Fortement interpellés par la proposition de loi discutée actuellement à la Chambre
sur l’élargissement de l’euthanasie aux enfants et aux jeunes mineurs, les évêques
se demandent pourquoi légiférer en une matière aussi délicate, quand on sait qu’aux
Pays-Bas une pareille loi existe depuis 2006, mais n’a pratiquement jamais dû être
appliquée. Cette question les a poussés à creuser les enjeux sous-jacents à cette
initiative et à les partager largement.
Selon les évêques belges, le premier
enjeu est l’interdiction de tuer, qui est à la base de notre société. En ouvrant la
porte à l’euthanasie des mineurs, on court le danger de vouloir l’étendre aux handicapés,
aux personnes démentes, aux malades mentaux, et même à ceux qui sont fatigués de vivre.
On risque ainsi de changer le sens de la vie humaine et d’accorder la valeur d’humanité
seulement à ceux qui sont capables de reconnaître la dignité de leur propre vie. On
introduit donc le doute sur la valeur de certaines vies humaines.
Pourquoi
passer du tout au rien ?
Le second enjeu est le changement de la pratique
médicale, lié aux grands progrès de la médecine. Mais quand la médecine arrive au
bout de ses possibilités, on passe du tout au rien, et on est tenté de s’orienter
tout de suite vers l’euthanasie. On oublie le rôle de la sédation, qui apaise la douleur,
et l’importance des soins palliatifs, qui préparent sereinement à la mort. Le médecin
et le personnel médical sont ébranlés dans leur pratique et se demandent quel est
leur rôle, entre le « trop » de médecine et le « plus rien » de l’euthanasie.
Le
troisième enjeu nous renvoie à notre propre mort : comment la préparer et ne pas l’ignorer
? Avec qui en parler, quelles dispositions prendre, comment être entouré ? Comment
éviter de faire de la mort un moment tabou ? Comment mourir dans la dignité, en respectant
la valeur de la vie humaine ?
L'enjeu de la souffrance
Le quatrième
enjeu est celui de la souffrance. 70% des Belges se disent favorables à une mort douce.
C’est normal. Il faut à tout prix combattre toute forme de douleur et diminuer au
maximum la souffrance. Mais quand celle-ci est malgré tout présente, chez le malade,
comme chez les proches, ou parmi le personnel médical, comment peut-on l’assumer ?
Comment être préparés à affronter la souffrance comme une épreuve qu’on peut partager
et vivre ensemble ? Comment nous soutenir mutuellement pour traverser les moments
de souffrance ?
Le cinquième enjeu est celui de la spiritualité. Dans la question
de l’euthanasie se joue tout le sens de la vie. Comment l’expérience chrétienne nous
aide-t-elle à affronter la mort et la souffrance ? Quand nous fêtons la Pâque de Jésus,
le vendredi saint nous fait vivre le drame de la souffrance ; le samedi saint, le
mystère de la mort et de l’abandon; le dimanche, la force de la résurrection. Comment
le mystère pascal inspire-t-il notre vie et éclaire-t-il toute vie humaine ? Comment
les institutions chrétiennes peuvent-elles proposer une attitude éthique par rapport
à ces défis ? » (cathobel)
Photo: les évêques de Belgique à
l'automne dernier