Il ya 70 ans, la rafle des Juifs du ghetto de Rome
Il y a 70 ans, le 16 octobre 1943, pendant l’occupation nazie de Rome, un millier
de juifs romains étaient raflés dans le ghetto de Rome et déportés vers Auschwitz.
Comme chaque année, la Communauté juive de Rome fera mémoire de cet évènement tragique.
Un pèlerinage de la mémoire sera organisé avec la participation de la Communauté catholique
romaine de Sant’Egidio. Dans un message, le Pape François a insisté sur le devoir
de ne pas oublier les déportés. Mais faire mémoire du passé ne veut pas dire seulement
se souvenir ; cela veut dire aussi en tirer les leçons. Le Saint-Père invite les jeunes
générations à ne pas baisser la garde contre l’antisémitisme et contre le racisme.
Recevant une délégation de la communauté juive romaine, vendredi dernier, le Saint-Père
avait fait l'éloge de l’attitude de la communauté chrétienne de Rome pendant la grande
déportation nazie d'octobre 1943. De nombreuses institutions religieuses, des monastères
et les basiliques papales, interprétant la volonté du pape Pie XII, ont ouvert leurs
portes pour cacher des juifs. Le rôle de l'Eglise et du pape Pie XII pendant
la Seconde Guerre mondiale est au cœur de polémiques depuis de nombreuses années.
Des historiens et l'Eglise catholique affirment qu'il a donné des instructions pour
permettre aux juifs de Rome de se cacher.
Retour sur ces évènements avec
Marie-Anne Matard-Bonucci, historienne spécialiste de l'Italie fasciste, au micro
d'Olivier Tosseri :
Cette
rafle s’intègre dans la politique d’extermination des juifs de l’Allemagne. Plus largement
il y a déjà eu de grandes rafles notamment en France qui sont intervenues. Mais pour
ce qui est de l’ Italie, ce n’est pas la première rafle mais c’est la première rafle
de cette ampleur qui va effectivement se dérouler puisque désormais il y a un régime
collaborationniste qui est le régime de la République sociale italienne. C’est une
rafle qui est menée essentiellement par les allemands, par les S.S, sous la férule
de Kappler. Cette fois-ci sans collaboration de la police parce que les allemands
craignent, ne sont pas encore sûrs de la police italienne mais les rafles qui suivront
dans le Nord seront ensuite organisées conjointement par les italiens et les allemands.
Cette
rafle s’effectue donc avec la passivité des autorités italiennes ?
Tout
à fait, avec la passivité des autorités italiennes même si il y a une partie des fascistes
qui vont aider, quand ils le pourront, les S.S…Oui, à ce stade ce sont les allemands.
Il faut dire que dans tout ce contexte où des catégories de population sont persécutées
et pourchassées, le rôle de l’Église sera particulièrement précieux en effet pour
aider à accueillir, cacher les gens qui sont persécutés dont les juifs notamment.
Par exemple San Bartolomeo, sur l’ile tibérine, va accueillir énormément de monde
et beaucoup de juifs mais aussi des réfractaires au FPO, des résistants, des gens
qui sont recherchés pour diverses raisons. L’Église étant tout à fait conforme à sa
mission de charité de ce point de vue-là.
C’est aussi en ce qui concerne
les italiens l’aboutissement des lois raciales dictées en 1938 ?
Oui,
il ne faut pas voir la rafle du ghetto comme étant au fond l’effet immédiat, ce que
c’est aussi, de l’occupation des allemands mais il faut bien voir que la politique
de persécution des juifs n’a pas commencé en 1943 mais dès l’été-automne 1938, à l’instigation
du gouvernement de Mussolini qui a adopté des lois de discrimination très dures en
pleine autonomie, sans pression des allemands, de sa propre autorité. Et ces lois
ont bien évidemment préparé le travail pour les nazis. Il ne faut pas faire de lecture
rétrospective. Il n’y avait pas chez les fascistes italiens d’intention exterminatrice,
mais il se trouve que lorsque les allemands arrivent en Italie, les juifs ont déjà
été fichés, recensés et fragilisés notamment par des mesures de spoliation de leurs
biens. Et donc le travail était préparé. Et puis lorsqu’est proclamée la République
sociale italienne, les juifs sont désignés cette fois comme appartenant à une nationalité
ennemie en temps de guerre donc pratiquement comme des ennemis de la nation. Et ils
seront donc arrêtés et leurs biens totalement confisqués. Ce qui fait que quand bien
même ils n’auraient pas été arrêtés, ils n’ont plus de toute façon les moyens de survivre,
et cela par la police italienne en collaboration avec les allemands.