Le souvenir de John Fitzgerald Kennedy 50 ans après son assassinat
C’était il y a cinquante ans jour pour jour. Le 22 novembre 1963, John Fitzgerald
Kennedy était assassiné en plein Dallas dans sa voiture officielle. Un attentat filmé
et que des millions d’Américains ont suivi en direct. Avec son élection en 1960, JFK
s'est imposé comme le prophète du changement, et pour la génération du baby-boom qu'il
a inspirée, sa présidence incarne une ère pleine d'espoir, soudainement interrompue
en plein vol.
Presque tous les présidents américains après lui ont, à un moment
donné, invoqué son héritage, pointant ses capacités rhétoriques et de séduction. Sa
disparition a provoqué une onde de choc sans précédent autant aux Etats-Unis que dans
le reste du monde et son souvenir reste vivace comme l’explique Thomas Snégaroff,
spécialiste des Etats-Unis. Il est interrogé par Olivier Tosseri Thomas
Snégaroff est l'auteur de JFK, une vie en clair-obscur aux Editions Armand
Colin. Texte intégral de l'entretien :
Il y a plusieurs choses: d’abord,
c’est un anniversaire tout rond, c’est un demi-siècle. Ensuite, il y a deux films
et surtout les images, notamment d’ Abraham Zapruder qui font que ce n’est pas seulement
un évènement politique, c’est un évènement iconique et je crois qu’il a vraiment frappé
l’imagination. Et puis, il y a aussi l’image de Kennedy elle-même, cette jeunesse
éternelle fauchée en pleine gloire. Il y a quelque chose de mythologique et les sociétés,
notamment occidentales, adorent ces grandes histoires : pensez à James Dean, à Marylin
Monroe…On est beaucoup aux États-Unis mais il y a toute une fantasmagorie qui est
comme tout fantasme, largement faux mais qui plaît et qui excite beaucoup l’imagination
de nombreux pays au-delà des États-Unis. Derrière la photo du sémillant
président des États-Unis, quelle est la réalité de cet homme ? La réalité,
elle est bien différente, c’est l’obscurité. La réalité, c’est non pas cette jeunesse
virile et triomphale mais un corps meurtri, un dos « en compote », des problèmes
digestifs récurrents, une maladie très grave diagnostiquée en 1947 qui est la maladie
d’Addison , qui devait probablement le tuer dans l’année si la cortisone n’était
pas arrivée, mais au moins avant 50 ans. C’est aussi une série de mensonges sur ce
couple avec Jackie, alors qu’en réalité, c’est un séducteur invétéré, tout le monde
le sait. C’est aussi une élection peut-être achetée en 1960. Des livres qu’il n’a
pas écrit mais qui ont été écrits par d’autres, comme Ted Sorensen, ce livre sur
le courage en politique et qui devient le prix Pulitzer parce que le papa Kennedy
a passé quelques bons coups de fils. Bref, il y a beaucoup de mystifications et de
mythifications dans cette existence et ce qui m’a vraiment intéressé, c’est précisément
ce rapport qu’ont les Kennedy avec la réalité. Avec l’argent, la beauté et les réseaux,
la pensée devient magique et tout ce que l’on veut, l’on obtient. Et c’est un peu
ce qui s’est déroulé avec John Kennedy. Son mandat a été évidemment très
bref, quel bilan politique peut-on tirer de ses années passées à la Maison Blanche
? Oui, très bref… 1036 jours pour être précis. En fait, pas grand-chose.
Il a eu du mal à travailler avec le Congrès. Il est arrivé avec des gens très intelligents,
très brillants, très jeunes mais qui n’avaient pas la capacité à travailler, qui ne
connaissaient pas bien les rouages du congrès pour le pousser à agir. C’est un peu
comme le premier mandat de Barack Obama, ça ressemble pas mal au premier mandat de
Bill Clinton. On arrive au pouvoir et on est tout excité mais on a pas les clefs pour
agir politiquement . En politiques étrangères, il a tout de même assisté un peu impuissant
à l’érection du mur de Berlin en 1961. Il a bien sur « gagner » la crise de Cuba mais
à que prix ? Au prix de ne pas pouvoir déstabiliser Fidel Castro, il l’a promis à
Khrouchtchev. Au prix de démanteler- c’était secret-les fusées américaines Jupiter
en Turquie. Donc, il y a eu beaucoup de faux-semblants. Et puis, en politique intérieure,
il a échoué à mettre au pas l’industrie américaine. Il avait tenté de la forcer à
fixer des prix pour éviter l’inflation et puis l’industrie américaine a fait ce qu’elle
voulait. Il s’est fait totalement roulé dans la farine par l’industrie de la sidérurgie.
Et puis, sur les droits civiques, il a très tardivement-en 1963-commencer à parler
de cela. Il n’a pas eu le temps. C’est d’ailleurs l’une des choses que l’on dit souvent,
qu’un deuxième mandat de Kennedy aurait été beaucoup plus triomphal mais il n’y en
a jamais eu, on ne le saura jamais. Son bilan politique reste quand même très fragile.
Et en revanche, Kennedy a, dans la mort, certainement été plus grand que dans la vie
puisqu’ il reste une image totalement fantasmée d’une présidence incroyable, d’un
jeune homme capable de tout et d’une Amérique rêvée.