(RV) Entretien - Ce mardi 17 décembre, le Pape François fête ses 77 ans. Né
en 1936 à Buenos Aires, en Argentine, ce fils d’immigrés italiens a été Provincial
des Jésuites d’Argentine, professeur, recteur, curé de paroisse, archevêque de Buenos
Aires puis président de la Conférence Episcopale d'Argentine ; il est devenu Pape
le 13 mars 2013. Sa fraîcheur dans la simplicité évangélique, ses nombreux gestes
inédits et son style de gouvernance inattendus suscitent l’enthousiasme. Sa vision
de l’Eglise, il l’a dévoilée au fil des mois, sans rien abandonner de l’Evangile.
Son
77ème anniversaire, le Saint-Père l’a fêté avec deux jours d’avance samedi avec les
bénévoles et des enfants de l'Institut Sainte-Marthe du Vatican qui lui ont réservé
un accueil particulièrement chaleureux. Depuis son élection le 13 mars dernier, cet
homme simple, joyeux, accessible, fascine le monde entier ; son action, guidée par
la compassion et par un attachement indéfectible au message du Christ, est depuis
toujours entièrement tournée vers les plus pauvres, les blessés sociaux, vers ceux
que le monde considère comme insignifiants ou qui sont défigurés par la misère. L’amour
de Dieu et du prochain, le don de soi et la prière, la fraternité et la solidarité
sont ses maîtres mots. L’exigence évangélique, la justice sociale et la non-violence
sont les piliers de sa pastorale.
Un homme qui incarne le renouvellement
de l'Église
Selon ses biographes et les témoignages de ses proches, cette
personnalité plus complexe qu’il n’y paraît, a pourtant connu autant de succès que
de traversées du désert : pendant la dictature militaire, en Argentine ; au sein de
la Compagnie de Jésus à laquelle il appartient ; dans ses rapports avec le pouvoir
politique. Mais depuis des mois, cet homme étonnant, qui a choisi très tôt de devenir
médecin des âmes, s’efforce de guider la barque de Pierre dans le monde postmoderne,
et de l’assainir sur le chemin de sa renaissance. Ce Pape, qui prend du temps pour
discerner, veut renforcer la synodalité d’une Église qu’il voudrait plus missionnaire.
Il a créé de nombreux groupes et commissions consultatives pour optimiser et moderniser
le gouvernement de l’Eglise. Des réformes importantes sont attendues, dont un remodelage
de la Curie. Neuf mois après son élection, le pape Bergoglio incarne ainsi le renouvellement
et la purification de l’Église.
Le pape François a touché les cœurs et les
esprits de millions de personnes sur tous les continents et au sein de cultures éloignées
du catholicisme. Au fil de ses homélies quotidiennes, il aide les fidèles, avec exigence
et tendresse, à suivre Jésus et à porter l’espérance au monde. Il est aujourd’hui
considéré comme l'une des personnalités les plus marquantes de la planète. Le vent
de réforme qu’il a fait souffler sur l’Église enthousiasme les uns ou bouscule les
autres mais il ne laisse personne indifférent. Surtout pas l’éditorialiste et écrivain
Patrice de Plunkett qui revient sur les grands changements de ces neuf premiers
mois de pontificat, au micro d'Olivier Tosseri :
Comment
a été ressentie l'élection du Pape François ? Ça a été un véritable électrochoc,
non seulement à l’intérieur de l’Église mais à l’extérieur parce que le Pape François
a suscité un élan d’intérêt sans précédent de la part des milieux non-chrétiens et
non-croyants dans le monde entier. Profitant de cet immense intérêt dû à son style
très direct, très clair, très simple et très percutant, il en a usé pour poser des
problèmes qui étaient les problèmes les plus urgents, les plus brûlants. En premier
lieu, l’examen de conscience des catholiques des pays riches (en particulier en France)
par rapport à leurs responsabilités dans la nouvelle Evangélisation : d’une part,
qu’est-ce qui évangélise, qu’est-ce qui n’évangélise pas, que faut-il décanter, laisser
tomber, quelles pages faut-il tourner pour rendre au message et au témoignage évangélique
toute son incandescence. Et d'autre part, la responsabilité des catholiques par rapport
au système économique actuel et aux dégâts sociaux et souffrances humaines très graves,
qu’il engendre sur l’ensemble des continents. Là, il faut bien dire que le Pape a
eu des paroles fulgurantes que l’on retrouve dans l’Exhortation apostolique La
joie de l’Évangile qui est un texte majeur pour le 21°siècle. Ce texte doit être
pris au sérieux par les catholiques dans l’ensemble des pays riches et en particulier
en France parce qu’il faut qu’ils ouvrent les yeux sur la véritable nature de ce système
économique que le Pape François n’hésite pas à décrire avec une vigueur, une sévérité
et une précision incontournables.
