Message de la Conférence des Evêques du Togo pour le Temps de l’Avent 2013
La conférence épiscopale du Togo a adressé un message intitulé : « Pour que notre
espérance ne soit pas vaine », mardi dernier, aux fidèles à l’occasion du temps de
l’Avent 2013. Le texte qui est repris ici dans son intégralité, est d’abord un message
de réconfort et d’espérance, ensuite un appel à la conversion de tous et pour le bien
de tous, et enfin, une invitation à la résolution des différents conflits sociaux
que traverse le pays par le dialogue et par l’intercession de Marie, Reine de la paix
et Modèle par excellence de l’espérance.
Soyez patients dans l'affliction.
Persévérez dans la prière
« Au moment d’entrer dans le temps liturgique
de l’Avent, vos Pères Evêques se tournent vers vous pour vous adresser ces mots de
réconfort que l’Apôtre Paul écrivait aux chrétiens de Rome : « Réjouissez-vous en
espérance. Soyez patients dans l`affliction. Persévérez dans la prière.» (Rm 12,12).
En effet, l’Avent est, par excellence, le temps de l’espérance, un temps qui nous
rappelle que Dieu est toujours à l’œuvre au cœur de notre histoire et qu’il accompagne
mystérieusement de sa grâce paternelle chacun de nos pas. C’est lui le fondement de
notre foi et la garantie de notre espérance. En lisant ce mot d’espérance de vos
Pasteurs, certains d’entre vous se demanderont peut-être si un tel message a vraiment
un sens au moment où ils s’interrogent avec angoisse sur leur avenir. Est-il réaliste
de parler d’espérance alors que tant d’interrogations assaillent les esprits et que
les signaux sociopolitiques semblent plutôt inquiétants ? Comment parler d’espérance
à un peuple accablé de soucis et qui a l’impression d’avancer vers un lendemain chargé
d’incertitudes ? A quelle espérance osons-nous vous exhorter ? Quel en est le fondement
et quelles attitudes concrètes doit-elle déclencher en nous ?
Le Seigneur
est notre espérance
Lors des Journées Mondiales de la jeunesse qui se sont
tenues à Rio de Janeiro en juillet dernier, le Pape François s’adressait en ces termes
aux milliers de pèlerins, en commentant le passage du dragon et de la femme de l’Apocalypse
12 : « une femme – figure de Marie et de l’Église – est persécutée par un Dragon –
le diable – qui veut dévorer son enfant. Toutefois, la scène ne porte pas à la mort,
mais à la vie, car Dieu intervient et sauve l’enfant (cf. Ap 12, 13a.15-16). Que de
difficultés dans la vie de chacun de nous, dans l’existence des personnes, dans nos
communautés, mais pour aussi énormes que ces difficultés puissent sembler, Dieu ne
nous laisse jamais en être submergés. Face au découragement qui pourrait être dans
la vie et qui pourrait gagner ceux qui œuvrent pour l’évangélisation ou qui font l’effort
de vivre la foi en tant que père et mère de famille, je voudrais dire avec force :
ayez toujours dans vos cœurs cette certitude : Dieu marche à vos côtés, il ne vous
abandonne en aucun moment ! Ne perdez jamais l’espérance ! Ne l’éteignez jamais dans
vos cœurs! Le « dragon », le mal, est présent dans notre histoire, mais il n’est pas
le plus fort. Dieu est le plus fort ! Dieu est notre espérance ! » L’espérance
chrétienne Comme l’affirme avec foi le Pape François « Dieu est notre espérance
! ». Cela signifie que l’espérance chrétienne n’est pas un simple sentiment d’optimisme
en un avenir meilleur. Elle ne consiste pas à se répéter stoïquement que ça ira mieux
demain, comme si le simple fait d’y croire pouvait tout changer. Elle n’est pas un
espoir forcé ni une douce rêverie qui rend la vie plus acceptable. L’espérance chrétienne
est fondamentalement une attitude de confiance et d’assurance en Dieu qui accomplit
ses promesses en Jésus-Christ. Ainsi entendue, l’espérance chrétienne concerne d’abord
le salut apporté par le Christ à tout homme, à l’Eglise, à l’humanité, à la création
tout entière. Voici notre assurance : puisque Jésus a triomphé de la mort par sa
souffrance sur la croix et sa résurrection, il ouvre à tout croyant les portes du
bonheur éternel et définitif avec Dieu et en Dieu (Rm 8,24). Ainsi, l’objet premier
de l’espérance est la résurrection et la vie éternelle, c’est-à-dire la participation
au salut que Dieu nous a promis et qu’il a réalisé en Jésus-Christ. Une telle espérance
ne peut pas être totalement comblée sur cette terre, car son accomplissement plénier
ne se fera que dans la vie éternelle auprès de Dieu. Par ailleurs, un tel salut n’est
pas tout simplement le résultat des efforts de l’homme mais un don de la grâce de
Dieu. Voilà pourquoi l’espérance chrétienne s’entretient par la prière. C’est à
une telle espérance que nous invite le temps de l’Avent lorsqu’il nous fait méditer
sur la fidélité de Dieu : « Mais ceux qui espèrent dans le Seigneur retrempent leur
énergie : ils prennent de l’envergure comme des aigles, ils s’élancent et ne se fatiguent
pas, ils avancent et ne faiblissent pas » (Is 40,31).
