100 ème Journée mondiale du Migrant : « démonter les stéréotypes »
(RV) Entretien - L’Église catholique en France se prépare à célébrer la 100
ème Journée mondiale du Migrant et du réfugié qui se tiendra le 19 janvier prochain.
Les évêques de France ont ainsi organisé mercredi une conférence de presse pour rappeler
le sens de cette initiative qui vise à sensibiliser les communautés chrétiennes à
la question de la migration et à promouvoir des occasions de rencontres et d’échange
avec les migrants.
Au programme de cette journée : des célébrations dans de
nombreuses paroisses mais aussi des moments de partage entre personnes de différents
pays. Cette année, le Pape François propose une réflexion sur le thème : « migrants
et réfugiés : vers un monde meilleur ».
La première Journée à la veille
de la Première guerre mondiale
La première Journée mondiale du Migrant
et du réfugié a été pensée à la veille de la Première guerre mondiale, il y a 100
ans. Une guerre mondiale qui a entraîné et initié tant de déplacements humains, souligne
le père Lorenzo Prencipe, directeur du Service national de la Pastorale des migrants
et des personnes Itinérantes. Aujourd'hui, c'est une journée qui prend tout son sens
alors que les déplacements de populations ne cessent de s'accroître avec la multiplication
des conflits, que ce soit au Mali, en Centrafrique ou en Syrie.
Hélène Destombes
a recueilli les propos du père Lorenzo Prencipe, directeur du Service national
de la Pastorale des migrants et des personnes Itinérantes :
« Un monde
meilleur », c’est une invitation que nous fait le Pape, pas seulement aux migrants
et aux réfugiés mais qu’il fait à tout le monde. Nous sommes tous concernés par ce
monde meilleur à bâtir. Donc, on peut le bâtir dans différentes perspectives : dans
une perspective d’exclusion et c’est ce que l’on fait dans nos attitudes, nos choix
politiques, sociaux et économiques ou on peut le bâtir- et c’est l’invitation, le
défi et la proposition du Pape- en créant les fondements pour réaliser une culture
de la rencontre, donc un monde qui se base sur la capacité de se connaître, de se
reconnaître entre personnes différentes, sur la capacité pour chacun d’avoir envie
d’apporter sa contribution et d’avoir envie de collaborer, de créer des formes de
communion, de partage, de solidarité qui sont toujours nécessaires pour que ce monde
puisse vraiment être meilleur pour tous.
Depuis le début de son pontificat,
le Pape François a fait de l’attention et du respect aux migrants et réfugiés l’une
de ses priorités. Cela a-t ’il changé le regard que beaucoup posent sur les migrants
et les réfugiés ? À mon avis, ça peut doucement changer les attitudes, les
comportements et même les pensées et les paroles de beaucoup de chrétiens. Je vous
donne seulement de petits exemples dont j’ai eu connaissance ici en France : depuis
que le Pape François a invité à prendre soin de cette réalité, il y a eu pas mal d’évêchés,
de congrégations religieuses et de paroisses qui avaient des locaux désaffectés et
qui y ont permis l’accueil et le logement au moins temporaires de migrants et de demandeurs
d’asile en attente de l’examen de leur demande. Donc, ça commence à changer et je
pense qu’il faudra poursuivre dans cet esprit.
Vous avez le sentiment que
le phénomène migratoire est aujourd’hui plus encore que dans les années précédentes
un sujet délicat, un sujet tabou ? C’est toujours délicat, c’est-à-dire que
dans les pays du nord, on regarde toujours -et cela depuis les années’70 du siècle
dernier- les migrations comme une source de menaces, de problèmes, d’atteintes à la
souveraineté nationale et à l’identité des peuples autochtones. Et donc, quand on
est confronté aux migrants- hommes, femmes et enfants- qui arrivent chez nous, toutes
ces arrière-pensées, ces stéréotypes et ces stigmatisations reviennent toujours à
l’esprit. À mon avis, le travail de l’Église, d’une société qui se veut capable de
construire des relations et non pas de les détruire, c’est justement de démonter les
raccourcis, les stéréotypes, toutes formes de peur et de méfiance par rapport à la
rencontre de l’autre.
Nous célébrerons le 19 janvier prochain la centième
journée mondiale du migrant et du réfugié. Comment cette journée a-t-elle évoluée
depuis sa création ? Rappelons que cette journée a été pensée à la veille du
premier conflit mondial qui a causé des milliers de déplacés, de réfugiés, de personnes
obligées à quitter leur territoire d’origine. Donc, c’était dans ce contexte que la
journée est née et je dirais que c’est dans ce contexte que la journée évolue. Aujourd’hui,
à distance de cent ans, nous sommes dans un monde où l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan,
le Mali, la Centrafrique nous rappelle toujours que les violences, les guerres et
les conflits sont toujours à l’œuvre. Et donc, les réfugiés, les demandeurs d’asile,
les personnes obligées à s’enfuir, ça coince de plus en plus. Aujourd’hui, nous n’avons
pas des milliers mais des millions de personnes qui se déplacent. Et donc, dans ce
contexte-là, effectivement, la journée mondiale a toute sa place et son objectif à
atteindre : alerter les personnes, sensibiliser les personnes et les sociétés, inviter
les communautés de foi à l’ouverture et inviter les sociétés et les Églises à faire
de la place aux migrants, même s’ils ne sont pas de la même religion, mais qui ont
besoin d’être soutenus matériellement, spirituellement et culturellement. La journée
mondiale, c’est l’occasion pour les paroisses, les associations, les diocèses, d’une
rencontre, d’une reconnaissance et du partage : le partage des idées mais aussi le
partage du repas, des traditions, des coutumes, de ce que chacun apporte dans un monde
meilleur qu’on est en train de bâtir.
À la veille de cette centième journée
mondiale du migrant et du réfugié, quel est le message que vous souhaiteriez adressé
aux migrants et au réfugiés ? « Prenez aussi conscience de votre richesse,
de vos qualités, de votre place. N’ayez pas peur de manifester et d’apporter tout
ce que vous avez en qualités de vie, de relations, en spiritualité. Notre monde, nos
sociétés ont besoin de chacun de vous dans cette vie ensemble et dans cette construction,
ensemble, d’une cohésion diverse, d’une cohésion basée sur le respect et non sur la
conflictualité ».