Décès de Mgr Liu, grande figure de l'Eglise clandestine chinoise
C'est le 28 octobre dernier que Mgr Pierre Liu Guandong, évêque émérite et « clandestin
» du diocèse de Yixian, dans la province du Hebei, est mort. Décédé à l’âge de 94
ans, celui qui fut le président de la Conférence des évêques catholiques « clandestins
» de Chine vivait caché depuis 1997. Dans la plus stricte clandestinité, il a été
inhumé le 29 octobre en un lieu tenu secret.
La vie et le parcours de Mgr Liu
Guandong appartiennent à cette partie de l’Eglise catholique en Chine, particulièrement
forte dans un certain nombre de diocèses du Hebei - notamment celui de Yixian- qui,
avec constance et détermination, a refusé de se soumettre à la politique religieuse
du gouvernement communiste et qui le plus souvent, a payé cher ce refus. Selon un
prêtre « clandestin » interrogé par Ucanews, Mgr Liu avait joué « un rôle central
» lors de l’établissement en 1989, de la Conférence des évêques « clandestins », un
acte qui avait « contribué à affirmer la continuité de l’existence en Chine d’une
Eglise fidèle au Saint-Siège ».
Une première arrestation en 1955
Né
en 1919 au sein d’une famille catholique de Yixian, le jeune Liu entre au séminaire
en 1935. Il ne sera ordonné que dix ans plus tard, le cours de sa formation ayant
été perturbé par la guerre qui sévit alors en Chine. Rapidement après la prise du
pouvoir des communistes, le P. Liu est confronté aux manœuvres auxquelles se livre
le nouveau régime pour mettre en place une « Association patriotique des catholiques
chinois ». La résistance des catholiques est vive et le P. Liu est arrêté une première
fois en 1955 ; il est emprisonné durant deux ans pour s’être opposé à la mise en place
de l’Eglise indépendante de Rome que veut le nouveau pouvoir. Lorsqu’il sort de prison,
l’Association patriotique vient d’être mise en place.
Dès 1958, le P. Liu,
qui refuse d’adhérer à la nouvelle structure « officielle », est de nouveau arrêté
et traduit devant un tribunal. Condamné à la prison à vie, il rejoint les cohortes
d’évêques, de prêtres et de fidèles qui payent alors de leur liberté leur opposition
à la politique religieuse de Pékin. Il ne sortira de prison puis des camps de travail
qu’en 1981.
A l’âge de 62 ans, il commence une vie pastorale consacrée à la
reconstruction de l’Eglise, à la faveur des libertés qui sont peu à peu concédées
par le régime sous Deng Xiaoping. Dès 1982, il est consacré, toujours dans la clandestinité,
évêque coadjuteur du diocèse de Yixian et en devient l’ordinaire quatre ans plus tard.
A une époque où les tensions sont très fortes entre ceux qui estiment pouvoir travailler
au sein des structures « officielles » mises en place par les autorités et ceux qui
refusent toute compromission avec un régime qu’ils estiment hostile à une Eglise en
lien avec Rome, Mgr Liu appartient aux seconds.
Une conférence épiscopale
"clandestine"
Devenu l’une des principales figures de cette Eglise « clandestine
», il fait partie de ceux qui décident de fonder une Conférence épiscopale « clandestine
». La première – et unique – réunion de cette assemblée a lieu le 21 novembre 1989
dans la province du Shaanxi et Mgr Liu en est élu président. Mais, une semaine plus
tard, il est arrêté par la police et, au cours des semaines suivantes, il en sera
de même pour tous les participants. Accusé d’avoir « fomenté, organisé et formé des
organisations illégales » ainsi que d’avoir « pris part à des activités illégales
», il sera condamné, en même temps que le vicaire général du diocèse de Baoding (autre
bastion des « clandestins »), à trois ans de détention dans un camp de rééducation
par le travail.
Libéré en mai 1992, Mgr Liu est soumis à une intense surveillance
policière. En 1994, il souffre d’une crise cardiaque et, affaibli, décide de se retirer.
Mais la police craignant une résurgence de la Conférence épiscopale « clandestine
», l’évêque est placé en résidence surveillée dans son village natal, à Weigezhuang.
En 1997, à la barbe des policiers, plusieurs prêtres réussissent à l’exfiltrer et
l’emmènent, diminué par l’âge et la maladie mais toujours aussi déterminé, hors de
portée des autorités. Depuis cette date jusqu’au 28 octobre 2013, Mgr Liu restera
caché.
Comment vit le diocèse de Yixian ?
La mort de Mgr Liu
laisse le diocèse de Yixian dans une situation difficile. Son successeur, Mgr Côme
Shi Enxiang, aujourd’hui âgé de 91 ans, a été arrêté par la police en 2001 et, depuis
cette date, aucune nouvelle de lui n’a filtré.
Selon les observateurs, avec
la mort de Mgr Liu Guandong disparaît un visage de l’Eglise de Chine qui a incarné
la résistance à la politique de contrôle de l’Eglise voulue par le pouvoir communiste.
Aujourd’hui, si des évêques « clandestins » poursuivent ce combat – tels Mgr Su Zhimin,
de Baoding, qui fut ordonné évêque en 1993 par Mgr Liu Guandong et dont quasiment
aucune nouvelle n’a filtré depuis son arrestation le 8 octobre 1997 –, d’autres, au
sein de la partie « officielle » de l’Eglise, se battent également pour permettre
à l’Eglise de vivre en-dehors de la tutelle de l’Association patriotique.
Difficile
de vivre en dehors de l'Association patriotique
Eux aussi se heurtent à
l’arbitraire du pouvoir chinois. Depuis son ordination épiscopale de juillet 2012,
l’évêque « officiel » de Shanghai, Mgr Ma Daqin, est ainsi empêché d’exercer son ministère.
Retenu en résidence surveillée, il a toutefois fait une brève réapparition le 24 octobre
2013. C’était au centre funéraire de Longhua, à Shanghai, à l’occasion des obsèques
du P. Shen Baoyi. En juillet dernier, Mgr Ma Daqin, accompagné par des fonctionnaires
du gouvernement local, avait été aperçu en visite à Jinggangshan, berceau de l’Armée
rouge dans les montagnes du Jiangxi.
La signification de ces déplacements demeure
incertaine : le régime de résidence surveillée de Mgr Ma serait-il en passe d’être
allégé ? Mgr Ma aurait-il donné des gages aux autorités de sa fidélité à la ligne
politique officielle ? Ou bien, Mgr Ma, qui doit ses ennuis au fait d’avoir démissionné
de l’Association patriotique et d’avoir réussi à faire en sorte que seuls des évêques
en communion avec Rome lui imposent les mains lors de sa messe d’ordination épiscopale,
se montrerait-il entêté et aurait besoin d’un surcroît d’éducation « patriotique »
? Ainsi que l’explique une source anonyme à l’agence Ucanews, « il est trop tôt pour
se prononcer ».(Eglises d'Asie)