2013-10-31 15:19:37

L'Eglise aux côtés des autochtones d'Amazonie


L’Eglise catholique d’Amazonie s'est réunie pour la première fois à Manaus, capitale de l’Etat d’Amazonas, dans le nord-ouest du Brésil, jusqu’au 31 octobre ; une rencontre d'autant plus historique qu'elle intervient dans le cadre des 400 ans de l'évangélisation de l'Amazonie. Evêques, laïcs, agents de pastorale, et responsables d’institutions débattaient ensemble des réalités politiques, économiques, culturelles et religieuses qu’ils vivent, et réfléchissaient sur les réponses à apporter aux défis sociaux et environnementaux de la région. « L’Amazonie est un test décisif, un banc d’essai pour l’Eglise et la société brésiliennes », avait déclaré le pape François aux évêques brésiliens lors des JMJ de Rio, en juillet dernier.
L’engagement de l’Eglise pour l’Amazonie est donc crucial. « Il faut oser, aller de l'avant. Car si nous n'osons pas, nous nous trompons », ce sont les mots du Cardinal Claudio Hummes, président de la commission épiscopale pour l’Amazonie, à l’occasion de l’ouverture de cette rencontre à Manaus.
Le père Jacques Hahusseau, prêtre du diocèse de Cahors, est missionnaire depuis 6 ans à Boa Vista, au Brésil. Ecoutez son témoignage RealAudioMP3

L’histoire est dominée par une colonisation qui a beaucoup marqué l’histoire de ces pays. C’est un peu comme des clivages entre des populations minoritaires qui se sont développées dans la richesse et d’autres qui se sont développées dans le sous-développement et l’exploitation. L’Amazone jusque-là était une région relativement tranquille même s’il y avait déjà des forces qui pénétraient dans ces régions, mais on n’en parlait pas beaucoup. Au Brésil, on parle de Rio, de San Paolo, des pôles de développement. Mais ce pôle de développement aujourd’hui dans l’évolution du monde global atteint l’Amazone.
Pourquoi ? Parce qu’il y a ici de la vie, des potentialités énormes. Ils sont en train de déstabiliser des peuples auxquels l’Église donne toute son attention depuis longtemps. Le Pape attire l’attention sur l’Amazone parce que, et l’Église le crie depuis une quarantaine d’année :, « attention ! Ici il y a des gens qui sont menacés dangereusement. »

Des populations menacées par quoi exactement ?

Il y a plusieurs problèmes. Il y a une avancée profonde, rapide, violente du pouvoir, du capital, des intérêts, des industries qui cherchent tout sur leurs terres pour en prendre possession et pour y exploiter le bois, l’eau, les minéraux de pointe que l’on trouve ici dans ces régions et pour faire du tourisme. Ce sont des terres neuves qui sont soumises à des exploitations-explorations nouvelles. Les dynamiques, la politique est asservi par l’argent. C’est le pouvoir de l’argent qui est tyrannique, assassin d’une certaine manière, contre tous les droits qui sont établis, le droit des hommes, la conception du Brésil… enfin ça passe ou ça casse. C’était très impressionnant.
Tous ceux qui ont gagné de l’argent au Brésil viennent prendre des terres ici pour planter du soja, qui va ensuite être exporté dans nos pays pour nourrir nos vaches en Europe, etc…On cherche des minerais de pointe pour soutenir des industries de pointe en France. Alors évidemment tous ces peuples qui sont des peuples mal préparés à ça, qui vivent dans une espèce de symbiose fragile avec la nature. Ils sont pris à l’étouffoir à ce moment-là, ils sont trompés, anéantis, dégoutés. Aujourd’hui apprendre le dialogue, apprendre le respect de ces peuples qui est imposé par la loi aussi.
Au Brésil, la Constitution de’88 dit que les peuples indiens ont droit au respect, à leur culture et à leur manière d’être et de vivre. Alors évidemment, ça a des conséquences politiques énormes. Ils doivent être respectés : respect à leur terre parce que les indiens vivent avec la terre, la terre c’est leur mère. Ce n’est pas seulement un lieu d’exploitation pour tirer son sang. C’est quelque chose de biologique donc logique profond ... Il y a ces industries, ces grandes sociétés derrière qui détruisent à la fois la terre et ceux qui y vivent.
Je reviens à ce que vous disiez au début de cette interview, cette situation catastrophique que vous décrivez, l’Église la répercute depuis longtemps. Mais comment concrètement l’Église peut-elle venir en aide aux populations autochtones ? Comment peut-elle protéger la biodiversité de toute une région ?
C’est ça la grande question. Comment est-ce qu’elle fait ? En lisant l’Évangile ! Les chrétiens d’ici... il y a des choix nouveaux qui sont à faire. D’abord, il faut créer des communautés chrétiennes et l’évêque s’y emploie. On en parle beaucoup ici en Amérique Latine des communautés ecclésiales à la base, c’est-à-dire des communautés qui sont faites avec des gens avec leurs soucis, leurs préoccupations, leur volonté de vivre en donnant le dynamisme de l’Évangile dans le respect des uns des autres, dans la communion fraternelle. Il y a une lucidité pour voir ce qui est destructeur et ce qui est porteur de vie et d’avenir avec la force de l’Esprit Saint pour affronter des situations où l’argent et le pouvoir politique, démentiel et exagéré détermine l’anéantissement d’un certain nombre de gens.
Alors, l’Église elle est appelée à travailler dans ces communautés où chacun, par son baptême, est appelé à devenir acteur, actif dans cette Église avec le ministère des prêtres et des évêques. Il y a tout un travail qui se fait ici avec nos Églises, nos diocèses pour créer une communion et fortifier ces communautés qui sont soumises, bien sûr, à des difficultés et qui ont besoin d’aide et d’appui. La parole de Dieu est déterminante dans ces lieux. Chez nous, la dimension prophétique, c’est-à-dire défendre le peuple, lui donner de la vie, de l’espérance, l’aider à tenir debout, remettre le peuple sur pied, c’est fondamental.

Parlons maintenant du clergé local : le Pape François a exprimé le désir que se développe un vrai clergé autochtone, est-ce que vous pouvez nous en parler ?

On est dans des pays nouveaux. Moi, je suis un prêtre importé comme bien d’autres avec des religieux, des religieuses. On contribue à aider ces Églises diocésaines. C’est une Église appelante. Alors, il y a de gros problèmes. Le premier problème est financier, c’est-à-dire que pour maintenir une institution similaire, il faut quand même former. Nos Églises appellent des théologiens, des formateurs pour ce clergé dans ce contexte latino-américain. Ça demande aussi une certaine part financière. Les Églises s’organisent entre elles pour soutenir ces lieux de formation qui sont des séminaires, des instituts. Il y a une espèce d’organisation pour privilégier -on ne peut pas être sur tous les fronts- mais privilégier la formation. Je suis impressionné, moi, de voir les prêtres jeunes qui sont des prêtres dynamiques, intelligents. Alors, évidemment il y a tous les cas de figures. Chacun a un peu sa potentialité. Chacun fait un peu ce qu’il peut avec ce qu’il a. Il y a une grande importance des prêtres depuis une vingtaine d’années qui sont des prêtres brésiliens, autochtones -de cette terre- et qui prennent l’Évangile, leur Église à bras-le-corps. Et on a besoin de les soutenir, de les aider.








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