La bibliothèque de Saint-Louis des Français s'offre une nouvelle jeunesse
A Rome, la bibliothèque de la Communauté de Saint-Louis des Français vient d’être
restaurée. Elle était à l’abandon depuis des décennies et Marie-Elisabeth Boutroue,
membre de l’IRHT (Institut de recherche en histoire des textes) lui a redonné toute
sa splendeur. Elle a bénévolement apporté une contribution majeure à l’inventaire,
au classement et à la remise en ordre de cette bibliothèque qui recèle des livres
rares et précieux.
Elle est riche de 32 000 ouvrages dont 18 000 anciens,
et composée de plusieurs fonds notamment celui des Oratoriens de Saint-Louis et celui
des Minimes de la Trinité des Monts. Par sa variété autant que par sa cohérence, la
bibliothèque de Saint-Louis constitue un témoignage particulièrement intéressant de
la présence française dans la Rome Pontificale au cours des siècles. Marie-Elisabeth
Boutroue nous en parle au micro d’ Olivier Tosseri
La bibliothèque
est le résultat de l’arrivée de plusieurs fonds de bibliothèques romaines, françaises,
en particulier le fond de la Trinité des Monts - elle héberge aussi des livres des
oratoriens installés à Saint-Louis au 17° et 18° siècle. Le fonds ancien compte environ
18.000 volumes et on trouve également une partie de la bibliothèque des zouaves pontificaux,
de ce qu’on appelait le cercle Saint-Michel. Et, c’est une bibliothèque avec beaucoup
d’histoires, de philosophies, de biographies. Ce n’est pas du tout une bibliothèque
légère ou récréative, c’est une bibliothèque pour penser et réfléchir. C’est un fonds original par rapport aux autres fonds que vous avez pu côtoyer
? C’est un fonds qui a une spécificité historique forte parce
qu’il témoigne de la présence française à Rome, en particulier au 17° et 18° siècle.
Les livres imprimés sont ceux qu’on s’attend à trouver dans une bibliothèque ecclésiastique
de cette époque, même en tenant compte de la diversité des fonds. Et, c’est une bibliothèque
qui a été rassemblée pour être une bibliothèque d’usage, pour les gens qui vivaient
ici, qui représentaient le roi , qui étaient en rapport avec le Saint-Siège et qui
travaillaient éventuellement également sur des questions qui n’étaient pas directement
diplomatiques mais philologiques, historiques, linguistiques et littéraires. C’est un fonds qui dispose de curiosités, de livres particuliers ?
On
dispose de choses assez anciennes, par exemple un très beau manuscrit qui relate les
évènements touchants la Trinité des Monts dans la première moitié et au milieu du
17°siècle, qui semble être un manuscrit complémentaire de celui couramment allégué
par les historiens pour parler de la chronique de la Trinité des Monts. On trouve
également une vingtaine d’incunables, 250 manuscrits comportant des traités de philosophie,
de théologies, des correspondances, des pièces historiques liées au quiétisme, aux
controverses religieuses du 17°siècle, à la Bulle d’Unigenitus et puis, des choses
plus littéraires également : des copies tardives de Jean Chrysostome, des copies de
romans grecs de Daphnis et Chloé. Voilà, ce genre de livres manuscrits ou imprimés
qui témoignent de gens de très haute culture.
Dans quel état avez-vous
trouvé le fonds ?
Quand je suis rentrée dans le fonds en 1996 pour la
première fois, il y avait des livres partout : ils avaient besoin d’être rangés, d’être
aérés aussi parce qu’ils manquaient de place, ils étaient très à l’étroit sur les
étagères. Il y avait besoin d’un gros toilettage du catalogue. Et puis surtout, il
y avait besoin de les mettre dans des meubles et dans un ensemble plus favorable parce
que les bibliothèques n’avaient pas de fonds donc le mur pouvait faire du salpêtre,
de la poussière qui tombait juste derrière les ouvrages. Donc, il a fallu beaucoup
de temps pour arriver à avoir un vrai projet, ambitieux et encore plus de temps pour
trouver les fonds nécessaires à la réalisation de cette restauration.
C’est
un fonds dans lequel on a fait des découvertes, on pourra faire des découvertes ?
C’est
un fonds dans lequel on pourra faire des découvertes à la fois pour des textes qu’on
croit perdus et qui sont là : je pense aux manuscrits d’un janséniste du 17° siècle
qui s’appelle François Diroys. Les manuscrits sont là, je le dis pour les collègues
qui écouteraient. On pourra aussi trouver des pièces qui éclaireront des aspects de
controverses religieuses et pour lui rendre toute sa spécificité et tout son intérêt,
il faudra vraiment que les chercheurs se penchent sur la collection elle-même, sur
sa constitution et sur le fonds manuscrit en particulier.
C’est un
fonds qui a été sauvé de l’oubli, de la dégradation ?
J’espère qu’il
est sauvé de la dégradation. Maintenant, il est dans des conditions de conservation
conformes aux normes internationales et on peut être tranquilles, il ne leur arrivera
plus rien : plus d’eau, plus de fuites, plus de problèmes d’humidité. Oui, je crois
qu’il est non seulement sauvé de la dégradation mais maintenant il est en état d’être
utilisé. Et une bibliothèque, ça doit être utilisé pour être vivant.