Le Vatican ne fait pas obstacle à la justice dans les affaires d'abus sexuels sur
mineurs
(RV) Entretien - Le Vatican a affirmé jeudi ne pas avoir fait obstacle aux
enquêtes judiciaires dans les affaires d'abus sexuels sur mineurs, lors d'une audition
par le Comité pour les droits de l'enfant de l'ONU, à Genève. Mgr Silvano Tomasi et
Mgr Charles Scicluna, ancien procureur jusqu'à l'an dernier au Vatican sur ces dossiers,
ont répondu aux questions des experts.
L'observateur permanent du Saint-Siège
auprès de l'ONU, Mgr Tomasi, a commenté l'accusation centrale portée contre le Saint-Siège
par les associations d'anciennes victimes : celle d' « avoir fait obstacle au cours
de la justice » contre les prêtres coupables. « Elle me semble être un peu
privée de fondement (...) Le Saint-Siège soutient le droit et le devoir de chaque
pays à juger les crimes contre les mineurs. La critique assurant qu'il cherche à interférer,
à faire obstacle, ne tient pas. Au contraire, on veut qu'il y ait transparence et
que la justice suive son cours », a affirmé le prélat.
Hélène Destombes
a joint Mgr Tomasi jeudi soir, au terme de la session du comité. Il revient
sur les propos tenus par la délégation du Saint-Siège et sur les conclusions du Comité
pour les droits de l'enfant de l'ONU
Egalement sur
Radio Vatican, le père Federico Lombardi, le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège,
a expliqué les limites des compétences du Saint-Siège en vertu de la Convention entrée
en vigueur en 1990. Si le Saint-Siège est bien partie à la convention, « l'Église
catholique, en tant que communauté de fidèles catholiques dispersés dans le monde,
n'en est en aucune façon partie, et ses membres sont soumis aux législations des Etats
dans lesquels ils vivent et opèrent ».
« Il n'est pas rare, a remarqué
le porte-parole du Vatican, que les demandes, quand elles se réfèrent à la problématique
des violences sexuelles, semblent présupposer que les évêques et supérieurs religieux
agissent comme représentants ou comme délégués du Pape, ce qui est privé de tout fondement
». « Les violences sexuelles en Irlande ou celles commises au sein du mouvement
des Légionnaires du Christ ont été des cas pour lesquels les pays où elles se sont
produites sont compétents juridiquement », a-t-il ajouté à titre d'exemple.
Selon
le père Lombardi, « le droit canon propre à l'Église catholique est bien distinct
des lois civiles des Etats ». « Le Saint-Siège n'est donc pas tenu, en vertu
de la convention, à répondre aux demandes d'informations relatives à des enquêtes
effectuées sur la base du droit canon ». Il justifie ainsi le refus du Saint-Siège
de répondre au questionnaire que lui avait adressé en juillet le comité sur quelque
4000 enquêtes ecclésiastiques que les diocèses ont fait remonter depuis des années
à la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Retranscription entretien
avec Mgr Tomasi
Pour le Saint-Siège, l’occasion a été positive parce qu’on
a eu la chance d’affirmer à nouveau la valeur et les idéaux de la Convention et de
dire exactement la position du Saint-Siège qui, quelquefois, n’est pas bien perçue
par les médias ou par des ONG qui ont des intérêts partisans. On a dit qu’on est d’abord
dans la position de demander de la transparence, le cour de la justice, de soutenir
surtout le droit des enfants et des mineurs en général qui ont subi des viols de la
part des prêtres ou d’autres personnels d’ Église. Et de cette manière, on a entamé
un dialogue efficace, très actif avec les comités. Ce dialogue s’est conclu ce soir
de manière très positive.
Quels ont été les conclusions du Comité des droits
de l’enfant des Nations-Unies concernant le Saint-Siège ? Les conclusions ont
été d’encourager les chemins entrepris. Il savaient bien qu’on ne pouvait pas donner
toutes les réponses aux questions qu’ils ont posées mais ils attendent que nous continuons
le dialogue avec le comité. Ils ont beaucoup apprécié tout le travail, toutes les
initiatives qu’on a déjà prises du point de vue canonique ou légal dans l’État du
Vatican. Et je pense qu’on va construire sur les rapports qu’on a présentés et sur
lesquels le comité n’a fait aucune observation négative.
Vous avez donc
pu rappeler que le Vatican ne faisait en aucun cas obstacle à la justice dans les
affaires d’abus sexuels sur les mineurs. Vous avez également pu présenter les mesures
de lutte contre la pédophilie ? On a dit que la responsabilité des autorités
nationales reste intacte et qu’ils doivent poursuivre légalement dans les tribunaux
les crimes contre les enfants, même les crimes commis par des prêtres. C’est une prise
de position très claire et en même temps, on a présenté les différentes initiatives
comme le changement de la loi de l’État du Vatican, la loi pénale, pour inclure les
crimes contre les enfants et pour la nouvelle commission que le Pape François a instituée,
annoncée et qui devrait protéger les mineurs. On a parlé de tout cela et même des
initiatives que les Églises locales ont prises au niveau des conférences épiscopales
ou des diocèses.
Votre intervention a donc été bien accueillie par le comité
des droits de l’enfant des Nations-Unies, ce jeudi à Genève?
L’intervention
a été bien acceptée comme un signe de la volonté de dialoguer ; une ouverture à discuter
sans réserve. Tous les membres du comité ont posé une variété énorme de questions
: Comment les institutions d’Église se comportent envers les enfants ? Quelle compensation
il y a-t-il pour les victimes ? Quelle assistance psychologique offre-t-on ? Et surtout,
je crois, la peur que le Saint-Siège aurait pu occulter ou défendre les institutions
ecclésiales plutôt que de défendre les enfants. Cette peur s’est complètement dissipée.
Photo:
Mgr Tomasi, à gauche, et Mgr Scicluna à droite, ancien "promoteur de justice" (procureur)
du Vatican sur les dossiers d'abus sexuels