La commission Justice et Paix du diocèse de Jaffna dénonce
« Un génocide du peuple tamoul est actuellement en cours au Sri Lanka » : c’est la
forte dénonciation qu’a fait parvenir la Commission Justice et Paix du Diocèse de
Jaffna, dans le nord du Sri Lanka, à la Nonciature apostolique et à tous les Evêques
du pays. Dans une lettre, longue et détaillée, parvenue à l’Agence Fides, le Président
de la Commission, le Père S.V.B. Mangalarajah, lance l’alarme et invite le Saint-Siège
à exercer des pressions politiques sur le gouvernement du Sri Lanka afin de proposer
« une solution politique équitable » en ce qui concerne l’organisation nationale de
l’après-guerre civile. La lettre fait état d’un certain nombre de « questions de bases
irrésolues » pour le peuple tamoul, minorité ethnique qui vit dans le nord et l’est
de l’île.
Cinq questions toujours non résolues
La première des
questions citées est la transparence et la responsabilité en ce qui concerne la vérification
des violations des droits humains, en particulier au cours des phases finales de la
guerre, en 2009. Le texte demande justice « de la mort de milliers de civils innocents
» et réclame une enquête internationale concernant les personnes disparues, l’usage
des bombes à fragmentation et d’armes chimiques.
Le deuxième point concerne
la confiscation de terres appartenant à des civils tamouls. En effet, 90% des territoires
occupés à l’époque de la guerre n’ont pas encore été restitués à leurs légitimes propriétaires.
L’Eglise catholique a, elle aussi, perdu, au titre des terrains confisqués, trois
Paroisses comprenant de nombreuses églises, chapelles et instituts. De nombreux terrains
côtiers ont été séquestrés de manière totalement arbitraire et donnés à des militaires
ou à des fonctionnaires afin qu’y soient construits des résidences de luxe au détriment
des pêcheurs locaux.
Le troisième point de cette dénonciation porte sur le
« contrôle démographique coercitif » de la population tamoule, en grande partie catholique.
Les femmes du district de Kilinochchi sont portées à l’hôpital et contraintes, sur
la base d’informations médicales manipulées, à prendre de la progestérone au moyen
d’implants sous-cutanés en vue d’un contrôle des naissances.
Par ailleurs,
la situation de milliers de prisonniers politiques tamouls, qui se trouvent dans les
prisons d’Etat pour certains depuis plus de 15 ans, demeure difficile. Il s’agit de
civils, de femmes, de personnes âgées, de malades, souvent accusés seulement d’avoir
ravitaillé en nourriture des guérilleros. L’Evêque de Mannar, S.Exc. Rayappu Joseph,
s’est par ailleurs vu refusé le droit de leur rendre visite.
Le cinquième problème
soulevé par la lettre consiste dans la peur qui règne, en particulier dans la région
de Vanni, parmi les familles tamoules comptant en leur sein des jeunes filles. En
effet, de nombreux cas d’abus sexuels de la part de militaires ont été enregistrés
sans qu’ils fassent pour autant l’objet d’aucune poursuite. Dans les zones que l’armée
a quittées, comme cela est le cas du territoire de Jaffna, des restes humains et des
fosses communes, qui pourraient contenir les corps de personnes disparues, ont été
retrouvés.
Colonisation ethnique, culturelle et religieuse
Enfin,
le texte dénonce la « colonisation ethnique, culturelle et religieuse », appuyée par
le gouvernement de la part de colons cingalais, immigrés en masse afin de convertir
et de normaliser les zones historiquement tamoules. Le gouvernement – conclut la Commission
Justice et Paix – a lourdement influencé les élections du Conseil provincial local,
continue à censurer les moyens de communication de masse et toute forme de contestation
y compris au travers d’intimidations et de menaces, ignorant totalement un parcours
de « justice, paix et réconciliation ». (fides)