Nelson Mandela, le « fleuron de l'humanisme africain »
(RV) Témoignage - L’Afrique du Sud pleure son héros, le monde pleure une icône.
Nelson Mandela, symbole de la lutte anti-apartheid, prix Nobel de la paix, et premier
président noir de l’Afrique du Sud est mort jeudi soir, à 95 ans. Les hommages
affluent. Qu’ils soient chefs d’Etat ou simples citoyens, qu’ils viennent de Chine
ou du Tibet, des Etats-Unis ou d’Iran, tous louent le courage et la détermination
d’une figure d’exception, d’un artisan de la réconciliation.
Le Pape François
a rendu, quant à lui, un vibrant hommage à Madiba, le nom de clan de Nelson Mandela,
affirmant qu'il avait « forgé une nouvelle Afrique du Sud construite sur des fondations
de non-violence, de réconciliation et de vérité ». Dans un télégramme adressé à l’actuel
président sud-africain, Jacob Zuma, le Pape salue la ferme détermination de Nelson
Mandela quant à la promotion de la dignité humaine de tous les citoyens de son pays.
Le Pape prie pour que son exemple « inspire des générations de Sud-Africains afin
qu’ils placent la justice et le bien commun en tête de leurs aspirations politiques.
»
« Une source d’inspiration » s’est éteinte, affirme Ban Ki Moon, le secrétaire
général des Nations-unies. Nelson Mandela était un « un homme profondément bon » pour
le président américain Barack Obama, un « champion de la dignité humaine et de la
liberté » pour Bill Clinton, ancien président américain qui l’a bien connu. Comme
les Etats-Unis, la France a mis ses drapeaux en berne pour honorer la mémoire de ce
« résistant exceptionnel », ce « conquérant magnifique » pour François Hollande.
« Les funérailles les plus dignes pour ce fils exceptionnel »
Vendredi
soir, Jacob Zuma a sollicité la population sud-africaine toute entière aifin d'honorer
la mémoire de Madiba : « Nous devons tous ensemble travailler pour organiser les funérailles
les plus dignes pour ce fils exceptionnel de notre pays, le père de notre jeune nation
». Une semaine de deuil national a été décrétée. Elle commencera dimanche par une
journée nationale de prière.
Le 10 décembre, une cérémonie aura lieu dans le
stade de Soccer City de Soweto, là où Nelson Mandela avait fait sa dernière
apparition publique lors de la Coupe du monde de football de 2010. La dépouille de
Madiba sera ensuite exposée, du 11 au 13 décembre, au siège de la présidence sud-africaine
à Pretoria pour que ceux qui le souhaitent puissent lui rendre un dernier hommage.
L’inhumation est prévue le 15 décembre à Qunu, village d’enfance de Mandela dans la
province du Cap oriental.
Prières œcuméniques
Toutes
les communautés religieuses ont été invitées à organiser des prières œcuméniques.
Méthodiste sans être particulièrement pratiquant, Nelson Mandela croyait au rôle des
Eglises pour la réconciliation nationale. Il était d’ailleurs proche de plusieurs
personnalités d’Eglise. C’est chez l'archevêque anglican Desmond Tutu, lui-même héros
des grandes manifestations anti-apartheid des années 1980, que Madiba passa sa première
nuit d’homme libre à sa sortie de prison en 1990. Dans le township de Soweto, au sud
de Johannesburg, il livra son combat pour l’égalité aux côtés de missionnaires catholiques.
Parmi eux, le prêtre Fidei Donum Emmanuel Lafont, envoyé dans le diocèse de
Johannesburg à partir de 1983.
L’actuel évêque de Cayenne, Mgr Lafont
réagit au décès de Nelson Mandela
« Je retiens
d’abord cette immense humanité qui faisait que, dès qu’on le rencontrait, on était
subjugué, intimidé et attiré. Il avait une belle prestance, c’était un bel homme.
Mais en même temps, il vous mettait à l’aise, il avait beaucoup d’humour et il portait
une attention très grande aux personnes. Il se souvenait des personnes. Donc voilà,
on était impressionné, mais non pas refroidi, bien au contraire.
Quand on
parle de Nelson Mandela, on parle de valeurs de non-violence, de résistance, de réconciliation.
Ces valeurs constituent un héritage. Peut-on déjà parler d’un héritage ? Bien
sûr, son héritage est énorme parce que c’est quelqu’un qui a voulu de toutes ses forces,
et qui a payé un prix énorme, pour que son peuple soit délivré d’une plaie incroyable.
Il n’a ménagé aucun effort et d’ailleurs, il a même sacrifié sa vie de famille. Il
en était très conscient et il en a beaucoup souffert. En même temps, c’était un homme
qui haïssait profondément la violence et qui a toujours pensé que la négociation était
le seul moyen d’arriver à une conclusion qui ne lèse personne. Et il savait bien que
les négociations voulaient dire des compromis. Il était prêt à faire des compromis,
sauf sur l’essentiel : il ne pouvait pas compromettre la dignité, la liberté, l’égalité.
Mais pour le reste, il était prêt à tendre la main à beaucoup. Ensuite, on retient
évidemment cette capacité qu’il a eue de rassembler, de faire l’unanimité d’une nation
divisée depuis des siècles et de prôner une réconciliation qui a trouvé un écho finalement
très important dans son peuple et pratiquement dans toutes les couches de la société
sud-africaine. Même si individuellement les gens peuvent rester avec leurs a priori,
il a favorisé là quelque chose de tout à fait étonnant.
Alors justement,
comment expliquer cette unanimité qu’il fait autour de lui dans le monde ? D’abord
parce que c’est l'une des plus belles histoires de la fin du XX° siècle, ensuite parce
que Nelson Mandela représente un des plus beaux fleurons de l’humanisme africain.
Humanisme que le monde ne connaît pas, mais qui existe depuis longtemps et qui a énormément
à apporter à l’ensemble de l’humanité : cette chaleur africaine, cette volonté de
négociation, de ne laisser personne en dehors de la route, cette tradition très ancienne
de l’Afrique de celui qui est le chef mais qui gouverne par consensus et non pas par
oukases (ndlr : dans l'Empire russe, il s’agit d’une proclamation du tsar qui avait
force de loi. Aujourd'hui, l'oukase est selon la Constitution de la Fédération de
Russie de 1993, un décret présidentiel). Le meilleur de l’Afrique était en lui
et c’est très beau. Je crois que le monde entier a besoin de ce meilleur de l’Afrique
et que le jour où ils auront un peu dépassé les clivages et les séquelles de ces siècles
d’oppression, de colonialisme et tout cela, ils apporteront au monde le meilleur de
ce que Mandela a déjà apporté.
Quelle image retenez-vous de lui ? Il
y en a tellement, mais c’est un homme qui n’a cessé de tendre la main à ses anciens
adversaires. Je retiens cette image quand il a voulu inviter à la présidence de la
République, toutes les épouses et les veuves des hommes du parti au pouvoir qui l’avait
mis en prison, aussi bien que des veuves et des femmes de l’ANC, son propre parti.
Et comme Madame Verwoerd, la veuve de celui qui l’a mis en prison et qui est un des
grands constructeurs de l’apartheid a refusé d’y aller, mais disant en retour « s’il
vient chez moi, je lui offrirai une tasse de thé », eh bien Mandela y est allé et
il a pris une tasse de thé avec Madame Verwoerd. Ça, c’est du Mandela à son plus beau.
»