Nouveaux cardinaux : changement d'équilibre pour le « Sacré collège »
(RV) Entretien - Le Pape François a annoncé dimanche, à la fin de l’Angélus,
les noms des 19 prochains cardinaux. Parmi eux, 16 cardinaux électeurs, âgés de moins
de 80 ans, qui rejoignent ainsi le Collège des cardinaux. Ce sont eux qui seront chargés,
à la mort du Pape, d’élire son successeur.
Ces 19 nouveaux cardinaux seront
créés lors du Consistoire du 22 février prochain. Ils sont les premiers hommes nommés
par le Pape François depuis son élection l’année dernière.
Pour Jean-Marie
Guénois, journaliste spécialiste de l’information religieuse au quotidien français
Le Figaro, ces nominations sont un grand changement pour l’équilibre
du Collège des cardinaux. En effet les cardinaux du Nord, des pays occidentaux, ne
sont plus majoritaires. Il est interrogé par Audrey Radondy :
Quel est
votre regard sur les choix du Pape François ? Les cardinaux issus des pays
occidentaux ont perdu la majorité puisqu’ils représentent exactement à 50% le « Sacré
collège ». Donc c’est la première fois, je crois historiquement, que l’on constate
la perte de la majorité, même si tout cela est symbolique évidemment et que cela ne
signifie rien au moment du vote. Mais sur le papier il y a une sorte de perte de la
majorité symbolique et historique des cardinaux dits du Nord, des pays occidentaux,
nord-américain, européens au profit des cardinaux du Sud et ça c’est à mon avis, la
nouveauté forte de cette promotion de nouveaux cardinaux du Pape François.
Donc
vous dites que c’est plus symbolique, que cela n’aura pas d’incidence sur le vote.
Mais qu’est-ce que peut nous apprendre ce nouveau collège des cardinaux sur la personnalité
du futur Pape ? Ça n’a aucune incidence sur un vote parce que les votes ne
sont pas liés à des disciplines continentales et encore moins à des disciplines de
vote anti-occidental, de cardinaux du Sud qui voteraient contre un cardinal du Nord,
ça ne signifie rien du tout. Mais c’est la tendance qui est intéressante. C’est que
cette fois avec l’arrivée du Pape François, latino-américain, le basculement que l’on
attendait, que beaucoup attendait, on peut dire d’une Église mieux représentée, majoritaire
au Sud, donc mieux représentée dans l’instance du « Sacré collège », ce basculement
est en train de s’opérer, c’est pas très spectaculaire parce que 50%, ça n’est pas
45 ou 48%, mais en tout cas ils ne sont plus à 51% ou 52% comme ils l’étaient avant.
Donc la tendance est vraiment forte, il n’y a aucune raison qu’elle s’inverse, c’est
un mouvement de l’histoire et nous assistons là à ce basculement.
Et est-ce
qu’il y a eu des surprises, des créations inattendues ? Je pense qu’il y a
plus de surprises par les manques. Par exemple le fait que l’archevêque de Bruxelles,
monseigneur Léonard ne soit pas nommé, le fait que monseigneur Bruguès qui est archiviste
et bibliothécaire ne soit pas nommé, c’est aussi une surprise, monseigneur Diarmuid
Martin en Irlande. Ça montre aussi la volonté très forte du Pape de ne pas privilégier
aussi des pays, ou des situations, ou des postes, de nommer automatiquement cardinal,
on rompt avec cette espèce de pratique obligatoire, ça c’est nouveau. Et maintenant
il y a plus de liberté dans le choix et ça se fait au détriment de certaines personnalités
qui méritaient largement d’être cardinal.
Qu’est-ce que ça peut nous apprendre
sur le Pape François ? Le Pape François il est latino-américain et il voit
le monde bien sûr de là où il est maintenant, mais il est aussi formaté par son expérience
et sa culture. Et avec raison, il travaille à ce que les hauts-représentants de l’Église,
représentent l’Église telle qu’elle est. C’est quand même l’Amérique latine, l’Afrique
et l’Asie qui sont de vrais pôles de développement alors que les pays occidentaux
et du Nord, eux sont en perte de vitesse. Quand on voit le nombre de cardinaux italiens
par exemple, c’est quand même une anomalie de l’histoire qu’il y ait autant de cardinaux
italiens alors que l’Italie, même si elle est très importante pour l’Église catholique,
ne pèse pas un tel poids. On assiste avec lui, vraiment, à une rupture que Benoît
XVI n’avait pas osé faire. On se souvient de l’avant-dernier Consistoire, il y avait
quasiment la moitié des nominations pour la Curie romaine et lui ose maintenant aller
dans une autre direction. Non seulement il le dit mais il le fait.