Les pays -membres de la communauté économique des Etats d’Afrique Centrale mettent
la pression sur la Centrafrique. Ce lundi, lors d’un sommet à N’Djamena, ils ont ordonné
à la force en présence dans le pays, la Misca, de désarmer les milices étrangères
qui déstabilisent le pays et terrorisent la population. Les chefs d’état africains
exigent également que la Misca se déploie sur tout le territoire centrafricain et
s’engage à augmenter ses moyens logistiques et financiers. La situation sécuritaire
dans le pays est toujours très précaire. Qui sont ces « éléments étrangers » qui déstabilisent
la Centrafrique ? Olivier Bonnel a posé la question à Mgr Nongo Aziagbia, évêque de
Bossangoa, à l’Ouest du pays.
Parmi les
mercenaires qui ont accompagné les éléments de la Séleka vers la prise de pouvoir
en République Centre-africaine, il y a des Tchadiens, il y a des Soudanais. Parmi
les Tchadiens, il y a des opposants au régime tchadien, des rebelles de tout poil
qui vendent leurs services et il y a aussi des anciens rebelles tchadiens qui ont
accompagné l’ancien président François Bozizé en 2003 au pouvoir. Donc c’est une confusion
sur ce terrain dumercenariat.
Les exactions des rebelles
depuis le mois de mars sont sans fin dans le pays, elles sont sources d’une grande
inquiétude. Elles ont été l’occasion de tensions intercommunautaires. Certains mêmes
craignent des tensions interreligieuses. Est-ce que vous partagez cette crainte ?
Cette
crainte est tout à fait fondée. Les exactions depuis le commencement de la rébellion,
ce n’est pas le 24 mars, c’est plutôt le 10 décembre et depuis ce jour il y a eu des
exactions qui ont été commises sur la population civile en grande partie non-musulmane.
Ces exactions ont fait que la population à commencer à exprimer un sentiment de ras-le-bol.
Cette expression de ras-le-bol s’est étendue pratiquement sur tout le territoire.
Les exactions ont fait opposer d’une certaine manière deux communautés : la communauté
musulmane à la communauté non-musulmane. Il faudrait que le gouvernement, l’État centrafricain
s’implique davantage pour casser ce cycle, cette spirale de violence et pour apaiser
les esprits pour qu’on puisse finalement retrouver la paix et la sérénité dans ce
pays. La République Centreafricaine est un pays qui n’existe que de nom, donc il faudrait
redéployer l’administration sur toutes les communes du territoire : le redéploiement
de la police, de la gendarmerie, des militaires et de l’administration. Les préfets,
les sous-préfets ont été nommés mais beaucoup sont encore bloqués à Bangui. Les structures
ne sont plus fonctionnelles sur le terrain. L’appel que j’adresse au gouvernement
c’est faire entendre que l’État de droit soit effectif sur tout l’ensemble du territoire
et que le peuple centrafricain retrouve confiance en son État.
Les Pays
d’Afrique ont aussi demandé l’organisation d’élections dans un délai de 18 mois, un
calendrier électoral précis. Est-ce que c’est une mesure réaliste aujourd’hui ?
Je
pense qu’on peut, de manière réaliste, effectivement, organiser des
élections d’ici 2015. Mais pour cela il faudrait que le gouvernement centrafricain
s’implique aussi dans la résolution de cette crise parce que la communauté internationale
ne pourra jamais tout faire à notre place. C’est au peuple centrafricain à s’impliquer
dans la résolution de cette crise.
Et selon vous, les centrafricains
ne s’impliquent pas suffisamment ?
Jusqu’à présent, j’ai quelques doutes
parce que j’ai l’impression que les politiques sont davantage intéressés par ce qu’ils
peuvent tirer de la crise en leur propre faveur maintenant en faveur de la population
centrafricaine. C’est une donne qu’il faudrait changer, une mentalité qu’il faudrait
faire évoluer.