Mariage pour tous : la conscience prime-t-elle sur la loi ?
Le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas de « clause de conscience » aux maires
opposés aux mariages homosexuels en France, c'est ce qu'a annoncé l'institution dans
une décision rendue vendredi matin.
L’absence de cette clause serait, selon
certains élus, contraire à la Constitution, contraire même aux libertés fondamentales
proclamées par la Déclaration de 1789, (article 10) stipulant que « nul ne doit être
inquiété pour ses opinions », confirmée par l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution
de 1946 : « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses
origines, de ses opinions ou de ses croyances ».
D’où le recours déposé le
2 juillet dernier par le collectif des maires pour l’enfance contre la fameuse circulaire
Valls du 13 juin, laquelle rappelait aux « maires récalcitrants » les risques encourus
s’ils refusaient de célébrer un mariage homosexuel.
Dans une décision de cinq
pages, le Conseil constitutionnel a jugé « qu'eu égard aux fonctions de l'officier
de l'état civil dans la célébration du mariage, le législateur n'a pas porté atteinte
à leur liberté de conscience. Il a jugé les dispositions contestées conformes à la
Constitution ».
Les maires hostiles à la célébration du mariage homosexuel,
dont le collectif revendique le soutien de 20.000 élus, ont déjà annoncé qu'ils se
tourneraient vers la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour tenter d'obtenir
satisfaction.
Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita
et porte-parole du Collectif « La manif pour tous » la conscience personnelle
prime sur la loi. Des propos recueillis par Manuella Affejee juste avant l'annonce
du Conseil constitutionnel
« Oui,
la conscience personnelle devrait primer sur la loi d’autant plus que les maires ne
sont pas des fonctionnaires « comme les autres ». Ils sont élus au suffrage universel
sur un programme, sur une profession de foi et des convictions. Et le Président de
la République ne s’est pas trompé, François Hollande, le 20 novembre 2012, avait bien
indiqué aux maires que la loi s’appliquerait à tous, néanmoins dans le respect de
leur liberté de conscience. Et il avait du, peut être se dédire le surlendemain en
étant sous la pression du lobby LGTB. On voit bien que c’est un sujet très délicat
et que si on force les élus du peuple à abdiquer leur conscience dans ce genre de
circonstances, alors il faudrait aussi le faire pour toutes les professions comme
les journalistes qui ont aussi cette liberté de conscience par exemple et pas seulement
les professions médicales. Il faut voir que les maires sont aussi des situations
extrêmement inconfortables, ils sont menacés de prison ferme, de 75.000 euro d’amende.
Le maire d’Archange qui a subi des pressions considérables du préfet a été menacé
d’une astreinte de 1000 euro par jour etc. Donc il y a une pression considérable qui,
je crois, provoque à un moment donné un réveil des consciences parce qu’on ne peut
pas se laisser enfermer dans un refus de la liberté de penser, la liberté de conscience
sur des éléments aussi intimes, aussi profonds que ceux qui nous ont mobilisés pendant
une année. »
Que répondez-vous aux partisans de la loi qui affirment
qu’instaurer une clause de conscience pour les maires risquerait de porter atteinte
à l’égalité des citoyens, principe fondamental de la République et de voir le risque
de créer deux catégories de mariage ?
« Alors, c’est vrai que pour nous
qui étions et demeurons opposés au mariage entre personnes de même sexe, ce mot mariage
désormais a des guillemets puisqu’on a changé le sens même du mot. Le mariage c’est
normalement marier des personnes qui sont différentes, qui sont de sexe complémentaire.
Et c’est la tout le sens, en France en particulier, avec la filiation qui est attachée
au mariage, le droit-la possibilité d’adopter des enfants. Donc effectivement le mot
a été complètement changé mais ca n’a pas rendu pour autant équivalent des personnes
de sexe complémentaire avec des personnes de même sexe notamment dans le domaine de
la capacité de procréation parce que ca ne dépend pas du droit. Ca dépend de l’essence
même de l’humanité. Lionel Jospin a dit lui-même qu’elle était faite non pas d’homosexuels
et d’hétérosexuels mais d’hommes et de femmes. Et c’est vrai que de ce fait, la question
de l’égalité est complètement biaisée. Alors plus précisément, sur le plan juridique,
on le sait bien, si un maire refuse ce type de mariage parce que c’est contraire à
sa conscience profonde, à la loi inscrite au plus profond de sa conscience, à ce moment-là
il y a la possibilité de déléguer à un adjoint ou de demander au préfet de trouver
un autre maire. Et de ce point de vue il n’y a pas d’empêchement de célébrer ces mariages
qui pour autant ont changé considérablement le sens du mot mariage dans notre pays.
»
Vous affichez votre détermination. Sous quelle forme est-ce qu’elle
va se concrétiser dans un futur proche ?
« Il y a peut être deux niveaux
de réponse à votre question sur la détermination puisque d’abord les maires vont continuer
de se mobiliser. Il y en a 400 qui ont envoyé des mémoires au Conseil Constitutionnel
pour demander que leur liberté de conscience soit validée. Et pour ce qui concerne
le mouvement social en lui-même, il est foisonnant, il y a des veilleurs qui se sont
développés et même à l’Alliance Vita on continue à être très mobilisé sur le sujet
de la procréation médicalement assistée pour laquelle il y a une très forte pression
du lobby LGTB qui considère que cette loi est une loi de demi-mesure. Ils commencent
à dire leur mécontentement de voir que la procréation artificielle n’a pas été un
droit accordé par la loi. Ensuite il y a la gestation pour autrui, les mères porteuses.
Et on voit, c’est tout un système de dominos qu’ils tentent de faire avancer pour
casser finalement le mariage. Il y a même des penseurs éminents, promoteurs de ce
mariage entre personnes de même sexe qui ont demandé que l’obligation de fidélité
soit supprimée. Et d’autres que l’obligation d’être deux et non pas trois ou quatre,
soit également supprimée. On le voit, c’est une déconstruction très grave de la famille,
de l’écosystème de base dans lequel l’enfant a besoin de se retrouver pour pouvoir
s’épanouir avec des repères solides. C’est cette déconstruction qui est en marche
et ça, ce n’est pas demain qu’on va baisser les bras pour essayer de promouvoir une
société où le plus vulnérable enfant soit vraiment protégé et soutenu dans la mesure
du possible par la loi et bien sur par ceux qui sont autour ».