Berlusconi, déchu mais encore dans le jeu politique
(RV) Entretien - Silvio Berlusconi, qui domine la scène politique nationale
depuis près de vingt ans, a été déchu mercredi comme prévu de son siège de sénateur
après sa condamnation définitive pour fraude fiscale dans le procès Mediaset. Pas
de surprise de dernière minute, pas de recours de la dernière chance, la loi qui prévoit
qu’un élu condamné à une peine d’au moins deux ans de prison ne peuvent ni rester
parlementaire ni être élues pendant six ans, a été appliquée. Mais l’ancien président
du Conseil italien, même hors du Parlement, demeure toujours dans le jeu politique.
C’est l’analyse de Sergio Romano, éditorialiste pour le quotidien il Corriere della
sera. Des propos recueillis par Olivier Tosseri
Silvio
Berlusconi, déchu de son poste de sénateur va-t-il continuer à peser sur la scène
politique italienne ? Le fait qu’il ne soit plus dans une institution ne semble
pas véritablement avoir d’importance dans un moment où le leader du mouvement cinq
étoiles n’est pas au parlement, Matteo Renzi sera probablement bientôt le secrétaire
général du parti démocrate n’est pas non plus au parlement. Donc, vous avez maintenant
des gens qui dirigent des partis en dehors du parlement. Il faut prendre acte d’une
nouveauté dans la vie politique italienne. Berlusconi a certainement perdu beaucoup
de voix au moment du consensus le plus important dont il a joui et il avait en gros
treize millions de voix. Et il en a maintenant plus ou moins six à sept millions.
C’est quand même important, c’est une partie considérable du pays. Et il est même
probable, on le constatera bien sûr lors des prochaines élections, que les gens qui
sont restés avec lui, lui soit, dans une certaine mesure, beaucoup plus fidèles que
les autres parce que ce sont ces gens, les gens qui croient véritablement en lui.
Non, Berlusconi a quand même encore une partie de sa vie politique en face de lui.
Vous
avez fait la comparaison avec Beppe Grillo et Matteo Renzi, deux personnes qui ont
derrière eux un parti uni même si traversé par plusieurs courants. La droite est divisée
depuis quelques semaines. Est-ce que c’est une division de façade ou c’est quelque
chose de beaucoup plus profond ? Non, c’est assez profond. Je crois que cette
division d’ailleurs est le véritable miroir de la partie modérée et conservatrice
du pays. Et il n’y a pas de doute que Berlusconi a perdu une partie de son électorat
et il l’a perdu parce que sa position a paru incompatible avec le style de vie, la
philosophie de la partie modérée du pays qui ne veut pas être représentée par un
homme qui est presque tous les jours dans les tribunaux. Et en plus, qui n’a pas véritablement
maintenu les promesses qu’il avait fait lors de sa campagne électorale. Mais quand
même, il y a des gens qui restent avec lui. Au fond, ce sont des gens qui n’ont pas
une ligne très différente de celle du mouvement cinq étoiles . Les cinq étoiles font
des promesses qui ressemblent dans une certaine mesure à celles que faisaient Berlusconi
au début de sa carrière politique. Lors des prochaines élections, Berlusconi va probablement
se placer dans cette partie du pays qui considère que l’Europe est un danger, une
menace, l’euro est la source de tous nos malheurs et que la Commission de Bruxelles
nous dicte une politique que nous n’avons pas le devoir d’observer, ça sera la plateforme
de Berlusconi lors des prochaines élections.
Face à cette plateforme berlusconienne,
il y aura le nouveau centre-droit dirigé par son ex-dauphin, Angelino Alfano. Est-ce
que véritablement une droite modérée, pro-européenne, peut émerger en Italie, privée
du leader historique et charismatique de la droite ? Elle existe sans doute.
Elle est devenue minoritaire parce qu’il n’y a pas de pays européens dans lequel maintenant
le nombre d’eurosceptiques n’ait pas augmenté. Il n’y a pas de doutes que nous avons
en Italie en gros 25 à 30% d’eurosceptiques, mêmes des gens qui détestent l’Europe,
30 % d’absentéistes. Par conséquent, la partie se joue dans une zone de la société
qui est devenue plus petite. La véritable partie, entre le centre-droite et le centre-gauche
,se joue dans une partie de la société qui est plus petite qu’autrefois.