Centrafrique : 40 000 réfugiés à la mission catholique de Bossangoa
La Centrafrique est toujours en proie au chaos, souvent dans l’indifférence de la
communauté internationale. Les pillages, meurtres et autres braquages se multiplient
à Bangui, la capitale, et se font désormais en plein jour, dans le centre ville, au
vu et au su de tous.
A Bossangoa, à 300 km au nord de Bangui, 41 000 personnes
sont regroupées dans la mission catholique. Ces villageois ont fui leur domicile,
de peur d’être victime des exactions et exécutions sommaires commises par d’anciens
membres de la Séléka. Promiscuité, conditions sanitaires déplorables, crise alimentaire…
Une situation jugée « indigne » par l’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga,
après s’être rendu sur place.
Valérie Kaye, chargé de communication de
la Caritas Internationalis en Centrafrique, accompagnait Mgr Nzapalainga lors de cette
visite à Bossoanga. Ecoutez son témoignage.
Valérie
Kaye : Il y a une possibilité de régler le problème en Centrafrique mais il faut
vraiment agir vite parce que toutes les conditions sont là pour une descente aux enfers.
À Bossangoa, je crois que c’est vraiment un cas très particulier et impressionnant
parce qu’on a traversé la ville, qui est vide. Il y a pratiquement 2.200 maisons qui
ont été brûlées, il y a 41.000 personnes qui se sont réfugiées dans le centre catholique
de Bossangoa. Ce que vous voyez dans ce centre, c’est absolument impressionnant parce
que vous rentrez et partout, il y a des gens : 14.000 enfants, 41.000 personnes dans
un espace de 19 hectares. Partout où on va, il y a des gens. Moi, j’ai dormi dans
le centre d’accueil de Bossangoa, j’ai dû mettre vingt minutes pour arriver à ma chambre
parce que les gens étaient allongés par terre. On est arrivés le soir et avec une
torche, j’ai dû essayer de faire un parcours comme sur un champ de mines pour ne pas
écraser une main, un pied. En trois jours, 500 personnes sont arrivées. Même le parking
est rempli de gens. C’est absolument hallucinant.
Radio Vatican : Plus de
40.000 personnes qui vivent, on l’imagine, dans des conditions alimentaires et sanitaires
désastreuses ?
V. K. : Il y a quelques semaines, on comptait 5 personnes
qui mourraient chaque jour dans la mission. Les conditions se sont légèrement améliorées
et j’insiste sur le « légèrement » parce que maintenant, il n’y a plus que 2 personnes
qui meurent. On a essayé de mettre des latrines, d’améliorer les conditions sanitaires,
mais ça reste extrêmement précaire. Aujourd’hui heureusement, il y a une bonne nouvelle
: des kits d’hygiène sont arrivés pour la première fois pour couvrir 48.000 personnes.
C’est la première fois qu’il y a vraiment une assistance à la hauteur du nombre de
déplacés dans ce camp. Beaucoup de gens n’ont reçu aucune assistance depuis deux mois.
J'ai vu des cas de malnutrition évidents, des enfants avec le ventre distendu. 40
% de ces 41.000 personnes ont le paludisme. Je n’ai pas vu une seule tente à moustiques
dans ce camp ! C’est vraiment difficile à décrire, je crois qu’il faut vraiment être
sur place et voir la misère dans laquelle ces gens se trouvent pour se rendre compte
du problème. Je crois que c’est le côté , la crise visible du pays.
RV
: Et ailleurs, dans les campagnes ?
V. K. : Sur le chemin de Bossangoa,
j’ai fait 100 km de route et de chaque côté de la route, les villages étaient soient
brûlés, soient complètement vides. C’est une vision très bizarre pour ceux qui connaissent
l’Afrique puisque normalement il y a toujours des gens au bord de la route, il y a
des enfants qui jouent, il y a des activités, des couleurs, etc. Aujourd'hui, tout
est vide, c’est absolument effrayant. La question est de savoir dans quelles conditions
vivent les gens qui se sont déplacés, qui se sont enfuis dans la brousse et qui n’ont
accès à aucune aide.
RV :Ces personnes, ces familles, ont peur de rentrer
chez elles. Un véritable climat de peur s’est installé ?
V. K. :C’est
vraiment palpable à Bossangoa. Dans un climat où justement l’État fait faillite, l’Église
est leur seul refuge. Les réfugiés ne veulent absolument pas rentrer chez eux, dans
les conditions sécuritaires actuelles. Même les ONG ont demandé qu’on déplace ces
gens dans un autre camp et ils ont refusé de quitter la mission. C’est incroyable
de voir le travail de ces volontaires de la Caritas de Bossangoa, qui pour certains
n’ont pas été payés depuis des mois. Ils sont là, ils parlent avec des gens, ils n’ont
rien à leur offrir mais ils sont là pour les écouter. Et cette foi... Je me réveillais
le matin avec des gens qui priaient. La cathédrale est envahie, c’est-à-dire que le
soir, ça devient un dortoir et quand vous vous réveillez vers 4h-4h30 du matin avec
des prières, cette espèce de murmure absolument émouvant... C’est très impressionnant
de voir ces gens qui sont maintenant tenus, non par l’aide alimentaire mais par la
foi. Constater cela m’a beaucoup émue.
Des propos recueillis par Hélène
Destombes
(Photo : les réfugiés campent devant l'église de Bossangoa)