L’abécédaire de la vie religieuse du Pape François
Lors d’une rencontre au déroulement inédit, le 29 novembre 2013 au Vatican, le Pape
François s’était entretenu pendant plus de trois heures avec quelque 120 supérieurs
d’ordres religieux masculins. Dans l’après-midi du 3 janvier 2014, la revue jésuite
italienne La Civiltà cattolica a publié de nombreux passages de cette conversation. Le
Pape avait alors longuement parlé de la vie religieuse dans le monde actuel, de la
formation des consacrés, du rapport avec l’autorité épiscopale, louant également la
réaction de Benoît XVI face aux affaires de pédophilie au sein de l’Eglise. Lors
de cet échange, le Pape a appelé avec force les religieux à “réveiller le monde“,
à fuir le “centralisme“ et “les approches idéologiques“ pour voir la réalité depuis
“la périphérie“.
Voici une sélection des meilleurs passages de l’intervention
du Pape, de A à Z
Apostolat: “Nous devons toujours demander pardon
et regarder avec beaucoup de honte les échecs apostoliques entraînés par le manque
de courage. Pensons par exemple, aux intuitions pionnières de Matteo Ricci qui, à
l’époque, furent abandonnées“. Charisme: “Le charisme reste, il est fort,
l’œuvre passe. On confond parfois l’Institut (religieux, ndlr) et l’œuvre. L’Institut
est créatif, il cherche de nouvelles voies. De même, les périphéries changent et on
peut toujours en faire une liste différente“. Conflits: “Si l’on n’endure
pas de conflits dans une communauté, il manque quelque chose. La réalité nous dit
qu’il y a conflit dans toutes les familles et tous les groupes humains. Et le conflit
doit être assumé, il ne doit pas être ignoré. S’il est couvert, il crée une pression
et puis explose. Une vie sans conflits n’est pas la vie“. Compagnons: “Pensons
à ces religieux qui ont le cœur acide comme du vinaigre : ils ne sont pas faits pour
le peuple. En somme, nous ne devons pas former des administrateurs, des gestionnaires,
mais des pères, des frères, des compagnons de route“. Eduquer: Les piliers
de l’éducation sont : “transmettre la connaissance, les façons de faire, les valeurs.
A travers eux on transmet la foi. L’éducateur doit être à la hauteur des personnes
qu’il éduque, il doit s’interroger sur comment annoncer Jésus-Christ à une génération
qui change. (…) La tâche éducative est aujourd’hui une mission clé, clé, clé !“
Eglise: “L’Eglise doit être attractive. Réveillez le monde ! Soyez témoins
d’une façon différente de faire, d’agir, de vivre ! Il est possible de vivre différemment
en ce monde“. Evangile: “La radicalité évangélique ne concerne pas seulement
les religieux : elle est demandée à tous. Mais les religieux suivent le Seigneur de
façon spéciale, de façon prophétique. J’attends de vous ce témoignage. Les religieux
doivent être des hommes et des femmes capables de réveiller le monde“. Evêques:
“Les charismes des différents instituts doivent être respectés car il y en a besoin
dans les diocèses. Je connais par expérience les problèmes qui peuvent naître entre
l’évêque et les communautés religieuses. (…) Nous, évêques, devons comprendre que
les personnes consacrées ne sont pas du matériel d’assistance, mais des charismes
qui enrichissent les diocèses. L’insertion diocésaine des communautés religieuses
est importante. Il faut sauver le dialogue entre évêque et religieux afin d’éviter
qu’en ne comprenant pas les charismes, ils soient simplement considérés comme des
instruments utiles“. Formation: “La formation des candidats (à la vie religieuse,
ndlr) est fondamentale. Les quatre piliers de la formation sont : spirituel, intellectuel,
communautaire et apostolique. Le fantasme à combattre est l’image d’une vie religieuse
vue comme un refuge et une consolation devant un monde ‘extérieur’ difficile et complexe“. Hypocrisie:
“La culture actuelle est plus riche et conflictuelle que celle que nous avons vécue,
à notre époque, il y a longtemps. (…) Pour éviter les problèmes, dans certaines maisons
de formation, les jeunes serrent les dents, ils cherchent à ne pas commettre d’erreurs
évidentes, d’être en règle en faisant beaucoup de sourires dans l’attente qu’on leur
dise un jour : ‘bien, tu as fini ta formation’. Ceci est une hypocrisie fruit du cléricalisme,
qui est l’un des mots les plus terribles“.