Ce style percutant, proche des gens,
enthousiasme beaucoup, et de nombreux catholiques. Quelles conséquences a ce style
du Pape François sur les fidèles ? Ce que Saint Paul écrivait aux communautés
chrétiennes du premier siècle sur le pourtour de la Méditerranée était tout aussi
bousculant quand il parlait aux Corinthiens ou aux Colossiens. C’était très bousculant
! Il leur disait la même chose que le Pape François : « Secouez vos habitudes ! Sortez
de vos habitudes de pensée et surtout comprenez que l’image que vous donnez conditionne
l’efficacité de l’Évangélisation ! Vous êtes responsable de l’impression que vous
faites aux non-croyants. Et si vous voulez les attirer au Christ, il faut changer
d’image si la vôtre n’est pas sympathique et attirante ». Le résultat, c’est par exemple
un débat qui a lieu en ce moment très vigoureusement aux États-Unis entre catholiques
parce qu’une partie du public catholique américain a été choquée par les critiques
que le Pape porte contre le capitalisme libéral. La prise de position de ce remarquable
universitaire catholique américain, Patrick Deneen, sur un site conservateur américain,
qui prend la défense du Pape et qui critique le capitalisme libéral dans des termes
extrêmement vigoureux est d’autant plus passionnante que cet universitaire vient des
milieux conservateurs. Donc les lignes bougent, en France aussi. Il faudrait que tout
le monde prenne conscience de cela en France, que les lignes bougent chez les catholiques
et qu’on ne peut plus continuer dans le conformisme que l’on avait dans les années
90 et les premières années 2000. Non, le système économique actuel n’est pas naturel.
Non, ce n’est pas une fatalité. Non, ce n’est pas une loi économique. Ce système n’est
pas à conserver, il est à changer. C’est ce que le Pape nous dit avec une grande clarté
et c'est le magister, l’enseignement de l’Église. Les catholiques n’ont pas à dire
que ce sont les opinions du Pape : ce ne sont pas ses opinions, c’est son enseignement.
C’est complètement autre chose !
Le Pape a lancé plusieurs chantiers importants,
a poursuivi aussi d'autres chantiers majeurs lancés par son prédécesseur Benoît XVI.
L’année qui vient sera importante. Comment ces chantiers vont-ils aboutir et se concrétiser
? Les grandes orientations qu’il a indiquées sur le plan des principes durant
son premier semestre de pontificat vont maintenant engendrer des décisions concrètes,
à la fois des réformes internes dans l’Église et en même temps, un élan vers l’Évangélisation.
Il faut donc trouver des formes, des structures et un langage nouveaux, qu’il va falloir
inventer pour porter cette Évangélisation d’une société entièrement nouvelle, quitte
d’ailleurs à mettre au placard les structures anciennes qui ne correspondent plus
à rien aujourd’hui. Il faut bien s’attendre à ce que François, qui est un homme concret
et qui l’a montré d’une manière extrêmement incarnée quand il était archevêque de
Buenos Aires, en tant que Pape, nous surprenne certainement tous par des décisions
non moins concrètes et qui ne feront certainement pas plaisir à tout le monde mais
tant mieux ! Alléluia !