Longtemps en position de force, les rebelles congolais du M23 semblent désormais au
plus mal. L’armée congolaise poursuit son offensive et parvient jour après jour à
grignoter du terrain sur le territoire jusqu’alors contrôlé par le M23. Les forces
gouvernementales auraient repris lundi matin la base militaire stratégique de Rumangabo,
au nord de Goma, dans l’Est de la République démocratique du Congo. Les casques bleus
confirment ce qui ressemble à une déroute et le chef de la Mission des Nations Unies
pour la stabilisation de la RDC (Monusco), Martin Kobler, parle même de « fin militaire
du M23 ».
Les combats ont repris vendredi. Lundi, un casque bleu tanzanien
a été tué dans les affrontements. Il est mort quand l’armée et la brigade d’intervention
prenaient le contrôle de la ville de Kiwanja où la Monusco dispose d’une base importante.
Cette progression rapide de l’armée congolaise pourrait donc bien porter un coup fatal
au M23, comme nous l’explique Philippe Reyntjens, professeur à l’Institut du développement
de l’université d’Anvers, spécialiste de la région des Grands Lacs
« Le M23 semble subir un échec tout à fait considérable. Il faut toutefois
être prudent, relativise le chercheur, car l’armée congolaise a eu par le passé des
gains qui ont été par la suite défaits ». « Si le M23 n’est pas renforcé par le Rwanda
comme ce fut le cas par le passé, on assisterait alors à un vrai retournement du rapport
de force entre les rebelles et les forces congolaises », estime-t-il. « Il est devenu
beaucoup plus difficile pour le Rwanda d’être vu aux côtés du M23 puisque ses alliés,
au premier rang desquels les Américains, ont signifié au président Paul Kagamé que
tout soutien au M23 était inacceptable. » Aider les rebelles de façon visible devient
donc très compliqué pour Kigali.
Face à la situation délicate de son allié
du M23, le gouvernement rwandais a une nouvelle fois accusé Kinshasa d’avoir bombardé
son territoire et a, en conséquence, amassé davantage de troupes le long de la frontière,
menaçant d’intervenir directement. Ce n’est certes pas la première fois que cela se
produit, mais cette stratégie pourrait pousser l’armée congolaise à prélever quelques
troupes combattant les rebelles pour protéger sa frontière ce qui l’affaiblirait.
L’autorité de la RDC encore faible
La fin du M23, qui n’est
pas encore acquise, ne signifierait pas que « l’autorité de l’Etat congolais soit
rétablie sur l’ensemble du pays, et particulièrement dans l’est. Il y a un mouvement
rebelle hutu rwandais, le FDLR, qui sévit dans cette région et il y a dix à vingt
groupes armés non étatiques, de milices ethniques de toute sorte, de groupes maï-maï
qui continuent à occuper des portions même réduites du territoire congolais, ce qui
montre que le gouvernement congolais ne contrôle pas ce territoire. »
Pour
rétablir une pleine souveraineté de l’Etat sur l’Est du pays, « il faudrait une véritable
volonté politique à Kinshasa » considère Philippe Reyntjens. Le fait qu’il n’y ait
pas beaucoup de différences entre le Trésor et les comptes en banque privé, cela intéresse
ceux qui ont ces comptes et qui pillent les ressources de l’Etat, » dénonce-t-il.
Par ailleurs, il faut rétablir l’administration au Congo pour permettre un contrôle
du territoire qui ne soit pas uniquement militaire estime le chercheur. « Il faut
un minimum d’Etat de droit, ne serait-ce que pour attirer les investisseurs. Cela
prendra beaucoup de temps, de volonté, d’efforts, et d’argent pour reconstruire cet
Etat et la région » conclut Philippe Reyntjens.
Propos recueillis par Olivier
Bonnel
Photo : soldats congolais posant après leur dernière victoire
contre le M23