2013-11-12 18:39:19

Typhon Haiyan : témoignage du père Godefroy à Manille


301 millions de dollars. C’est la somme réclamée aujourd’hui par l’ONU pour soutenir les Philippines, ravagées par le Typhon Haiyan. Sur place l’aide humanitaire s’organise. Les navires américains et britanniques sont en route vers l’archipel pour notamment apporter de l’eau et de la nourriture. Quatre jours après la catastrophe, il est encore difficile de saisir l’ampleur du cataclysme. Le dernier bilan officiel provisoire du gouvernement fait état de 1.774 morts, mais les Nations unies ont évoqué la mort possible de 10.000 personnes, dans la seule ville de Tacloban, capitale de la province de Leyte.


Le Père Daniel Godefroy, est missionnaire à Manille, la capitale. Il témoigne, au micro d'Audrey Radondy : RealAudioMP3

(Photo : Des survivants marchant au milieu des ruines de la ville de Tacloban, dévastée ar le typhon Haiyan)

Texte de l'entretien:

On comprend les angoisses des familles parce que les nouvelles sont tellement dramatiques qu’on ne sait pas qui est vivant et qui est mort. C’est vraiment la désolation. Après quatre jours, après avoir vécu un drame épouvantable, les survivants sont complètement perdus. Et on s’aperçoit que les secours d’urgence ont du mal à arriver sur place parce que les infrastructures sont détruites, les routes sont complètement encombrées ou casées. Les secours d’urgence au niveau de la nourriture, qui devraient arriver par camion ont du mal à arriver jusque dans les endroits très reculés.

Quelles étaient ces personnes qui vivaient dans la zone centrale de l’archipel ?

Ceux qui ont été touchés sont ceux qui sont dans les conditions les plus précaires . Au bord de mer, les maisons ont été complètement ravagées. Aujourd’hui, on voit dans les images que ce sont des gens qui essayent de courir partout où des aides leurs ont été portées, des gens qui essayent de ramasser les morts qu’ils trouvent : des centaines et peut-être des milliers dans les différents endroits. La ville de Tacloban, la capitale régionale de Leyte a été complètement ravagée, elle était vraiment sur le chemin du cyclone.

Comment réagit la population qui n’a pas été touchée ?

C’est un peu la consternation. Et même le gouvernement est complètement dépassé parce qu’ils n’ont pas les moyens prêts pour vraiment répondre immédiatement. Heureusement, on espère aussi qu’il va y avoir une aide internationale qui va être mise en place, mais ça prend du temps. On s’aperçoit que beaucoup de gens qui ont tout perdu y compris leur maison, auront du mal à retrouver une vie normale. Il y a un traumatisme très fort, d’autant plus qu’actuellement il y a un autre cyclone qui se prépare et qui risque d’avoir à peu près la même trajectoire même si ce n’est pas aussi violent que le précédent. Donc, les gens sont très angoissés. On voyait toute à l’heure à la télévision des images de gens qui voulaient monter dans les avions pour partir. En fait, c’est une réaction qui peut se comprendre mais qui est irrationnelle et difficile à accepter.

Selon vous, est-ce que les gens vont se mobiliser ?

Oui, parce que les philippins ont une résilience impressionnante car ils sont habitués aux catastrophes. Il y a beaucoup de sortes de catastrophes. Il faut savoir qu’il y a trois semaine, c’est presque la même région où il y a eu le tremblement de terre qui a détruit aussi beaucoup de bâtiments. Et, les gens surmontent les épreuves de manière assez impressionnante. Il y a aussi beaucoup de gens qui se portent volontaire mais il n’y a pas de savoir-faire organisationnel. Quand je pense à des catastrophes comme ça, je me dis « il faudrait qu’au niveau de l’ONU, il y a des équipes qui soient immédiatement prêtes, des gens très compétents qui peuvent aller sur place pour organiser des aides de manière rationnelle » parce que c’est très difficile d’apporter des aides immédiates à des gens qui sont très éparpillés, très désorganisés . Alors, l’Église a parfois des moyens d’aider. Un des programmes de l’Église, c’est les communautés de base. Je ne sais pas si il y a des Églises très fortes dans cette région mais quand elles existent, ce sont de petites cellules de gens de voisinage qui se connaissent, ce qui facilite énormément l’entraide entre les gens. Mais, on est vraiment très démuni et aussi un peu découragé devant cette situation. On sait que même s’il y a de bonnes volontés, des aides qui sont apportées, ça sera vraiment une goutte d’eau dans une immensité de souffrance et de misère parce que les gens qui ont vécu ce traumatisme, ils vont porter ça toute leur vie. Très souvent, après des catastrophes, il y a des groupes de parole qui se créent car c’est un besoin. Souvent ils ne veulent pas parler mais c’est un besoin qu’ils arrivent à exprimer, des souffrances qui restent trop enfermés en eux. Ça peut avoir des conséquences dramatiques pour leur avenir.

Donc ensuite, il faudra veiller à ne pas oublier ces populations.

Je crois qu’il ne faut pas en rester là. Par exemple, des missions médicales dans des régions qui ont été très éprouvées comme ça, insistent sur le fait qu’en même temps que l’aide médicale qui est apportée, il y ait une aide à la parole, à la fraternité pour que des gens puisent arriver à surmonter l’épreuve psychologique que cela a représentée. Quand on voit la destruction terrible, on se dit « mais comment des gens qui sont dans la pauvreté vont pouvoir même reconstruire leur maison ? Ils ont tout perdu ». C’est impressionnant. En fait, s’il n’y a pas de programmes spéciaux qui sont mis en place par l’État pour contrôler qu’ils soient vraiment au plus proche de la vie des gens qui sont dans cette situation, on comprend très bien que le désir immédiat des familles est de fuir. Dans mon quartier, il y a des exemples de gens que je connais très bien qui sont venus à Manille après avoir vécu un ou deux typhons dans leur région qui avait tout détruit. Donc, en fait, ils disaient « la seule solution, c’est de partir. » C’est une solution de désespoir et en même temps, ça montre aussi que devant les difficultés, la pauvreté et les épreuves comme les cataclysmes, la réaction naturelle, c’est de dire « il faut que je quitte pour aller chercher une vie meilleure ailleurs. »







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