2014-01-09 19:00:52

100 ème Journée mondiale du Migrant : « démonter les stéréotypes »


(RV) Entretien - L’Église catholique en France se prépare à célébrer la 100 ème Journée mondiale du Migrant et du réfugié qui se tiendra le 19 janvier prochain. Les évêques de France ont ainsi organisé mercredi une conférence de presse pour rappeler le sens de cette initiative qui vise à sensibiliser les communautés chrétiennes à la question de la migration et à promouvoir des occasions de rencontres et d’échange avec les migrants.

Au programme de cette journée : des célébrations dans de nombreuses paroisses mais aussi des moments de partage entre personnes de différents pays. Cette année, le Pape François propose une réflexion sur le thème : « migrants et réfugiés : vers un monde meilleur ».

La première Journée à la veille de la Première guerre mondiale

La première Journée mondiale du Migrant et du réfugié a été pensée à la veille de la Première guerre mondiale, il y a 100 ans. Une guerre mondiale qui a entraîné et initié tant de déplacements humains, souligne le père Lorenzo Prencipe, directeur du Service national de la Pastorale des migrants et des personnes Itinérantes. Aujourd'hui, c'est une journée qui prend tout son sens alors que les déplacements de populations ne cessent de s'accroître avec la multiplication des conflits, que ce soit au Mali, en Centrafrique ou en Syrie.

Hélène Destombes a recueilli les propos du père Lorenzo Prencipe, directeur du Service national de la Pastorale des migrants et des personnes Itinérantes : RealAudioMP3


« Un monde meilleur », c’est une invitation que nous fait le Pape, pas seulement aux migrants et aux réfugiés mais qu’il fait à tout le monde. Nous sommes tous concernés par ce monde meilleur à bâtir. Donc, on peut le bâtir dans différentes perspectives : dans une perspective d’exclusion et c’est ce que l’on fait dans nos attitudes, nos choix politiques, sociaux et économiques ou on peut le bâtir- et c’est l’invitation, le défi et la proposition du Pape- en créant les fondements pour réaliser une culture de la rencontre, donc un monde qui se base sur la capacité de se connaître, de se reconnaître entre personnes différentes, sur la capacité pour chacun d’avoir envie d’apporter sa contribution et d’avoir envie de collaborer, de créer des formes de communion, de partage, de solidarité qui sont toujours nécessaires pour que ce monde puisse vraiment être meilleur pour tous.

Depuis le début de son pontificat, le Pape François a fait de l’attention et du respect aux migrants et réfugiés l’une de ses priorités. Cela a-t ’il changé le regard que beaucoup posent sur les migrants et les réfugiés ?
À mon avis, ça peut doucement changer les attitudes, les comportements et même les pensées et les paroles de beaucoup de chrétiens. Je vous donne seulement de petits exemples dont j’ai eu connaissance ici en France : depuis que le Pape François a invité à prendre soin de cette réalité, il y a eu pas mal d’évêchés, de congrégations religieuses et de paroisses qui avaient des locaux désaffectés et qui y ont permis l’accueil et le logement au moins temporaires de migrants et de demandeurs d’asile en attente de l’examen de leur demande. Donc, ça commence à changer et je pense qu’il faudra poursuivre dans cet esprit.

Vous avez le sentiment que le phénomène migratoire est aujourd’hui plus encore que dans les années précédentes un sujet délicat, un sujet tabou ?
C’est toujours délicat, c’est-à-dire que dans les pays du nord, on regarde toujours -et cela depuis les années’70 du siècle dernier- les migrations comme une source de menaces, de problèmes, d’atteintes à la souveraineté nationale et à l’identité des peuples autochtones. Et donc, quand on est confronté aux migrants- hommes, femmes et enfants- qui arrivent chez nous, toutes ces arrière-pensées, ces stéréotypes et ces stigmatisations reviennent toujours à l’esprit. À mon avis, le travail de l’Église, d’une société qui se veut capable de construire des relations et non pas de les détruire, c’est justement de démonter les raccourcis, les stéréotypes, toutes formes de peur et de méfiance par rapport à la rencontre de l’autre.

Nous célébrerons le 19 janvier prochain la centième journée mondiale du migrant et du réfugié. Comment cette journée a-t-elle évoluée depuis sa création ?
Rappelons que cette journée a été pensée à la veille du premier conflit mondial qui a causé des milliers de déplacés, de réfugiés, de personnes obligées à quitter leur territoire d’origine. Donc, c’était dans ce contexte que la journée est née et je dirais que c’est dans ce contexte que la journée évolue. Aujourd’hui, à distance de cent ans, nous sommes dans un monde où l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan, le Mali, la Centrafrique nous rappelle toujours que les violences, les guerres et les conflits sont toujours à l’œuvre. Et donc, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes obligées à s’enfuir, ça coince de plus en plus. Aujourd’hui, nous n’avons pas des milliers mais des millions de personnes qui se déplacent. Et donc, dans ce contexte-là, effectivement, la journée mondiale a toute sa place et son objectif à atteindre : alerter les personnes, sensibiliser les personnes et les sociétés, inviter les communautés de foi à l’ouverture et inviter les sociétés et les Églises à faire de la place aux migrants, même s’ils ne sont pas de la même religion, mais qui ont besoin d’être soutenus matériellement, spirituellement et culturellement. La journée mondiale, c’est l’occasion pour les paroisses, les associations, les diocèses, d’une rencontre, d’une reconnaissance et du partage : le partage des idées mais aussi le partage du repas, des traditions, des coutumes, de ce que chacun apporte dans un monde meilleur qu’on est en train de bâtir.

À la veille de cette centième journée mondiale du migrant et du réfugié, quel est le message que vous souhaiteriez adressé aux migrants et au réfugiés ?
« Prenez aussi conscience de votre richesse, de vos qualités, de votre place. N’ayez pas peur de manifester et d’apporter tout ce que vous avez en qualités de vie, de relations, en spiritualité. Notre monde, nos sociétés ont besoin de chacun de vous dans cette vie ensemble et dans cette construction, ensemble, d’une cohésion diverse, d’une cohésion basée sur le respect et non sur la conflictualité ».










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