Inculturation: “Il existe
des Eglises qui donnent des fruits nouveaux. Par le passé, peut-être n’étaient-elles
pas aussi fécondes, mais elles le sont désormais. Cela nous oblige naturellement à
revoir l’inculturation du charisme“. Jeunes: “Celui qui travaille avec les
jeunes, ne peut se limiter à dire des choses trop ordonnées et structurées comme un
traité, parce qu’elles ne touchent pas ces jeunes. Il faut un nouveau langage, une
nouvelle façon de dire les choses. Dieu nous demande aujourd’hui ceci : sortir du
nid dans lequel nous sommes pour être envoyés“. Novices: “Il faut avoir
les yeux ouverts sur cette situation“ a dit le pape en évoquant la “traite des novices“,
c’est-à-dire l’arrivée massive de congrégations étrangères qui ouvrirent des maisons
religieuses aux Philippines, afin de trouver de nouvelles recrues pour l’Europe“. Pêché:
“La vie est complexe, elle est faite de grâce et de pêchés. Celui qui ne pêche pas
n’est pas homme. Nous faisons des erreurs et nous devons reconnaître notre faiblesse.
Un religieux qui se reconnaît faible et pêcheur ne contredit pas le témoignage qu’il
est appelé à donner, mais au contraire il le renforce et cela fait du bien à tous“. Pêcheurs:
“Si un jeune qui a été invité à quitter un institut religieux à cause de problèmes
de formation et pour des motifs graves est ensuite accepté dans un séminaire, c’est
un gros problème. Je ne parle pas de gens qui se reconnaissent pêcheurs : nous sommes
tous pêcheurs, mais nous ne sommes pas tous corrompus. On accepte les pêcheurs mais
pas les corrompus“.
Pédophilie: “Cela (l’attitude de Benoît XVI face
aux affaires de pédophilie) doit nous servir d’exemple pour avoir le courage de considérer
la formation personnelle comme un défi sérieux en ayant toujours à l’esprit le peuple
de Dieu“. Périphéries: “Les grands changements de l’Histoire ont eu lieu
lorsque la réalité a été vue non du centre, mais de la périphérie. C’est une question
herméneutique : on comprend la réalité seulement si on la regarde depuis la périphérie
et non si notre regard se place au centre, équidistant de tout. Pour comprendre vraiment
la réalité, nous devons nous déplacer de la position centrale de calme et de tranquillité
pour nous diriger vers la zone périphérique. Etre en périphérie aide à mieux voir
et mieux comprendre, à faire une meilleure analyse de la réalité, en fuyant de nouveau
le centralisme et les approches idéologiques“. Prophètes: “Dans la vie consacrée,
“l’accent doit être mis sur l’être prophètes et non de faire semblant de l’être. Naturellement
le démon nous présente cette tentation et c’en est une : jouer à faire les prophètes
sans l’être, en prendre les attitudes. Mais l’on ne peut jouer à cela. J’ai moi-même
vu des choses très tristes à ce propos. Non : les religieux et les religieuses sont
des hommes et des femmes qui illuminent l’avenir“. Religieux non-prêtres:
“Je ne crois pas du tout que la crise des vocations des religieux non-prêtres soit
un signe des temps pour dire que cette vocation est terminée. Au mieux, nous devons
comprendre ce que Dieu est en train de nous demander“. Séminaire: “La formation
est une œuvre artisanale et non policière. Nous devons former le cœur, sinon nous
formons de petits monstres et ces petits monstres forment le peuple de Dieu, cela
me donne vraiment la chair de poule“. Témoignage: “Benoît XVI a dit que
l’Eglise grandit par le témoignage et non par prosélytisme. Le témoignage qui peut
attirer vraiment est lié à des attitudes qui ne sont pas habituelles : la générosité,
le détachement, le sacrifice, l’oubli de soi, pour s’occuper des autres. Voici le
témoignage, le ‘martyr’ de la vie religieuse“.