Euthanasie : les chefs religieux en Belgique parlent d’une même voix
C’est une première en Belgique dans le débat sur la bioéthique : les chefs religieux
expriment, d’une seule voix, leur inquiétude face au risque de banalisation de l’euthanasie.
Dans un communiqué de presse commun, publié mercredi 6 novembre, le président de l’Église
protestante unie de Belgique, le grand rabbin de Bruxelles, le président du comité
central de l’Église anglicane en Belgique, le président du Synode fédéral des Églises
protestantes et évangéliques de Belgique, le Métropolite du Patriarcat œcuménique
de Constantinople, le président de l’Exécutif des musulmans de Belgique et le président
de la Conférence des évêques de Belgique s’opposent à l’extension de la loi sur l’euthanasie
aux mineurs et aux personnes démentes alors que les discussions ont repris au Sénat
belge.
Ils dénoncent « une logique qui conduit à détruire les fondements de
la société » et veulent se faire entendre non seulement en tant que « croyants héritiers
de leurs traditions religieuses respectives » mais aussi en s’appuyant sur des arguments
philosophiques. Le consentement prévu par la loi tend à devenir de plus en plus une
réalité sans consistance. La liberté de conscience des personnes concernées risque
de ne pas être sauvegardée, affirment-ils. L’euthanasie des personnes fragiles,
enfants ou personnes démentes, est une contradiction radicale de leur condition d’êtres
humains.
Les chefs religieux s'appuient sur des arguments philosophiques
Pour Mgr André-Joseph Léonard, président de la Conférence épiscopale de Belgique,
il s’agit « d’un enjeu très très grave ». Sur ce chapitre, affirme-t-il « je pense
bien que c’est la première fois qu’il y a une déclaration commune mais qui se justifie
par la gravité du problème et l’empressement d’une partie de la classe politique à
vouloir ouvrir plus largement encore la porte à l’euthanasie ».
Le président
de la Conférence des évêques de Belgique invite « toutes les personnes concernées
par cette problématique dans divers pays où c’est d’actualité, à faire preuve de vigilance
et à toujours argumenter, même s’ils sont habités par une conviction religieuse forte,
sur le plan rationnel, sur le plan philosophique parce que dans le débat public seule
une argumentation de type rationnel est pertinente ».
Risque de banalisation
d'une réalité grave
Mgr Léonard indique que « contrairement à ce qu’on
laisse entendre souvent, la décision de l’euthanasie n’est pas seulement une expression
de la liberté personnelle de l’individu, c’est une demande qui a des répercussions
sur la liberté de beaucoup d’autres personnes et sur l’ensemble de la perception des
grands enjeux de la vie dans toute une société ».
L’autre argument que les
leaders religieux souhaitent mettre en avant est celui de la solidarité : « la vie
en société repose sur la solidarité de tous : des plus faibles avec les plus forts,
des bien-portants avec ceux qui sont malades. Avec les solutions actuellement proposées
d’élargir l’euthanasie, on court le grand danger de miner ce sens de la solidarité
».
C’est, précise Mgr Léonard, « une sorte de pression exercée sur l’individu
par la société : n’encombre pas la société de ta vie vieillissante, handicapée, de
ta vie abimée mais prend les dispositions pour que tu puisses disparaitre sans trop
peser sur ton entourage, et ça c’est la ruine même de la notion de solidarité ».
Un
enjeu de société qui nécessite un véritable débat
Le président de la Conférence
des évêques de Belgique salue l’existence d’un débat sur ce thème « pourvu que ce
soit un débat sur le fond, sur l’enjeu principal ». Il y a toujours le danger, insiste-t-il
« quand on est à peu de temps d’élections nationale et européenne, que l’on fasse
des alliances, que l’on débatte dans des perspectives électorales.
J’espère
que ce débat aura lieu là où il doit se dérouler, bien sûr dans l’enceinte démocratique
du Parlement et du Sénat, mais en référence à l’enjeu humain grave engagé dans cette
problématique, et qui touche non seulement les personnes qui sollicitent l’euthanasie
mais aussi la profession médicale et paramédicale. L’enjeu est un enjeu de société
et c’est là que le débat doit avoir lieu ».
Concernant les personnes en fin
de vie et celles qui se trouvent dans un état végétatif prolongé, Mgr Léonard indique
« nous ne sommes pas du tout favorables à l’acharnement thérapeutique quand il n’y
a plus de véritable thérapie possible » et il souligne qu’en Belgique « il y a un
excellent développement des soins palliatifs mais ils doivent continuer à être développés
pour rencontrer les problématiques les plus difficiles » et, déplore-t-il « en ouvrant
encore plus largement la porte de l’euthanasie, on risque de démobiliser l’engagement
de toute la société dans des soins palliatifs encore plus performants ». Écoutez
Mgr André-Joseph Léonard, président de la Conférence épiscopale de Belgique
interrogé par Hélène Destombes