Espérance et conversion
En
vous exhortant avec insistance à garder en vous l’espérance chrétienne, nous n’avons
nullement l’intention de vous détourner de vos attentes légitimes et de vos préoccupations
face à l’avenir de notre Pays. En réalité, l’espérance chrétienne que nous annonçons
donne force et consistance aux nombreuses espérances qui tissent notre vie quotidienne.
De fait, parce qu’il croit fermement à la victoire du Christ sur la mort et à la promesse
d’une terre nouvelle où règneront la justice et la paix, le chrétien s’engage, dès
ce monde, à construire de toutes ses forces cette civilisation nouvelle où régneront
la vérité, la justice et l’amour. Luttant contre toute résignation et tout fatalisme,
il est appelé à s’investir corps et âme dans la transformation des réalités humaines
conformément au projet de Dieu (Cf. Gaudium et Spes 39). L’on comprend, dès lors,
pourquoi l’espérance est indissociable de la conversion sans laquelle aucune transformation
qualitative des réalités de ce monde n’est possible. Une conversion qui touche à la
fois les cœurs, les esprits, les mentalités et les comportements. Au cours de ce temps
de l’Avent, les lectures qui nous seront proposées nous inviteront inlassablement
à aller à la rencontre du Seigneur qui vient, en veillant dans la vigilance et en
convertissant nos cœurs : « c'est le moment, l'heure est venue de sortir de votre
sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu'à l'époque où nous sommes
devenus croyants. La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les
activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière. Conduisons-nous
honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans ripailles ni beuveries, sans orgies
ni débauches, sans dispute ni jalousie, mais revêtez le Seigneur Jésus Christ » (Rm
13,11-14).
Espérance pour notre peuple
Nous en sommes convaincus
: si nous demeurons dans cette disposition d’espérance et que nous nous engageons
dans une démarche sérieuse de conversion, alors notre Pays pourra connaître un avenir
plus serein. C’est ici le lieu de vous exprimer notre gratitude pour le calme et la
maîtrise de soi dont vous avez fait preuve lors des récentes élections législatives
du mois de juillet 2013. Grâce à votre pondération, ce scrutin s’est déroulé dans
un climat assez paisible et serein. Nous en rendons grâce à Dieu. Toutefois, nombreux
sont ceux qui, en scrutant l’horizon, s’interrogent sur les divers défis auxquels
nous sommes encore confrontés : que nous réserve l’avenir ? A quand les élections
locales ? A quand la mise en œuvre des réformes institutionnelles et constitutionnelles
? A quand la vérité sur les incendies des marchés de Kara et de Lomé ? Qui en sont
les auteurs et pourquoi une telle barbarie ? Les grèves des enseignants et les revendications
sociales vont-elles se poursuivre au cours des prochains mois ? Le cri silencieux
de tant de familles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts peut-il nous laisser
indifférents ? Pour rendre possible l’avènement du Togo nouveau auquel nous aspirons
tous, nous, vos Pères Evêques, n’avons pas de solutions-miracles ni de recettes magiques
à proposer. Cependant, nous avons le devoir moral d'exhorter chacun de nous à poser
des gestes qui construisent l’avenir, renforcent la confiance mutuelle, créent de
meilleures conditions de vie et nous rapprochent davantage les uns des autres.
Appel
à l’unité et à la résolution des conflits sociaux
En ce qui concerne les
incendies barbares qui non seulement ont porté un coup fatal à notre économie mais
aussi aggravé le climat de méfiance entre les Togolais, nous recommandons vivement
que les autorités judiciaires, en toute indépendance et impartialité, conformément
aux exigences déontologiques de leur noble mission, poursuivent avec célérité l’examen
de ce dossier afin que les responsabilités soient bien dégagées et que, par voie de
conséquence, les citoyennes et citoyens en soient informés. Ainsi prendront fin les
plaintes de détention arbitraire formulées par les uns et les accusations de diffamation
avancées par les autres. Au sujet des élections locales et des réformes institutionnelles,
nous rappelons les engagements pris à diverses reprises par le Gouvernement ; ces
engagements ont été rappelés solennellement par le Premier Ministre lors de sa déclaration
de politique générale devant l’Assemblée le 18 septembre 2013. Le temps passe ; le
temps presse ; les délais sont assez brefs. Il importe d’enclencher rapidement le
processus pour éviter la précipitation et les tensions inévitables que celle-ci génère.
Concernant
l’éducation
Quant aux mouvements de grève qui secouent l’enseignement public
et confessionnel ainsi que divers secteurs d’activités de notre Pays, ils ne sont
que l’expression du malaise social et des inquiétudes éprouvées par des milliers de
travailleurs et de jeunes qui s’interrogent sur leur avenir. Tout en reconnaissant
la complexité des situations en cause, nous invitons tous les protagonistes à les
prendre au sérieux et à rechercher ensemble les solutions appropriées. Pour sa part,
l’Eglise poursuit ses discussions avec le Gouvernement et les Institutions concernées
afin de trouver les réponses adéquates à l’épineuse question de l’enseignement confessionnel. Que
la bienheureuse Vierge Marie, l’Etoile du matin, la Reine de la paix et le Modèle
par excellence de l’espérance, nous soutienne par sa maternelle intercession ! »