dizaines d'anciens
lépreux, souvent vieillissants, continuent de recevoir régulièrement des soins. Dans
une pièce carrelée d'une vingtaine de mètres carrés, appelée Centre de rééducation
fonctionnelle et d'éducation sanitaire. Ce centre a vu le jour en 1955, dans une
période où le traitement était encore imparfait et les lépreux rejetés de la société,
en raison de leurs difformités physiques et de la crainte d'une contagion. Pourtant
raconte Coumba Wade, directrice de la promotion et de la protection des groupes vulnérables
à la Direction générale de l'action sociale du Sénégal, la loi a changé en mars 1976,
et les léproseries sont devenues des villages de reclassement social. Objectif: faire
en sorte que ce ne soient plus des camps d'internement mais des villages, où les malades
et leurs familles retrouvent une activité sociale.
MBalling comme beaucoup
de villages sénégalais, est aujourd'hui une petite ville où les anciens malades ne
représentent plus qu'une minorité de la population, quelque 300 âmes sur les 5.600
habitants. Pourtant l'image stigmatisante du village de lépreux colle toujours aux
habitants. Le Sénégal compte aujourd'hui neuf villages de reclassement social,
regroupant plus de 10.000 habitants. Les associations d'anciens malades espèrent que
bientôt on ne parlera plus que de villages tout court.